meeting again after a long time. ─ ft. Amelia

Henry était présent à Londres depuis quelques semaines seulement, il avait dû gérer le décès de son frère et de son père en très peu de temps. En plus de jongler avec ces tragédies familiales, il doit maintenant assumer les responsabilités liées à son nouveau statut de marquis et prendre en charge la gestion du domaine familial. Il allait également faire son entrée à la chambre des Lords, c’est pour cette raison qu’il avait raté le début de la saison, il avait de nombreuses choses à faire chez lui. Cependant, Henry se sentait obligé de réintégrer la société et de participer aux bals et évènements en tout genre, même s'il estimait avoir encore le temps avant de trouver sa future marquise.

Enfin, la messe de Pâques était dans quelques jours et il avait appris que la veuve de son défunt ami était de retour à Londres. Sa disparition avait été soudaine, Henry avait assisté aux funérailles, mais malgré sa présence, il n'avait pu apporter aucun réconfort à Amélia. Dans ces instants, il est vrai que rien ne peut véritablement venir en aide à quelqu'un traversant une profonde période de chagrin. Lui-même était en proie à son propre chagrin, ayant perdu son ami d'enfance. Bien qu'il comprenne ce qu’elle pouvait ressentir, neuf ans s'étaient écoulés depuis la perte de sa femme, donc il n'était pas exactement dans le même stade de deuil. Cependant, par respect pour son ami, il avait décidé d'offrir son soutien à sa veuve, si elle en exprimait le besoin.

Le marquis avait donc convié la jeune femme dans sa résidence londonienne pour prendre le thé, loin des ragots et des regards emplis de pitié auxquels elle serait bientôt confrontée. Naturellement, la sœur du marquis, agissant comme une chaperonne, les laissa discuter en tête-à-tête."Lady Amelia, que je suis heureux de vous revoir.", dit-il d'une voix douce alors qu’il l’invite à s’installer sur le sofa situé en face de lui."Comment vous sentez-vous ?" demanda-t-il doucement, bien conscient que la réponse ne serait pas facile à donner. Elle devait sûrement redouter de retourner dans la société, se sentant peut-être anxieuse à l'idée de se confronter de nouveau au regard des autres.

Le marquis avait donc invité la jeune femme à sa résidence londonienne pour partager une tasse de thé, tout en cherchant à savoir comment elle appréhendait son retour dans la société. Après les salutations d’usages, il lui demanda d’emblée comment elle allait et il l’observa attentivement tout en écoutant sa réponse. Il savait qu’un retour à la société après une période de deuil pouvait être difficile, voire douloureux. “Je comprends tout à fait, Lady Amelia", répondit Henry avec compréhension. "Ce que vous ressentez est tout à fait valide, surtout après avoir traversé une période aussi difficile.", lui répondit-il tandis qu'il versait le thé dans les délicates tasses en porcelaine rouge et or, un service qu’il avait reçu pour son propre mariage, offert par ses beaux-parents.

“Mais vous avez raison, il est important de se lancer à nouveau dans la vie, même si cela peut être intimidant. Vous avez déjà fait preuve d'une grande force en revenant ici, et je suis certain que vous trouverez votre place parmi nous à nouveau." lui dit-il avec entrain. En tant que femme, il était mieux de revenir dans la société pour retrouver un époux mais pour Lady Amélia, la situation était quelque peu différente. Sa position de veuve avec un fils la mettait à l’abri des besoins et elle n’est plus sous la “domination” d’un homme. Elle était comtesse douairière et gérait sans doute le domaine au nom de son fils. Il ne connaissait pas la situation du comté de Kilmartin mais il n’avait pas entendu qu’il était en difficulté. Elle pouvait donc mener sa propre vie. Cependant, c’était une bonne chose pour Amélia de recommencer à sociabiliser.

Il appréhendait également son retour dans les évènements mondains et n’hésite pas à le lui confier. Après le décès de sa femme, il n'avait pas eu la force de retrouver les bals et soirées mondaines et ce, à quelques exceptions près. La guerre l'éloigna davantage. “Vous savez, j'appréhende également mon retour, la messe de Pâques et la Garden Party qui suivra, seront les premiers événements de la saison pour moi.” lui dit-il tout en soupirant légèrement. Il prit rapidement une gorgée de thé pour dissimuler son appréhension, un large sourire se dessinant sur son visage. Il ne voulait pas paraître autocentré mais seulement lui faire savoir qu’elle n’était pas seule et que ce sentiment était tout à fait normal.

“Je suppose que vous serez présente à la messe de Pâques et la Garden Party ? Si jamais vous avez simplement besoin d'un visage familier parmi la foule, je serai là. Vous pouvez compter sur moi.” lui proposa-t-il aimablement. Sachant pertinemment qu’il n’est pas aisé de se retrouver dans un bain de foule après une longue absence. De son côté, il savait qu’il pouvait compter sur son titre titre de marquis, cela faisait de lui un bon parti, alors on pouvait dire qu'il était en position de force, enfin de l’extérieur.

Henry écouta attentivement les paroles d'Amélia, elle semblait accepter le fait de devoir continuer à vivre et elle ne se faisait aucun souci pour retrouver sa place. C’était une bonne chose d’avoir cet état d’esprit et il est vrai qu’en tant que veuve, elle n’était plus une demoiselle naïve qui ne savait rien de la vie. Elle savait à quoi s’attendre et pouvait être plus exigeante, elle n’était plus une débutante. "Vous avez raison, Lady Amelia", acquiesça-t-il, appréciant la franchise et la résilience de la jeune femme. "Il est vrai que nos vies ne s'arrêtent pas à la perte de nos êtres chers. Nous devons continuer à avancer, pour nous-mêmes et pour ceux qui nous entourent."  répondit Henry, son regard se perdant brièvement dans le vide.

Ils étaient tous les deux sur la même longueur d'onde quant à leurs appréhensions vis-à-vis du retour dans la société. Elle avait détendu l'atmosphère en disant que c’était un peu leur bal des débutants. En tant qu’homme, c’était quelque chose qu’il ne connaissait pas mais c’était un peu ses débuts dans la société en tant que marquis et cela revêtait une grande importance. "Et oui, nous ferons notre entrée ensemble à la garden party. Ce sera un peu comme notre bal des débutants en effet mais je pense que cela se déroulera très bien que ce soit pour vous ou pour moi.”  lui dit-il tout en lui souriant.

Il apprécia l'humour d'Amélia et sa proposition de lui venir en aide en cas de besoin vis-à-vis des prétendantes envahissantes. Il échappa un léger rire, il est vrai que certaines prétendantes pouvaient être insistantes, décrocher un marquis pour époux était une belle réussite pour certaines demoiselles. En fin de compte, seuls les ducs et la royauté étaient supérieurs dans la hiérarchie. Henry sait pertinemment que sa position de marquis lui donne une certaine attractivité et il aime en jouer pour cacher son manque de confiance en lui. "Merci, Lady Amelia, je saurai me rappeler de votre offre si jamais je me trouve dans une situation délicate mais je vous avoue que cela ne me dérange pas de me confronter à ces prétendantes et à leurs mères. Disons que cela fait partie du jeu." , répondit-il avec un léger sourire. Oui, c’était un peu comme un jeu pour le marquis, de toute façon, c’était quelque chose qu’il ne pouvait éviter alors autant l’aborder comme tel.

"Dites-moi, qu'avez-vous prévu de faire durant la saison mondaine ? Avez-vous des événements en particulier auxquels vous avez hâte de participer ?" Vu que sa demeure était en Ecosse, ce n’était pas la porte à côté, elle ne pourrait pas faire de nombreux aller-retour.

Henry acquiesça sur le fait que tous les deux allaient trouver leur place et qu’ils rendraient fiers leur bien-aimé parti trop tôt. Une sorte d'encouragement aussi bien pour lui que pour elle. Il n’ajouta rien d’autre de plus car il n’y avait rien à dire, chacun savait ce qu’il avait à faire dès à présent, enfin en théorie. Alors qu'elle évoquait leur future entrée à la garden party, il acquiesça avec un sourire chaleureux, appréciant l'humour qu'elle apportait à la situation. La célébration de Pâques sera particulière cette année, la bien-aimée Reine n’est plus. La demoiselle avait bien raison, l’absence de la reine Charlotte se fera sentir mais ses héritiers sauront être de bons hôtes et rendre la défunte souveraine fière.

L'offre d'Amélia de l'aider en cas de besoin face aux prétendantes envahissantes le fit sourire. Il était conscient du jeu auquel il sera confronté et des ambitions qui pouvaient entourer sa position de marquis. Sa réponse, teintée d'une légère autodérision, reflétait sa volonté de faire face à la réalité du monde mondain sans sourciller. A vrai dire, cela lui permettait d’oublier ses tourments. S'il devait faire danser de nombreuses demoiselles lors de bals en tout genre, ainsi soit-il.

Henry sourit légèrement en entendant la remarque taquine d'Amélia. "Votre offre est en effet très généreuse, Lady Amelia." répondit-il, jouant le jeu avec un léger sourire. "Quant à mes intentions matrimoniales, je dirais que c'est une question qui me trotte effectivement dans la tête.” dit-il avant de reprendre rapidement. “Cependant, pour l'instant, je me concentre davantage sur mon rôle de marquis. Le mariage n'est pas exclu de mes projets futurs, mais pour l'instant, je préfère prendre le temps de bien réfléchir à cette étape importante de ma vie." expliqua-t-il avec sincérité. Il voulait s'assurer de prendre la bonne décision au moment opportun, son premier mariage était un mariage d’amour, il avait épousé une jeune fille provenant de la haute bourgeoisie, une décision qui n'avait guère plu à sa mère et qui avait été largement commentée par ses pairs. Il ne voulait pas se résoudre à choisir une demoiselle par devoir mais trouver une épouse dont il serait amoureux. Mais comment croire qu’il pourrait trouver l'amour et ce deux fois de suite ? Il hésita à poser la même question à la comtesse douairière, après tout, elle était veuve depuis beaucoup moins longtemps que lui. Après 9 ans, il hésitait encore donc il se disait que pour elle, cela pourrait être difficile. Cependant, il s'était promis de veiller sur elle, en hommage à la mémoire de son regretté ami. Alors, il se permit de lui poser la question, sans s'offusquer si elle ne souhaitait pas répondre. "Comtesse," commença-t-il d'une voix douce,  "pardonnez-moi ma curiosité, je sais que cela peut sembler prématuré, mais je me demandais... avez-vous envisagé de vous remarier ?"

La discussion glissa sur leur projet durant la prochaine saison. Elle espérait avoir du temps pour elle et trouver le temps de faire découvrir la ville à son fils. "Je suis convaincu que vous trouverez le temps de profiter de ce que la ville a à offrir. Votre fils sera certainement enchanté de découvrir Londres et de rester au côté de sa mère. Si vous êtes tenté par l'opéra, je vous recommande vivement d'assister à la première représentation anglaise de Elisabetta, regina d'Inghilterra, qui aura lieu le 30 avril prochain. L'opéra traite du règne d'Elizabeth et il paraît qu'il vaut vraiment le détour.", répondit-il avec une excitation à peine dissimulée, étant un passionné d'opéra, il n'hésitait jamais à donner des recommandations dès qu'il le pouvait.

Puis, quand elle lui retourna la question sur son propre agenda, il répondit tout simplement : "Mon agenda est effectivement bien rempli." continua-t-il. "Mais comme vous le soulignez, je compte également profiter des plaisirs que Londres a à offrir lorsque l'occasion se présente. L'opéra reste un vrai plaisir pour moi, et je trouve toujours le temps pour aller en voir une représentation. Si cela vous intéresse, je serais enchanté de vous y accompagner.”

Si le mariage n’était pas sa priorité, il savait qu’une fois dans l’arène, il devra faire face à ses responsabilités, c'est-à-dire pérenniser le titre de marquis et donner un héritier à la famille Paget. Henry avait été averti par sa mère qu'il devait sérieusement envisager le mariage et cesser de faire son difficile. Sa femme était décédée il y a neuf ans, et il devait bien se remettre de cette perte. Peut-être l'amour ne serait-il pas au rendez-vous, mais ce n'était pas ce qui était attendu de lui. Il en était conscient mais pourrait-il passer sa vie avec une personne dont il n'éprouvait rien ? Quelques fois, il se disait qu’il devait écouter sa mère, se marier, avoir des enfants sans se poser trop de question, comme bon nombre de ses compères

Henry acquiesça d'un léger mouvement de tête. "Vous avez parfaitement raison, Lady Amelia.” Si elle pouvait compter sur lui, il en allait de même pour lui envers elle. Elle lui offrait son aide pour le présenter à des demoiselles, ce qui n’était pas négligeable, il accueillait donc cette aide avec joie. Henry sourit chaleureusement en réponse à l'offre amicale d'Amelia. “Je n'hésiterai pas à faire appel à vous, soyez-en sûre.”

Il avait posé une question délicate, il en était conscient. D’ailleurs, la réaction de la comtesse était sans équivoque. Cependant, elle reste honnête sur ses sentiments, elle restait jeune et même si elle était reconnaissante pour ce qu’elle avait vécu avec Oliver, elle ne fermait pas la porte à une nouvelle histoire d’amour.  “Je comprends. Je vous souhaite tout le bonheur possible. L'essentiel est que vous trouviez le bonheur." lui dit-il tout simplement. Il ne souhaitait point la mettre mal à l'aise et il ne voulait en aucun cas franchir les frontières de la bienséance. Parfois, en voulant trop bien faire, il dépassait peut-être les limites que lui confiait son rôle d’ami de feu Oliver. Emprisonné dans un tourbillon de nostalgie, de tristesse et de souvenirs de guerre, il se surprenait à projeter sur autrui le bonheur qu'il se refusait à lui-même. “Mes excuses, si ma question vous a paru délicate, peut-être que j’outrepasse mes devoirs de simple ami. Il ne faut pas hésiter à me rappeler à l’ordre si c’est le cas.“  dit-il avec sérieux mais avec une pointe d’humour, pour ne pas que le moment soit trop dramatique.

Ensuite, la conversation se porta naturellement sur leurs projets pour la prochaine saison et la discussion s’orienta vers l’opéra. Naturellement, le marquis d'Anglesey lui proposa de l'accompagner et il était ravi qu’il accepte. “Je suis certain que votre oeil de novice apportera une fraîcheur plus que bienvenue.” répondit avec un grand sourire. “Je suis ravi que vous acceptiez mon invitation. Je vous enverrai une missive rapidement pour fixer les détails de cette sortie.” dit-il avant de prendre une gorgée de son breuvage.