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Les Chroniques de Londres
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The soldier above all others prays for peace [Edward Lovewell]

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Message() / Mer 20 Avr - 21:41
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Octobre 1817
“The soldier above all others prays for peace, for it is the soldier
who must suffer and bear the deepest wounds and scars of war.”


Des émeutes et des complots avaient eu lieu toute l’année, entre la crise du blé qui affamait les campagnes et poussait les pauvres gens au désespoir, et les bonapartistes qui espéraient ça et là rallier les bonnes volontés à leur cause. Il y avait même eu quelques assassinats qui avaient défrayé la chronique, mais c’était la première fois que les journaux affichaient avec ardeur le mot terrible de Conspiration. Celle de l’Epingle Noire, un nom qui semblait sorti d’un roman, et qui visait à renverser les Bourbon du trône une fois pour toutes. Neuf accusés comparaissaient devant la Cour d’Assise, et chaque fois que la presse française atteignait le seuil de sa porte avec de nouveaux détails sur l’affaire, Victor les dévorait.

Il aurait tant voulu que le roi puisse simplement nourrir les pauvres gens, et ramener la paix en France. Mais ce n’était pas si simple, et il était bien conscient que c’étaient des banques anglaises qui prêtaient maintenant de l’argent à la monarchie ruinée pour tenter d’enrayer les famines ; et les intérêts ne pardonneraient pas. Il y songeait en arpentant les rues pluvieuses ce matin-là, quand il tomba en arrêt devant un groupe de bonnes gens blottis sous un porche, dans de hideux habits noirs qui leur donnaient l’air de corbeaux mal plumés. Oh, seigneur ! Des âmes charitables qui récoltaient des fonds pour les invalides de la guerre. Il sentit aussitôt son coeur se serrer.

En ce moment même, dans les campagnes françaises, les pauvres amputés que son cousin avait abrités et que les femmes de la maison, et le jeune Victor, avaient couverts de petits soins, devaient en ce moment même errer et demander l’aumône, et mourir de faim. A cette idée, il se hâta de fouiller dans ses effets, et d’en sortir toutes les pièces qu’il portait sur lui. Et s’il s’était contenté, comme beaucoup, de les jeter dans la sébile et de passer son chemin, on ne lui aurait sans doute adressé qu’une véhémente gratitude. Mais il trouva bon d’adresser quelques mots d’encouragements, et aussitôt, la situation se compliqua.

« Vous êtes français ? » croassa quelqu’un. Il sourit et acquiesça, prêt à expliquer comme leurs deux pays avaient bien eu tort de se faire une telle guerre, et comme il espérait qu’une belle amitié naîtrait désormais entre leurs couronnes. Mais un autre frappa sur sa main d’un coup de canne pour en faire tomber l’argent. Victor se trouva réduit à ramasser la monnaie dans les flaques, quelque peu horrifié, non par le geste (qu’il comprenait, maintenant qu’il y réfléchissait) mais par le fait de salir ses gants de cuir vert, auxquels il tenait ridiculement.

« Je n’ai pas pris part au conflit, » assura-t-il en haussant un peu la voix, craignant que son accent le fasse mal comprendre. « Je vous prie d’accepter cette contribution. »

Genou en terre ainsi, et levant sa main où l’or brillait, il avait l’air de faire une demande en mariage. Demande qui fut catégoriquement refusée. L’argent de l’ennemi, et puis quoi encore ? Et d’où le tenait-il, tout cet argent, sinon du pillage des ressources que les Londoniens auraient mérité d’avoir, tant davantage que lui ? Submergé d’une rhétorique dans laquelle il ne souhaitait absolument pas s’engager, Victor resta coi, cherchant à présent comment quitter l’échange sans se rendre plus ridicule encore.


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Message() / Mer 20 Avr - 22:49
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Octobre 1817
ft. @Victor Nitot

Dès qu'il s'était mis à pleuvoir, Edward s'était décidé de sortir sans même prendre une veste ou bien un parapluie. Il avait appris à apprécier la venue de la pluie quand il était au front. Ses gros nuages noirs lui permettaient de se rafraîchir, remplir sa gourde et trouver un certain apaisement. Même s'il ne courrait plus à travers un champ de bataille et qu'il était à présent en sécurité, Edward continuait de sortir ainsi pour profiter de ce temps que nous pouvons juger de mauvais.

Alors que les Autres se mettaient à l'abri, lui se laissait volontiers devenir trempé. À cet instant, ses pensées devenaient silencieux. Il n'y avait que le bruit ambiant qui occupait toute sa tête. Il ne pensait plus aux canons, aux fusils et à ce sang qui tâchait ses mains. Il avait l'impression d'avoir oublié le monde qui l'entourait, les Autres et ces cinq ans de vies perdus, irremplaçable, gâché. Il n'y avait plus que lui et cette pluie qui battait les pavés de Londres. C'était réconfortant. Sans même s'en rendre compte, Edward s'était mis en marche. Une balade s'imposait.

Il s'éloignait bien vite de chez lui pour se diriger vers le port. L'endroit était presque à l'abandon, vide de présence. Edward n'allait pas s'en plaindre, il ne voulait pas voir les Autres, pas tout de suite dus moins, pas encore. Il marchait tranquillement, aucunement inquiété par le froid qui le saisit lentement, ni même ses vêtements qui collaient dès à présent. Au loin, des hommes s'étaient attroupés sous un porche, un piteux abri alors que la pluie tombait drue. Un homme se tenait en face d'eux, bien habillé contrairement aux Autres qui semblaient si austères. Cet homme s'apprêtait à glisser quelques pièces dans la sébile avidement tendue, mais quelqu'un le repousse aussitôt.

Edward fronce les sourcils et il sait qu'il devrait faire demi-tour à partir de maintenant. Ce ne sont pas ses affaires. Pour autant, ses pas l'amenaient à ce drôle de tableau. Cet homme qui semblait de bonne famille était à genoux devant un groupement qui se voulaient être charitable, sembleraient-ils. Sans même un mot ou autres formes de salutation, Edward prit l'argent tendu, offert, mais refusé, et glisse le tout dans la sébile.

Les Autres le regardaient de manière circonspecte. Il faut dire qu'Edward était arrivé comme un cheveu sur la soupe. Mais si eux étaient surpris, le vétéran paraissait stoïque. Même sa voix n'avait plus rien de vivante.

— Vous êtes les premières âmes charitables que je rencontre qui crache sur un peu d'argent.
— Je ne crache pas sur l'argent, mais sur ce chien de Français.

Edward n'avait pas besoin de suivre du regard le doigt accusateur. Il savait de qui il était question. L'Autre qui était sûrement encore à genou à salir ses beaux vêtements. Edward renifle, mais sa mine impassible reste inchangé.

— Que de belles paroles, articula Edward.

À présent, les Autres le regardaient de manière dédaigneuse, mais là encore, Edward ne semblait pas ébranlé. Il avait tenu tête à bien plus grand que lui et a bien plus effroyable.
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Message() / Mer 20 Avr - 23:18
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Octobre 1817
“The soldier above all others prays for peace, for it is the soldier
who must suffer and bear the deepest wounds and scars of war.”


Une silhouette surgit alors à côté de Victor, qui resta interdit en constatant que le quidam désapprouvait, non pas son intervention importune, mais la réaction hostile des volontaires. Il craignit un instant que la situation ne dégénère, mais il n’y avait pas de public désœuvré pour se mêler de leur dialogue, et une bande de volontaires essorés jusqu’à l’os, âgés et geignards ne risquait pas de déclencher une bagarre avec deux jeunes gens, visiblement en assez bonne santé pour se livrer à des balades solitaires sous la pluie.

« Voilà, parfait ! Faisons ça. Monsieur, je vous fais don de cet argent. Navré pour le piteux état... »

Alors que Victor remettait la somme à l’inconnu pour qu’il se charge de la transaction, il réalisa qu’il avait devant lui quelqu’un qui avait négligé le climat encore plus que lui-même. Pour sa part, il s’était coiffé d’un chapeau et couvert d’un manteau dont il avait remonté le large bord, abritant son visage ; le nouveau venu n’en était pas là, et Victor oublia quelques instants les survivants des champs de bataille pour concentrer sur lui sa sollicitude.

« Mais vous allez être trempé, vous-même. »

Il avait l’air très jeune, ce monsieur, et cette expression grave, ce regard lointain, des rescapés qui ont connu le feu. Soucieux, Victor secoua cependant cette impression pour se tourner vers le groupe :

« C’est son argent maintenant, il est Anglais, vous pouvez négocier ce que vous souhaitez garder avec lui. Ne faites plus attention à moi. »

Il recula rapidement, en constatant que ce n’était pas sa présence, son insistance, la manipulation que l’on pouvait prêter à ses marques de sympathie, ou sa réussite sociale...C’était son accent qui les enrageait. Et ça, à part fermer sa grande bouche, il ne pouvait rien y changer. Mais il éprouvait une profonde tristesse. Il avait connu souvent, dans des situations hautement plus sentimentalement chargées, cet élan d’altruisme et d’attachement qui se trouvait soudain brisé d’un coup par un rejet absolu, souvent inconscient, contenu dans un simple mot, une plaisanterie inconsidérée, une insulte jetée à un autre. Il en était atteint au coeur, et il devait le cacher. Dans l’état d’agitation où le plaçait l’affaire de l’Épingle Noire, il avait du mal à faire la part des choses, et tous ces échos de chagrins anciens revenaient d’un coup hanter ce moment absurde.

A quelques pas de là seulement, il s’adossa à une poutrelle qui soutenait l’auvent d’une boutique fermée. Il avait besoin de respirer un peu. Ses gants rageusement retirés, pour ne plus en voir l’état pitoyable, il les enveloppa dans son mouchoir et les fourra dans sa poche. Ses mains s’appliquèrent sur son visage. La pluie était bien pratique pour dissimuler qu’une larme ou deux lui avaient échappé face à cette algarade si amère, à tous points de vue. Mais à présent, il s’agissait de se calmer et de penser à autre chose. Il n'avait pas reçu de gifle, mis à part métaphoriquement, ça ne valait pas la peine de s'en faire une telle montagne.

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Message() / Mer 20 Avr - 23:48
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Octobre 1817
ft. @Victor Nitot

L'Autre avait une voix comme tout à chacun dans ce monde, enfin, sauf les quelques malchanceux et les morts. Comme attiré par ses mots poliment prononcés, Edward avisa l'homme qui s'était enfin levé. Il semblait plus vieux qu'Edward, de quelques années en tout cas. Il était mal apprêté pour le temps, bien qu'il était protégé par un chapeau et un manteau. Honnêtement, Edward ne l'écoute pas. Il retient seulement le plus important et le laisse s'en aller. D'ailleurs, les Autres firent de même et aux yeux du vétéran, ce drôle de cortège était bien lugubre.

Tout naturellement, le jeune homme reprit sa route comme si de rien n'était. Un instant, temps d'une infinie seconde, il se demande si cette étrange rencontre avait eu lieu. En proie à de nombreux délires et cauchemars éveillés, Edward ne faisait plus confiance à sa propre réalité. Puis, à seulement quelques mètres du porche, il tombe de nouveau sur ce Français. Ce dernier était adossé à une poutrelle, caché dans le coin d'une boutique. Sans la moindre gêne, Edward le dévisage. Ses mots ne se firent pas entendre :

— Vous êtes réels ?

Sans le moindre contexte, cette phrase n'avait pas le moindre sens et si cette hallucination n'en était pas une, alors il aurait l'air d'un dément — bien que ceci soit en partie vrai, le pauvre garçon n'avait plus toute sa tête. Mais à sa décharge, le doute était permis. Que faisait un Français si bien habillé au port sous une pluie battante ? Clairement, l'Autre était loin de chez lui.
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Message() / Jeu 21 Avr - 0:20
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Octobre 1817
“The soldier above all others prays for peace, for it is the soldier
who must suffer and bear the deepest wounds and scars of war.”


L’esprit ailleurs, les yeux baissés, attendant que cette rougeur qui s’emparait de leur clarté quand il était malheureux daigne se dissiper, Victor vit soudain des pieds apparaître sur le pavé près de lui. L’inconnu qui s’était interposé lors de ce désagréable incident était toujours là. Une vague de gratitude chassa brusquement la solitude et le chagrin, et il releva la tête pour tenter un sourire, avant même de comprendre la question.

« Qui, moi ? »

Oh. C’était toujours plus agréable que de s’entendre demander s’il était Français, étant donné les conséquences. Il ravala son dépit récent et s’efforça de comprendre ce qui lui était demandé cette fois. Avait-il donc l’air si étrange ? Son aspect, ou son comportement ? Bah, ça n’avait pas d’importance. L’homme en face de lui avait besoin d’une certitude, il pouvait la lui donner.

« Oui, je suis réel. »

Par réflexe, il retira son chapeau pour saluer, et ses cheveux clairs s’assombrirent aussitôt de l’humidité ambiante qui les imprégnait. Ce n’était pas un mal : la fraîcheur ravivait sa réflexion, et il lui semblait déceler des attitudes qu’il avait déjà connues. Il était en terrain familier. Comme si son vœu s’était exaucé, lui rendant l’un de ces amis d’autrefois auxquels il s’était tant attaché, avant de les voir repartir sur les chemins, et qui lui manquaient si cruellement tout à coup. Il savait bien que ce n’était pas l’un d’entre eux, mais il pouvait tout de même apprécier ce sentiment de familiarité.

« Je m’appelle Victor. Victor Nitot, joaillier. »

Certains d’entre eux avaient cette même question. La nuit en particulier, quand ils se réveillaient en proie aux songes et aux sueurs froides, et qu’ils se croyaient revenus au coeur du cauchemar, ou plutôt, ne l’avoir jamais quitté. L’un d’eux avait déclaré à Victor : tu ne peux pas être réel, tu es trop beau. Il entendait par là que cette situation, cette maison, cette sécurité, c’était trop beau pour être vrai, mais Victor avait adoré cette façon de l’exprimer. Il s’en voulait presque d’avoir trouvé la situation romantique, alors que l’autre homme souffrait visiblement.
Mais la suite lui avait partiellement donné raison.

Et lui, en face de lui ? Qu’est-ce qui lui était tombé sur la tête, pour lui donner cette posture et ces discours ? Après une hésitation, il tendit la main et la posa brièvement sur le bras de l’inconnu, autant dans un geste d’amitié que pour mesurer l’éventuel degré de délire. L’alcool ne semblait pas en cause, aussi il reprenait des réflexes d’infirmerie. Et le langage qui allait avec.

« Merci d’être intervenu… Dites-moi, qu’est-ce qui vous est arrivé ? »

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Message() / Jeu 21 Avr - 18:36
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Octobre 1817
ft. @Victor Nitot


L'homme avait relevé la tête en essayant de sourire, avant de s'interroger sur la drôle de question d'Edward. Ce dernier ne se donnait pas la peine de se répéter ni même d'acquiescer. Il se contentait d'attendre une vague réponse qui, d'ailleurs, ne se faisait pas attendre plus longtemps. L'inconnu affirme qu'il était bien réel, mais est-ce que le vétéran pour le croire ? Il ne comptait plus le nombre de fantômes qui le poursuivait et se mêlaient aux Autres sans le moindre souci. Toujours est-il que cet homme certainement en chair et os souleva son chapeau comme pour le saluer. Puis, il se présenta :

— Je m’appelle Victor. Victor Nitot, joaillier.
— Edward Lovewell... seulement Edward.

Ni plus ni moins. De quoi pourrait-il se vanter ou bien être fier ? Il n'était qu'un Low Cast paumé et qui n'avait même plus la force de revenir dans la vie active. En plus d'être dément, il était devenue dépendant. Le dénommé Victor parut hésitant, sûrement cherchait il une excuse pour se dérober. Edward fut surpris quand le joaillier posa brièvement sa main sur son bras. Il le remercia pour son intervention, avant de lui demander ce qui était arrivé à Edward. Celui-ci avait du mal à comprendre le sens de cette question.

— Je ne suis pas sûr de comprendre.
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Message() / Jeu 21 Avr - 19:14
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Octobre 1817
“The soldier above all others prays for peace, for it is the soldier
who must suffer and bear the deepest wounds and scars of war.”


« Enchanté, Edward. »

Appeler les gens par leur prénom était un luxe dans cette société si policée. Dans son enfance, Victor avait connu le temps, extrêmement satisfaisant pour un enfant parisien, où il était d’usage de s’adresser aux gens par le simple titre de citoyen, précédent leur prénom, leur nom de famille ou leur métier, selon qu’on les connaissait plus ou moins personnellement. Son oncle et tuteur était le citoyen Nitot, c’était simple comme bonjour.

« J’ai l’impression que vous êtes blessé, » dit Victor après un temps d’hésitation. « Vous avez un regard que j’ai vu à d’autres. Une expression lointaine. »

Il n’avait pas le vocabulaire pathologique pour désigner les séquelles post-traumatiques caractéristiques des survivants du front, mais cela ne l’empêchait pas de les identifier quand il les voyait. Comment, d’ailleurs, décrire ce qu’il avait en tête sans être perçu comme insultant ? Il se creusa la cervelle, conservant cette attitude douce et prudente qui semblait être la plus appropriée, face à une figure aussi respectable que celle d’un combattant, qui était en même temps la figure vulnérable d’un garçon trempé de pluie.

« Si je suis allé importuner ces braves gens, c’est parce que je m’intéresse au sort des blessés de guerre. J’en ai vu nombre à Paris. Je ne sais pas quel est votre sentiment vis à vis de nos nations ennemies… Quant à moi, je ne ressens qu’amitié pour vous. »

Une forme d’embarras s’était emparée de son maintien, au fur et à mesure que sa timidité avait bondi d’un cran. Que faisait-il là, à parler de sentiments avec un inconnu alors qu’il n’était déjà pas passé bien loin de se faire rosser ? Ses précieuses mains, qui avec ses yeux étaient ses plus importants outils de travail, avaient eu à souffrir ; n’était-ce pas un risque suffisant pour une même journée ! Le coup de canne de tantôt lui laisserait probablement un léger bleu sur les phalanges, il était déjà heureux de s’en tirer en si bon état.

Mais ils étaient sortis de chez eux, ils s'étaient exposés à cette pluie fine comme la morsure de légers regrets. Ils avaient prêté suffisamment attention aux autres occupants du port pour s'attirer un léger désagrément. Ils avaient peut-être, autant l'un que l'autre, besoin de parler.

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Message() / Jeu 21 Avr - 20:29
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Octobre 1817
ft. @Victor Nitot


Selon Victor, Edward donnait l'impression d'être blessé. Le dénommé fronce les sourcils, perplexes. Il ne ressentait pas la moindre douleur physique pourtant. Par précaution, il se vérifia. S'était-il cogné quelque part ou s'était-il coupé sans même le savoir ?

— Vous avez un regard que j’ai vu à d’autres. Une expression lointaine.

Edward cesse son examen et reste interdit. Ah, pensa-t-il, ce genre de blessure. Ses parents avaient tenu les mêmes propos sur sa manière de regarder le monde ; avec une expression vide et sans espoirs. Il faut dire qu'en cinq ans de guerre, Edward avait perdu toute foi aux Autres. Le silence qui s'en suit était empreint de malaise. Victor cherchait ses mots, tandis qu'Edward se contentait d'être muet.

Au bout du compte, le joaillier expliqua qu'il s'intéressait aux blessés de guerre laissée pour compte par la couronne, tandis qu'une poignée de chanceux étaient élever aux rangs d'héros nationaux. Une inégalité indigne aux yeux d'Edward ceci dit.

— J’en ai vu nombre à Paris, continuait Victor. Je ne sais pas quel est votre sentiment vis à vis de nos nations ennemies… Quant à moi, je ne ressens qu’amitié pour vous.

À ses mots, Edward hausse seulement les épaules. Il n'avait aucune amertume envers l'armée française et ses citoyens. L'un suivait les ordres et les autres n'ont rien demandé. S'il devait entretenir un mauvais sentiment, cela serait contre les politicards et leurs problèmes d'egos qui déclenchent des guerres.

— On ne connaît que le nom de l'autre et vous me parlez déjà d'amitié. Qui vous dit que je suis un vétéran ? Mes... blessures, peuvent être causé par tout autre chose.
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Message() / Jeu 21 Avr - 20:48
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Octobre 1817
“The soldier above all others prays for peace, for it is the soldier
who must suffer and bear the deepest wounds and scars of war.”


La remarque de bon sens qui lui fut adressée amena un sourire sur les lèvres de Victor, contrastant avec la pluie qui semblait s’amuser à lui dessiner des larmes. Il remit son chapeau en place, par commodité, le rebord incliné crânement en oblique sur son front comme le portaient les élégants. Ses bras se croisèrent, et une légère expression de malice, plutôt que de défi, apparut sur ses traits mobiles, l’espace d’un instant.

« Pourquoi n’en parlerions-nous pas ? C’est un bon sujet de conversation. Les philosophes y réfléchissaient déjà, longtemps avant la naissance du Christ, et les barbares en faisaient des poèmes. »

Les barbares, très certainement, n’étaient pas plus prudents qu’eux. Enfin, ce n’était là qu’une boutade ; il est vrai qu’il n’avait qu’un nom à se mettre sous la dent, et ce nom pouvait fort bien être faux. Mais trop de bon sens tuait le bon sens parfois : allait-on se mettre à inspecter les papiers personnels d’une nouvelle connaissance avant de lui accorder sa sympathie ? Peut-être. Qui sait sur quel siècle s’ouvrait cette trêve fragile entre leurs deux nations, après tout. Personnellement, si c’était la voie que cela prenait, il ne comptait pas s’en rendre complice. Puis il retrouva un peu de sérieux :

« Je ne veux pas vous importuner vous aussi. Il y a des sujets où je ne suis pas assez savant pour donner mon opinion. Je vous promets que je ne cherche pas à vous offenser… je vais me montrer aussi courtois que possible, et si toutefois vous aviez à souffrir de mes propos, je vous en demande pardon d’avance. »

C’est qu’il lui paraissait important d’aborder la question, sans gêne particulière, sans aller se cacher dans un coin pour le faire, et sans déguiser ce qu’il pensait. Ce jeune homme en face de lui n’était peut-être pas très instruit, et n’avait sans doute entendu que sornettes et critiques sur l’état dans lequel il se plongeait ainsi. Qu’une fois dans sa vie il en entende autre chose, et qui sait, quelques aspects en seraient peut-être transformés pour le mieux. Du moins, c’était l’espoir de Victor, alors qu’il cherchait à s’exprimer aussi clairement que possible, ponctuant sa pensée de gestes descriptifs sous la pluie, tel un étudiant en sciences qui oublie les conditions climatiques pour l’amour de l’étude, perdu en conversation avec ses camarades.

« Il y a une certaine attitude qui est caractéristique de la guerre. Une façon de contempler le néant. Je crains que ce ne soit le signe d’une blessure invisible que nos praticiens ignorent encore comment soigner. Voilà pourquoi je vous demandais : que vous est-il arrivé. Mais si vous estimez que ça ne me regarde pas, que j'aurais mieux fait de me taire… alors, en effet, ne parlons pas d’amitié. »

Le temps passé ensemble, les informations que l’on avait l’un au sujet de l’autre, les compatibilités éventuelles de rang ou d’autres ordres, voilà qui était bien indifférent au joaillier ; l’intention, voilà ce qui comptait à ses yeux. S’il était considéré comme un hurluberlu aux intérêts morbides et à la voix trop douce (ou un Français), fort bien, il l’était, et il n’allait pas imposer tout cela à quelqu’un qui en était dérangé. Mais si tout cela pouvait constituer un intérêt en retour, une figure intrigante, ou au moins supportable, alors son offre tenait toujours.

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Message() / Jeu 21 Avr - 21:45
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Octobre 1817
ft. @Victor Nitot


Tandis que la conversation se poursuivait — bien qu'Edward soit peu loquace — celui-ci s'interrogeait sur les intentions de ce Victor. Est-ce qu'il souhaite une chose en particulière ? Soyons honnête, cet homme trop bien habillé avait certainement des choses plus importantes à réaliser que perdre son temps avec quelqu'un comme Edward. À partir de là, Edward observe son interlocuteur avec une certaine méfiance.

Ce dernier continuait donc de parler autant de philosophes que de barbares et de la naissance du Christ, le tout pour parler simplement d'amitié. Puis, presque aussitôt, Victor indique qu'il ne voulait pas l'importuner ni même l'offenser. Edward hausse les épaules. La dernière fois qu'il a était offensée remontait à loin. Finalement, à fore de tourner autour du pot, Victor rentre dans le vif du sujet. D'un ton éloquent, il indique que la manière de contempler le néant était caractéristique d'une vie de guerre et signe d’une blessure invisible. Edward eut une sorte de gloussement. Il se savait déjà malade, le joaillier ne lui apprenait rien.

— Mais si vous estimez que ça ne me regarde pas, que j'aurais mieux fait de me taire… alors, en effet, ne parlons pas d’amitié.
— En effet, cela ne vous regarde pas.

Edward n'avait plus le temps de se perdre en tact et en politesse. Tourner autour du pot n'était plus dans son caractère. Cela était même devenu agaçant.

— Votre passe-temps d'accueillir des soldats doit sûrement vous manquer, mais je ne suis ni un chien abandonné qu'on pourrait adopter ni même le jouet d'un gentil homme qui rêve de se sentir charitable.

Edward prêtait sûrement de mauvaises intentions à ce pauvre joaillier qui pensait bien faire. Le problème, c'est qu'Edward ne voyait aucune différence entre la peine et la pitié. D'ailleurs, il avait également du mal avec les Autres qui se disaient compatissants. Ce n'était pas contre eux précisément, mais il avait du mal à les trouver sincères.

Dans tout les cas, il regret bien vite de s'être ainsi emporté. Depuis son retour au pays il était tendu, mais surtout sur la défensif. Sans même le vouloir, Edward voyait le mal de partout.
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Message() / Jeu 21 Avr - 22:04
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Octobre 1817
“The soldier above all others prays for peace, for it is the soldier
who must suffer and bear the deepest wounds and scars of war.”



Impossible de nier. Oui, ses amis lui manquaient. Ils n’étaient pas remplaçables, mais enfin, ils étaient peut-être morts, et qui sait combien de temps il vivrait lui aussi, une fluxion de poitrine et l’on était emporté. Et dans un sens, la France lui manquait… la conscience de pouvoir témoigner de l’affection à quelqu’un envers qui il se sentait entraîné, sans risquer une plainte en justice et même la corde pour autant. C’est ici qu’ils étaient, les barbares… et ils n’écrivaient pas des poèmes.

Qu’était-il venu se perdre dans cette contrée de glace ? Il était seul, il n’avait même pas de femme pour, à défaut d’une connexion passionnée, lui offrir du moins un peu de proximité familiale. Ses ambitions étaient belles mais elles semblaient si loin, de simples rêves sur l’horizon, comme ces bateaux qui s’éloignaient dans la brume… Et ce voyage, tout ce long voyage qu’avait été sa vie, semblait si vain tout à coup, et disparu à jamais le soleil des Antilles.

« Vous vous méprenez, monsieur. C’est moi qui suis un chien abandonné. »

Victor recula d’un pas, et revint s’appuyer à la colonnade de la boutique, une grimace de honte et de chagrin sur le visage. Aller s’enfermer dans son salon silencieux, avec ces gazettes qui parlaient de conspirations et de futurs combats, lui donnait l’impression qu’un étau se refermait sur sa poitrine, rien que d’y songer ; mais il n’avait pourtant pas d’autre destination, et il n’était certainement pas assez perdu pour aller boire à la taverne au milieu d’autres solitaires ; d’ailleurs, il venait de distribuer toute sa monnaie, un choix stupide qui réglait sa destination pour lui.

« Eh bien… Bonne journée à vous. Je crois qu’il vaut mieux que je rentre avant qu’un autre encore m’envoie au diable, sinon je finirais par réellement m’y retrouver. »

Il s’efforçait d’afficher une humeur joyeuse, mais ce n’était que poudre aux yeux que la pluie dissipait bien vite. Et quand il essaya de ponctuer sa phrase d’un rire, il sentit ses yeux rougir à nouveau, cette vive chaleur embarrassante de l’émotion dont il ne pouvait se défendre. Bah, perdu pour perdu. Son regard s’attacha aux yeux si distants de son interlocuteur, abandonnant toute pudeur déplacée pour s’accrocher à ces deux billes d’agates aux ténèbres profondes, sondant les mystères et explorant les curiosités fascinantes qu’ils ne partageraient pas. Et cette pluie qui redoublait soudain, mordante et cruelle, donnant au port des teintes nacrées, au point qu'on aurait pu se croire sur la lune.

« J’aurais été ravi de vous connaître, Edward, » conclut-il, sans faire mine d’un mouvement pour regagner son logis comme il l’avait indiqué. « Encore une fois, pardon pour le désagrément. »

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Message() / Jeu 21 Avr - 22:33
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Octobre 1817
ft. @Victor Nitot


La réponse de Victor adoucit Edward en plus de le surprendre. Ce gentil homme avait si peu d'estime de lui-même pour se voir comme un chien abandonné ? Comme à son habitude, les mots lui manquaient sur l'instant, eux qui embrouillent sa pauvre tête. Cette fois, la fine pluie ne lui offrait aucune clarté. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il venait de se montrer injuste avec Victor.

D'ailleurs, Edward ne tarde pas à s'en mordre les doigts. Voilà que le joaillier s'en allait après quelques salutations. "J’aurais été ravi de vous connaître", l'était-il réellement ? Edward venait de le jeter comme un malpropre. Son père l'aurait méchamment repris pour un tel mauvais comportement, qu'importe s'il était profondément blessé par une guerre ou non.

— C'est moi qui m'excuse, rétorqua aussitôt Edward. J'ai été mauvais avec vous, en plus de vous prêter de mauvaises intentions.

Peut-être que Victor pensera qu'il était lunatique en plus de tout le reste. Edward avise le ciel quand la pluie finit par tomber drue. S'il était trempé, Edward était maintenant certain qu'il attraperait la crève demain.

— Je... je n'habite pas très loin, si vous voulez. Vous pourrez vous abriter et vous séchez le temps que ça se calme ?
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Message() / Jeu 21 Avr - 22:48
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Octobre 1817
“The soldier above all others prays for peace, for it is the soldier
who must suffer and bear the deepest wounds and scars of war.”



Victor n’avait pas bougé d’un pouce. A vrai dire, il était en proie à toutes sortes de considérations peu agréables, l’une d’entre elle était plus anecdotique que les autres et presque comique : il allait devoir remettre ses gants, sous peine d’avoir les doigts gelés, or ils étaient sales et cette idée lui insupportait. Il écarquilla les yeux en constatant qu’Edward avait changé d’avis. Eh bien, on disait que les excuses rabibochaient parfois les pires malentendus, il fallait croire qu’aujourd’hui c’était vrai. Avec un grand sérieux, il répliqua en ôtant de nouveau son chapeau :

« A une condition : quand ce sera calmé, comme vous dites, nous pousserons jusque chez moi et nous boirons le thé ensemble. Donnant donnant ! »

Pas question qu’il se promène la tête couverte avec quelqu’un qui n’avait rien pour s’abriter. Il se détacha de son appui et fit quelques pas en observant les environs, attendant qu’on lui indique la marche à suivre. Comme le nom, cette proposition aurait pu être malveillante ; quelqu’un qu’il aurait réellement offensé aurait fort bien pu l’attirer en un lieu clos, l’abattre et le dépouiller, et prétexter ensuite cette maladive affection de sa part comme un mobile de légitime défense ; il n’aurait pas été le premier ni le dernier à être victime de cela. Mais de son côté, pas question qu’il y songe. Puisqu’Edward renonçait à ses griefs, il le croyait. Et il se promettait de se montrer plus délicat par la suite.

Difficile de concilier cette bonne résolution avec les questions qui l’assaillaient. Il se décida pour celle qui lui paraissait la plus neutre. Après tout, c’est ainsi que l’on se présente : ce que l’on fait, quels engagements l’on a...

« Habitez-vous avec votre famille ? Moi, je n’ai personne, enfin, ma boutique est au rez-de-chaussée, cela fait du passage, mais vous voyez ce que je veux dire. »

Il réalisa tout à coup qu’il aurait adoré lui montrer sa boutique, mais il y avait peu de chances pour que ce jeune homme austère et sans ambages ne portât quelque intérêt à ses bricolages scintillants ; et puis, tout cela respirait un luxe qu’il jugerait peut-être insultant. Victor espérait bien que ce n’était pas cela, l’origine de sa méfiance. Ils étaient aussi mouillés l’un que l’autre en ce moment, alors qu’importait la qualité du tissu...

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Message() / Ven 22 Avr - 12:27
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Octobre 1817
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Victor venait d'écarquiller les yeux quand Edward lui proposa d'aller chez lui. Celui-ci s'attendait à un refus de sa part, chose qu'il aurait comprise. Edward s'était trompé. Le joaillier accepta son invitation, mais à condition qu'une la pluie passée, ils aillent chez lui pour prendre le thé. Edward acquiesce pour signifier qu'il était d'accord.

Ils se mirent donc à marcher, bravant cette pluie qui inondait le chaussé. Comme à son habitude, Edward resta silencieux, bien qu'il prit le temps d'indiquer le chemin pour aller jusqu'à chez lui. Peu de temps après, Victor lui demande s'il vivait avec sa famille, avant d'expliquer que lui n'avait personne.

— Enfin, ma boutique est au rez-de-chaussée, cela fait du passage, mais vous voyez ce que je veux dire.
— Oui, je vois, répondit vaguement Edward. Pour ma part, je vis encore chez mes parents.

Il savait que sa mère était heureuse de l'avoir près d'elle, mais Edward était embêté par cette situation. Fiona avait trouvé son indépendance, alors que lui, l'aîné de la famille, n'était pas encore sortis du nid. Bien sûr, il ne restait pas sans rien faire à la maison : il aidait au ménage, à la boulangerie et préparait parfois les dîners. Accomplir toutes ses petites tâches permettait à ses parents d'être moins fatigués le soir.

— Vous vivez où ?
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Message() / Ven 22 Avr - 14:23
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Octobre 1817
“The soldier above all others prays for peace, for it is the soldier
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La journée venait de prendre un tour tout à fait inattendu. Du coin de l’oeil, Victor observait le jeune homme sévère, ou plutôt triste, qui ouvrait la marche. Il avait l’air de quelqu’un qui porte le deuil… Ce n’était peut-être pas entièrement faux. Comme dans ce genre de cas, difficile de savoir sur quoi l’on pouvait rire ou non, même si le rire aurait certainement fait du bien à tout le monde. Mais il avait du mal à imaginer Edward en train de rire. Une chape de métal semblait placer perpétuellement sur ses traits juvéniles, faisant de lui un nouveau Masque de Fer.

« J’espère que vos parents ne seront pas dérangés par ma présence. Je suis si peu présentable. »

Avec un soupir, Victor sortit ses gants et les observa, puis les passa finalement avec réticence : la pluie les laverait d’une certaine façon, même s’il était à peu près certain qu’elle les abîmerait. Ah, il y aurait peut-être chez Edward un produit quelconque qu’il pourrait leur appliquer pour les sauver. C’était un détail. Il y avait maintenant dans l’air cette lumière particulière que crée le soleil, lorsqu’il se fraye un chemin timide entre deux masses nuageuses. Sans aucun doute, à regarde dans leur direction depuis l’autre bout de la ville, on aurait vu chuter sur l’endroit où ils marchaient l’extrémité diffuse d’un arc-en-ciel en formation.

« Ma boutique est sur Leicester Square, entre deux très jolis hôtels et en face d’une rangée d’arbres. Je ne peux vraiment pas me plaindre. J’ai mon atelier dans l’arrière-boutique, une cave, et... »

Victor s’arrêta de lui-même, cette fois. Il avait bien remarqué qu’il bavardait pour deux, depuis le début ; ça ne l’avait jamais dérangé, mais il se doutait que ce pouvait vite être agaçant, pour qui ne partageait pas sa propension extravertie. Il risqua de nouveau un sourire, moitié excuse, moitié quête d’approbation, sans oser poursuivre.

« Vous devez me trouver bavard. »

D’ailleurs, qui s’intéressait à ce qu’il rangeait dans sa cave ? La même chose que tout le monde, de toute façon.  
(Un détail peut-être : il n’autorisait pas les pièges à souris. Ces appareils de torture lui étaient tout simplement odieux. On lâchait un ratier une fois par semaine dans la cave, pour faire peur aux petits voleurs, et voilà tout ; Victor, qui avait également peur des chiens, se tenait enfermé dans ses étages pour ne rien en savoir.)


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Message() / Ven 22 Avr - 20:56
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Tout en marchant, Edward avait plongé ses mains gelés dans les poches de son pantalon dans le maigre espoir de les réchauffé. C'était peine perdue, car le moindre carré de tissue était trempé. Edward tremblotait, le froid s'imprégnait en lui et il avait hâte de revenir chez lui bien au chaud. Ils avaient quitter le port pour s'enfoncer dans les différentes ruelles de East End. C'était calme, silencieux, triste et morne. Les façades délavées de chaque vieille maison laissaient paraître quelques boutiques ouvertes, mais déserté. Victor espère de ne pas déranger ses parents de par sa présence, avant d'indiquer qu'il était peu présentable. Edward le rassure :

— Mes parents s'occupe encore de la boulangerie, vous n'allez pas les déranger.

Juste après, Victor répondit à sa question. Sa boutique était sur Leicester Square. Au vue de la description donné, l'endroit semblait charmant. Il parla de son atelier dans son arrière boutique, de sa cave et...

— Vous devez me trouver bavard.
— Non, je ne trouve pas, je ne suis pas vraiment loquace. Vous pouvez continuez si vous voulez.

De son doigt, Edward pointa un bâtiment.

— C'est ici.

Ils pénètre dans une cours intérieur et Edward ouvrit une porte. Il débouche alors dans une entrée des plus simple où se trouvait un escalier qui desservait sur un étage où se trouvait les chambres dont la sienne.

— On monte, j'ai peut-être des vêtements à votre taille, le temps que les votre sèches.
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Message() / Ven 22 Avr - 22:11
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Plus Victor progressait au long de cet itinéraire, plus il s’apercevait que la situation était quelque peu inconvenante. En bonne logique cartésienne, il aurait dû appeler un cab, se faire ramener chez lui, fouiller dans la caisse là-bas pour payer le conducteur, et se rhabiller de ses propres vêtements secs… pas de ceux de quelqu’un d’autre.

Ah, voilà bien qui ne risquait pas d’arriver avec une fille. La camaraderie masculine entraînait de ces moments ambigus qui auraient certes fait ricaner quiconque l’aurait connu trop bien. Il avait les joues rouges en arrivant, et son teint ne devait rien aux rigueurs du climat ; mais il est vrai que le froid se faisait insupportable, surtout pour quelqu’un qui avait eu une jeunesse aussi choyée que la sienne.

« Ainsi donc, vos parents sont boulangers. Voilà qui est bien pratique. Les pains et pâtisseries qui sortent du four doivent être les meilleurs. C’est ce que j’ai toujours cru, en tout cas. Ça me fait penser à ma mère, enfin, j’invente sans doute, je n’ai pas de souvenirs très précis. Je crois qu’elle faisait des pâtisseries au miel, peut-être avec des épices, il y a quantité d’épices dans la cuisine anglaise et c’est une chose que j’apprécie beaucoup... »

Plus il montait les marches et plus il parlait ; d’une part, on lui en avait donné l’autorisation, et d’autre part, ça meublait. Ça formait un rempart entre lui et la scène. Edward lui avait bien dit que son hostilité première provenait des mauvaises intentions qu’il lui prêtait. Qu’appelait-on mauvais, dans ce bâtiment modeste et gris ? Est-ce qu’il en faisait partie ? Tout en s’efforçant d’être charitable, comme on le lui reprochait parfois à la façon d’un vice, il savait parfaitement qu’il était faillible et imparfait, en proie à toutes sortes de petits démons.

Sur le palier, il se tut, jeta un regard derrière lui, et constata qu’ils avaient laissé des traces humides partout au long de l’escalier, comme deux noyés qui remontent la rive pour venir jouer des tours lugubres aux passants du port. Allons, s’il prenait l’air gêné, ce serait pire que tout. Et Edward était en train de geler sur pied.

« Où puis-je étendre ces serpillières qui me servent de costume, je vous prie ? »

Oh, bien sûr, ce ne serait pas une chambre comme la sienne ; et il doutait qu’on y trouve de quoi faire un feu. Il regrettait de n’avoir pas directement entraîné Edward jusqu’à Leicester Square. Mais ils auraient été réellement noyés à l’arrivée, pour le coup. Et puis, il n’était pas totalement sûr de la confiance qu’il inspirait ; tandis que celle qu’il accordait était intacte.


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Message() / Ven 22 Avr - 22:50
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Alors que tout deux gravissaient les marches, Victor se remit à parler. "Ainsi donc, vos parents sont boulangers" dit-il, "Voilà qui est bien pratique". Edward acquiesce. En effet, les pâtisseries tout droit sortie du four avait un bien meilleur goût et son père était un sacré boulanger. Puis, il parle de sa mère, des pâtisseries au miel qu'elle faisait, bien que Victor n'était pas sûr de ce souvenir. Bien qu'Edward ne disait rien, il l'écoutait.

Arrivé à l'étage, Edward se dirige vers sa chambre qui se trouvait au fond du couloir. Derrière lui, Victor demanda où il pouvait étendre ses vêtements. Edward ouvrit la porte et lui fait signe d'entrée.

— Sur une chaise.

La chambre d'Edward était petite, exiguë. Il y avait assez de place pour contenir un lit, une armoire, un bureau et deux chaises. La pluie claquait contre la fenêtre avec force. C'était apaisant. Edward tire une chaise en direction de Victor et ouvre son armoire. Il en sort une chemise et un pantalon qu'il dépose sur son lit.

— Pour vous et je dois avoir une serviette quelque part... voilà !

Il tendit aussitôt une serviette à son invité qui était aussi trempé que lui.
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Message() / Ven 22 Avr - 23:07
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Eh bien, la friction du tissu devrait remplacer la chaleur des flammes. C’était un peu rustique, mais ça ne le tuerait pas. C’est ce que songeait Victor en dévoilant sa peau blanche qui n’avait pas vu le soleil depuis des lustres, et qui bientôt devint rosée sous l’effet de la serviette. Il ne le disait pas pour le moment, mais il se ferait un plaisir de valoir également cette politesse à Edward quand il en aurait l’occasion, si toutefois il pouvait lui faire accepter de porter quelque chose lui appartenant, lorsqu’ils seraient en des lieux plus douillets.

« Vous êtes assez bien installé ici, » dit-il sans vraiment le penser. L’endroit lui faisait l’effet d’une mansarde d’enfant ou d’une cellule de moine, mais il n’aurait pas été aimable de le dire. Peut-être qu’Edward était victime des circonstances. Peut-être aussi que cet endroit sobre convenait à son caractère, si sérieux pour son âge.

« Ne prenez pas froid. Passez donc cette couverture sur vos épaules, » ajouta-t-il, jouant machinalement le grand frère, du haut de cette supériorité d’âge qui n’apparaissait guère en ce moment sous le piteux spectacle de ses cheveux trempés. « Je vois que vous avez un bureau, à quoi l’employez-vous ? Des travaux de plume ? De l'artisanat, peut-être ? »

Sa curiosité naturelle cherchait déjà un livre quelque part dans cette pièce si nue, tandis que ses mains, à son insu, frottaient régulièrement ses épaules non pas pour se réchauffer, mais pour s’accoutumer au contact de ce tissu. Il portait parfois de la toile à même sa peau, lorsqu’il prenait part à quelques travaux manuels salissants, à l’occasion ; mais c’était rare, et son épiderme n’était alors pas sensible comme il l’était en ce moment, sous l’effet de la température qui lui hérissait le poil... et d'une certaine nervosité indéfinissable, qui lui tenait les sens en alerte.


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Message() / Ven 22 Avr - 23:28
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À son tour, Edward retira son pull plus pour l'étendre sur le dossier de la seconde chaise. Ses différentes cicatrices étaient visibles, elles qui zébraient ses bras, son torse, et même son dos.

Si Victor était pâle, Edward l'était tout autant. Il sortait rarement depuis qu'il était revenu chez lui. Il attrape une serviette et entreprit d'essuyer ses cheveux.

— Vous êtes assez bien installé ici.

Edward avise sa chambre. Honnêtement, il l'était. Par chance, l'homme n'était pas claustrophobe. Il s'était toujours bien sentit dans des espaces exiguës. C'était étrangement rassurant, familier.

— Oui, je le suis.
— Ne prenez pas froid. Passez donc cette couverture sur vos épaules.

Edward accepta la couverture qui couvrait à présent ses épaules. Alors qu'il ajusta le tissu, Victor lui demanda à quoi lui servait le bureau, avant d'observer le lieu. Il y avait très peu de babioles ici : une bible, un roman qu'un frère d'armes lui avait offert, une plante verte qu'il avait nommé Robert et une pile de lettres à différents noms.

— J'y écris mes lettres. Parfois, je me pose pour... méditer.

C'était bien plus flatteur que de révéler qu'il avait des moments d'absence qui pouvaient durer plus d'une heure. Il regarde Victor et sa peau rougit par endroit.

— Ne frottez pas trop, vous allez vous faire mal à force. Le tissu est rugueux, mais je n'ai pas mieux.
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Message() / Ven 22 Avr - 23:47
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« Ce n’est pas la faute du tissu, c’est moi qui suis trop délicat, » assura Victor en riant. « Disons que je gagne mon paradis ! Les saints et saintes d’autrefois portaient des chemises d’orties, vous savez. »

Des catholiques, évidemment. Enfin, il ne savait pas à quelle paroisse appartenait son hôte, et il n’aurait pas été correct de demander.

Seigneur… En regardant le jeune homme évoluer dans cet espace sans fantaisie et… sans espace, Victor en avait le coeur retourné. Et quand il parla de méditer, la seule image qui lui vint en tête fut celle d’une petite fille qu’il visitait parfois à l’orphelinat. Il lui avait apporté en cadeau une cage avec deux canaris, qu’elle contemplait longuement. Elle n’était pas, à proprement parler, orpheline ; mais il aurait fallu avoir un coeur de glace pour la renvoyer à sa famille, qui l’avait vendue à un cirque pour en faire une fausse naine de foire, ou au cirque, où on la gavait de gin pour l’empêcher de grandir. Victor l’aimait beaucoup, mais il gardait toujours un sentiment de froid au coeur quand il pensait à cela.

« La méditation m’a toujours impressionné, » dit-il pour dissimuler la légère inquiétude qui ne le quittait pas. « Moi, je n’aurais jamais cette patience… j’ai besoin de m’occuper les mains, comme un mauvais élève. » Ses dents claquèrent brièvement, et il se hâta de rajuster autour de son corps les vêtements secs qui semblaient laisser passer des courants d’air. Il entreprit de marcher de long en large pour faire circuler son sang. Ses propos eux-mêmes lui rappelaient cependant qu’il était probablement mieux ici que dans son salon, paradoxalement. « Si j’étais rentré chez moi après cette vilaine aventure, je jouerais avec un livre en ce moment, en faisant semblant de lire. Incroyable, n'est-ce pas, comme Londres peut être agitée et cependant... ennuyeuse parfois ! »


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Message() / Sam 23 Avr - 9:48
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Octobre 1817
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Selon Victor, ce n'était pas de la faute du tissue si sa peau devenait rouge sous la fiction de la serviette.

— c’est moi qui suis trop délicat, dit-il avec amusement. Disons que je gagne mon paradis ! Les saints et saintes d’autrefois portaient des chemises d’orties, vous savez.
— Maintenant, je le sais, informa Edward. Donc ce n'est pas un mythe, les bonnes familles ont une bonne peau délicate ?

La sienne était certainement aussi rugueuse que le tissu de cette serviette, abimer par le temps, le manque de soin et bien sûr la guerre. Il se débarrasse de la serviette pour enfiler une chemise à la place qu'il boutonne aussitôt. Pendant ce temps, Victor indiqua que la méditation l'avait toujours impressionné, mais qu'il n'aurait jamais cette patience. Edward n'aimait pas ça à vrai dire, mais il n'avait aucun contrôle sur ses moments d'absence.

— j’ai besoin de m’occuper les mains, comme un mauvais élève. Si j’étais rentré chez moi après cette vilaine aventure, je jouerais avec un livre en ce moment, en faisant semblant de lire. Incroyable, n'est-ce pas, comme Londres peut être agitée et cependant... ennuyeuse parfois !
— Mise à part une bible et un vieux roman, je n'ai rien de mieux à vous proposer pour occuper vos mains.

Edward s'assit sur son lit qui émit un léger grincement sous son poids. Dehors, le temps ne semblait pas vouloir se calmer d'aussitôt.
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Message() / Sam 23 Avr - 10:46
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Le joaillier se serait volontiers emparé de la Bible pour en parcourir ses passages préférés, et décrire à quel point leur poésie lui semblait presque à la hauteur des ouvrages libertins qui circulaient de nos jours ; mais quelque chose lui disait que ce serait tout à fait inconvenant lors d’une première rencontre. Il garda donc ses mains pour lui, certainement la meilleure chose à faire. D’ailleurs, il était tout à fait sincère lorsqu’il déclara : « En ce moment, je n’ai pas besoin de ça. J’ai votre compagnie. »

Victor n’était pas censé s’asseoir sans y avoir été invité, son éducation le lui déconseillait, mais il estima qu’il était en ce moment dans une zone qui échappait à l’oeil de cette conscience permanente, et approcha une chaise pour se placer en face de l’occupant des lieux.

« Concernant cette affaire de délicatesse, j’ai bien peur que ce soit mon problème en particulier. Les bonnes familles, comme on les appelle, sont de toutes sortes et certaines moins bonnes que d’autres… à tous les sens du terme. »

Essayant de s’installer confortablement sur cette chaise aux angles rêches, il se décida finalement à croiser ses jambes de manière à minimiser la zone de contact, et reprit son explication avec un petit signe de désinvolture de la main.

« Mes origines sont médiocres – pardon, je veux dire, aux yeux de la bourgeoisie – nous descendons d’artisans et nous en avons gardé certaines habitudes. De plus riches que nous confieraient leurs enfants à des précepteurs, qui les battraient certainement : envolée la délicatesse. De plus nobles que nous les enverraient à l’armée, ou au couvent, même résultat. »

Il réalisa tout à coup qu’il était en train de faire un exposé sur les types de peaux qu’il avait observées chez divers messieurs de toutes origines, et préféra en rester là. Machinalement, le bout de ses doigts retraça la ligne qui faisait le tour de son œil gauche. Son visage animé par le séchage énergique et l’âpreté du tissu laissait apparaître discrètement les petites marques rougissantes, qui dessinaient encore avec une certaine netteté l’empreinte de la mâchoire d’un chien. Etrange affaire, dont il n’avait jamais eu toutes les explications en ce temps-là, d’autant que la fièvre l’avait laissé un peu inconscient des suites, pendant une semaine ou deux.

« Je n’ai pas été battu. J’étais d’ailleurs un enfant sage. Ma seule cicatrice est celle d’un accident. Et mon métier est un métier d’artiste, ce qui achève de m’abriter. » Cependant, il ne voulait pas avoir l’air de dire que l’apparence d’Edward lui posait problème ; ce n’était pas le cas, pas du tout. Il aurait préféré que rien de violent ne lui soit jamais arrivé, mais maintenant que c’était le cas, rien ne servait de s’effaroucher et de détourner le regard comme une nonne pudique. « Enfin, on peut considérer que les marques du corps font de vous une sorte de roman, et de moi, une page blanche. »


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Message() / Sam 23 Avr - 11:14
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ft. @Victor Nitot

Victor assura qu'il n'avait pas besoin d'occuper ses mains, car la compagnie d'Edward lui suffisait pour ne pas s'ennuyer. Ce dernier se surprit de sourire, avant de hausser les épaules.

— Je ne suis pas sûr d'être la meilleure des compagnies.

Il paraissait rustre et austère en plus d'être peu cultivé. Il était certainement dur avec lui-même, mais s'était une vérité. Pour sûr, il savait lire et écrire, mais rien de plus. Victor s'installa en face de lui, sur une chaise. Il croise les jambes et rebondit sur cette histoire de peau et de délicatesse. En soit, personne n'était à l'abri d'avoir une peau imparfaite. Même eux étaient sujet à de la maltraitance éducative. Edward ne voyait pas l'utilité de frapper un enfant pour qu'ils apprennent, surtout si ce dernier possède des difficultés. De son point de vue, c'était contre productif.

Edward remarque que son invité toucha le tour de son œil gauche. Poussé par la curiosité, Edward se pencha légèrement pour voir le vestige d'une cicatrice. Victor informe qu'il n'a pas était battu et que cette marque est le résultat d'un accident. Edward aurait aimé en savoir plus, mais il ne souhaitait pas paraître mal poli ou bien déplacé.

— Enfin, on peut considérer que les marques du corps font de vous une sorte de roman, et de moi, une page blanche.

De nouveau, Edward haussa les épaules.

— Vous n'êtes pas vraiment une page blanche dans ce que je vois.
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Message() / Sam 23 Avr - 11:33
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C’était la première fois que Victor apercevait, sur le visage d’Edward, quelque chose qui ressemblait pour de bon à un sourire. Il en fut touché et en même temps, rassuré : le jeune homme n’était donc pas entièrement enfermé en lui-même, comme certains le restaient toute leur vie. Il y avait un passage par lequel la lumière pouvait l’atteindre.

« Non ? »

Il croisa les bras et attendit le verdict, comme s’il s’agissait d’un diagnostic médical des plus sérieux :

« Vous diriez que je suis une page de quelle couleur ? »

Bien sûr, ça n’avait aucun sens. Il éclata de rire et assura, peu décidé à passer pour un fou :

« Je pose des questions un peu étranges, mais c’est ce que les artistes font. Vous pouvez dire tout ce qui vous passe par la tête. Vous, par exemple, vous seriez un parchemin marqué d’une enluminure dorée, dans un alphabet mystérieux qu’il faut beaucoup de temps et de passion pour déchiffrer. A vous ! »

Son métier particulier lui servait d’excuse et de langage, mais c’était tellement plus facile ainsi qu’en s’exprimant tout simplement, et au pire, si ce qu’il disait ou impliquait était dérangeant, on pouvait toujours faire semblant de ne rien comprendre et rejeter l’exercice. C’était une tricherie de type diplomatique. De toute façon, enfermés dans une petite pièce aux allures de cercueil tandis que la pluie battait les vitres, ils n’avaient rien de mieux à faire que des jeux d’esprit, n’est-ce pas ?


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Message() / Sam 23 Avr - 16:49
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— Non ?

Edward avise ses pieds, l'ombre de son sourire persiste pendant un moment, avant de s'estomper lentement.

— Je ne pourrais pas tenir de conversation intéressante bien longtemps.

Au bout d'un moment, le manque de culture se ferait bien trop ressentir, Edward n'en doutait pas. Victor croisa les bras quand l'hôte assura qu'il n'était pas tout à faire une page blanche.

— Vous diriez que je suis une page de quelle couleur ?

Aussitôt, Victor éclata de rire. Il avoua qu'il posait là d'étranges questions, mais n'est-ce pas là le propre de tout artiste ? C'est sûrement pour cela qu'Edward était bien trop sérieux, bien trop terre-à-terre. Il n'avait pas ce brin de folie ni toute cette imagination. Réaliser une œuvre pensante n'était pas de sa porter. Encore une fois, Edward n'était pas dur envers lui-même, c'était un simple fait.

— Vous pouvez dire tout ce qui vous passe par la tête. Vous, par exemple, vous seriez un parchemin marqué d’une enluminure dorée, dans un alphabet mystérieux qu’il faut beaucoup de temps et de passion pour déchiffrer. A vous !
— Je... je ne sais pas, à vrai dire. Je ne suis pas doué pour ce genre de chose.

Edward n'était que doué pour faire du pain et se servir d'un fusil. Il n'a pas eu cette chance de pratiquer d'autres activités comme les échecs ou encore le dessin. Il n'avait pas de réel loisir ou encore des centres d'intérêts.

— Je vous ai bien dit que j'étais ennuyant.
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Message() / Sam 23 Avr - 17:24
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Cette fois, Victor abandonna tout le vernis de bonnes manières distantes qu’il avait maintenu jusque là, et se rapprocha à son tour pour prendre entre les siennes la main d’Edward. Il n’aimait pas l’entendre parler ainsi, cela lui faisait de la peine et il avait presque l’impression qu’en brillant sans cesse comme il le faisait, simplement en étant l’être fantasque et dissipé qu’il était, il contribuait à donner au jeune homme l’impression d’être terne en comparaison.

« Ne dites pas ça, voyons. Londres est ennuyeuse. Londres n’est qu’un labyrinthe de murs froids, dans lesquels se cachent des trésors que nous n’atteignons jamais. »

Il fixa à nouveau les yeux d’Edward avec attention, comme s’il cherchait à tisser un lien. Il ne voulait pas le laisser s’absenter à nouveau dans sa propre tête, au fond des pensées qu’il traînait comme des fers aux pieds. Le soleil reviendrait bientôt ; et à ce moment-là, les nuages lourds ne seraient plus qu’un souvenir. C’était sa vision optimiste, en tout cas, et il voulait la faire partager.

Ses mains s’ouvrirent, pour laisser sa liberté de mouvement à son nouvel ami. A quoi bon savoir jouer avec les mots ? La vie n’était pas un jeu et, pour ce qu’il essayait de lui témoigner, il n’était pas sûr de trouver les mots qu’il faut. Alors il s’appliqua, pour une fois, à rester simple.

« Vous êtes un homme, et tous les hommes ont leurs mérites. Vous avez du caractère, vous avez bon coeur, vous avez les pieds sur terre. Vous êtes paisible, solide. Et vous êtes là. Cela me fait réellement du bien de vous connaître, Edward. »

Il aurait tant voulu le voir sourire à nouveau, plutôt que cette impression de deuil qui lui donnait l’air plus vieux que son âge. C’était le deuil de sa jeunesse qu’il portait, mais elle n’était pas morte, elle pouvait refleurir. Victor en était certain.



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Message() / Sam 23 Avr - 18:48
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Octobre 1817
ft. @Victor Nitot


Victor prit l'une de ses mains entre les siennes. Edward l'observe, quelque peu surprit, mais il ne cherche pas à se défaire de sa prise pour autant. Il n'en restait pas moins gêné à cet instant, comme timide. Edward l'écouta, mais ne sut pas quoi penser à cet instant. Est-ce mal de se penser ennuyant ? Sa chambre était à l'image de sa personne, après tout. Il n'y a rien d'intéressant, de marquant ou d'original.

Edward soutient le regard de Victor, avant de regarder leurs mains. Si le joaillier lui permettait de se défaire de sa prise, Edward n'en faisait rien. Il appréciait le contact. Edward s'exprimait mieux avec le toucher qu'avec les mots pour être honnête. Il a toujours été tactile, mais la dureté de la guerre n'a fait que renforcer ce fait. Il manquait constamment d'affection et d'attention de ce genre.

— Vous êtes un homme, et tous les hommes ont leurs mérites.

Edward n'en était pas sûr. Quels étaient ses mérites à lui ? Pendant ce temps, Victor le complimentait. Selon lui, il a du caractère et un bon cœur. Là aussi, Edward émet un doute sur ce dernier point. Il donnait l'air d'être paisible et solide. Edward pouvait affirmer que non. Il passait ses nuits et ses jours à voguer entre cauchemar et réalité. Il était instable.

— Et vous êtes là. Cela me fait réellement du bien de vous connaître, Edward.

Edward hausse les épaules comme à son habitude.

— C'est gentil, j'imagine ? Mais je suis de loin l'homme que vous décrivez.

Il l'a était, à une époque, puis il a eu la merveilleuse idée de s'engager pour la couronne.

— Mais, je pense pouvoir dire que je suis également ravis d'avoir fait votre rencontre.
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Message() / Sam 23 Avr - 19:23
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Octobre 1817
“The soldier above all others prays for peace, for it is the soldier
who must suffer and bear the deepest wounds and scars of war.”



Il n’y avait aucun doute dans la voix de Victor tandis qu’il complétait son portrait. Pourquoi en douter ? C’était ce qu’Edward lui montrait depuis tout à l’heure. Il ne le connaissait pas depuis longtemps mais il n’avait vu que ces aspects de sa personne, aussi le portrait était-il exact, aussi loin qu’il était concerné.

« J’aurais pu ajouter encore d’autres qualités. Vous vous êtes montré courageux et secourable, et hospitalier. Et il faut une bonté toute particulière pour prêter attention aux petits ennuis des autres quand on a ses propres soucis. »

Et puisqu’il était autorisé à lui tenir la main, comme il était autorisé à parler beaucoup trop, il ne se priverait ni de l’un ni de l’autre. D’ailleurs, ce geste lui paraissait normal, face à la tristesse qu’il percevait. Pas de la tristesse, plutôt une sorte de gouffre. Il avait l’impression de consoler un ami qui aurait perdu l’amour de sa vie, la meilleure moitié de son âme, comme on disait parfois. Était-ce ce que l’on ressentait dans ces moments ? Il n’en savait rien. Il agissait purement par instinct, mais jusqu’à maintenant, il n’avait pas été chassé, alors autant continuer sur sa lancée.

« Je regrette que vous ayez cette opinion de vous-même. J’aimerais pouvoir changer cela. Ce serait bien malheureux, que cette belle hospitalité ne soit pas récompensée, et il me semble que ce serait un beau cadeau à vous faire. »

Il aurait pu lui donner de l’argent à lui aussi, mais ça lui aurait paru ridicule et presque insultant. Edward n’avait pas l’air en difficulté, juste… vide. Paisible en effet, fonctionnel, au point de passer inaperçu au milieu d’autres passants dans la rue. Mais désincarné. Oui, il avait l’air d’un blessé, même s’il ne portait que des marques depuis longtemps cicatrisées. Et il n’y avait pas de médecins ou de remèdes pour des blessures comme celles-là. Certains recommandaient la prière... Victor avait bien envie de les traiter de charlatans.


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Message() / Lun 25 Avr - 18:37
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Si Edward était résigné à se percevoir autrement, Victor n'était pas prêt à lâcher l'affaire. Celui-ci affirme qu'il aurait pu rajouter d'autres qualités, avant de le qualifier d'hospitalier, de secourable et de courageux. Edward n'en dit rien, mais il pensait tout le contraire concernant ce dernier point. Il était un lâche et son doigt manquant en est la preuve irréfutable. Un certain malaise se peint sur son visage. Son regard devint fuyant, tandis que Victor continuait dans sa lancée. Il parlait avec enthousiasme, mais Edward fut incapable de comprendre ce qu'il disait. Lentement, le vétéran glissait dans les limbes de son subconscient, avant de subitement revenir à la réalité.

— ... ce serait un beau cadeau à vous faire.

Edward ne donna aucune réponse. Il était perdu et il ne s'en cachait pas. Pas de doute, il venait d'avoir un moment d'absence. En une fraction de seconde, il avait revu le médecin militaire approché la pointe de son couteau en direction de son index. À présent, il dévisageait Victor.

— Excusez-moi, vous pouvez répéter s'il vous plaît ? J'ai... perdu le fil de la discussion.
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Message() / Lun 25 Avr - 20:42
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Victor fronça les sourcils. Quelque chose n’allait pas. Il songea tout naturellement que ses attentions et ses discours dérangeaient Edward, et se replia sur sa chaise avec la timidité d’une chauve-souris dérangée dans ses quartiers d’hiver. Puis il remarqua le mouvement des yeux. Edward était avec lui à nouveau, mais pendant quelques secondes, il ne l’avait plus été. Quelque chose l’avait renvoyé dans ses souvenirs. Oh, ce n’était pas de la comédie. Son coeur se serra, en imaginant perdre ainsi sa lucidité ; il aurait été terrifié. Il n’avait pas le cran pour affronter une telle condition, il était heureux que sa propre personne n’ait jamais été aussi exposée.

« Ce que je dis n’a pas d’importance. Je suis quelqu’un de fantasque. »

Dans un mouvement qui lui fut naturel sur le moment, il éleva l’une de ses mains vers le visage de son hôte pour lui toucher le front, puis la joue, comme on en fait d’un enfant fiévreux pour s’assurer de son état ; mais elle demeura là, alignée dans un toucher discret au long du visage grave. Il n’y avait plus aucune difficulté, désormais, à regarder Edward dans les yeux. Sérieusement, comme s’il récitait une incantation, Victor assura :

« Mais je ne vous veux pas de mal, et vous êtes ici, avec moi. Vous ne vous évaporerez nulle part ailleurs. Je ne vous laisserai pas faire. »

Avec un petit sourire, il se hasarda à passer le pouce au long de cette joue pâle et froide, à défaut de s’enhardir suffisamment pour y déposer un baiser. Au pire Edward se fâcherait et lui ferait la leçon. Ce serait un peu gênant, mais au moins, utile. Le blessé serait ancré dans le moment présent, et la nécessité de s’occuper de ce qui s’y déroulait. C’était ce qu’il y avait de meilleur à faire pour lui en ce moment. Ça ne servait à rien, de prétendre sans cesse qu’il comptait se comporter auprès de lui en ami et lui rendre la politesse de son hospitalité, si c’était pour s’abstenir d’agir ensuite, pour quelques ridicules craintes de passage.
Comme d’autres déposent les armes, Victor déposait ses craintes. Et advienne que pourra.


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Message() / Mer 27 Avr - 21:07
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Alors qu'Edward s'attendait à ce que Victor se répète, ce dernier n'en fit rien et assure qu'il n'avait rien dit d'important, avant d'indiquer qu'il était quelqu'un de fantasque. Il est vrai que le joaillier était extravagant, Edward ne dirait pas le contraire car ça serait mentir. C'était certainement la première fois qu'il rencontrait une telle personne. Cela le sortait de sa monotonie, il devait l'avouer. Enfin bon, revenons à nos moutons.

Edward s'apprêtait à insister quand Victor posa une main sur son front, puis sur sa joue. Edward reste interdit quand ce doux touché s'éternise plus que nécessaire. C'était intime, troublant. Les deux hommes se dévisageaient. Victor assura qu'il ne lui voulait pas de mal et qu'il ne le laisserait pas partir ailleurs. Edward ne sut quoi dire. La situation était étrange. Ils venaient de se rencontrer et déjà, Victor lui faisait de grandes promesses. En effet, il est bien fantasque, songea le vétéran.

Victor caressa sa joue. Edward expira longuement. Quelle étrange situation, se répéta Edward. Ce genre de toucher ne lui était guère inconnu. Gamin, sa mère caressait souvent sa joue pour le réconforter. Puis, il songe à ce jeune soldat qui, une nuit, s'était glissé dans sa couche. Là encore, le même touché. Lent, tendre, remplis d'affection. Là également, un moment étrange qui avait remis beaucoup de chose en doute, à commencé par ses intérêts romantiques. D'ailleurs, Edward se questionnait encore.

Dehors, la pluie avait cessé et le ciel se dégageait lentement. Edward saisit l'opportunité pour se dégager de sa prise.

— Le temps s'est calmé, indiqua-t-il. Nous pouvons aller chez-vous ?
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Message() / Mer 27 Avr - 21:48
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« Matériellement, oui, nous pouvons sortir. »

Le Français avait laissé échapper une pointe d’accent sur ces quelques mots ; à lui aussi, cette proximité posait d’importantes questions. Il se releva, referma sa main en poing et ramena ce poing à ses lèvres, comme pour s'imposer un temps de silence. Il ne savait pas s’il devait offrir à Edward de se séparer là. Peut-être était-il plus généreux de laisser à ce jeune homme sa petite vie paisible, sans y jeter davantage de trouble. Mais d’un autre côté, Victor avait envie de troubler cette eau trop calme qui lui laissait un sentiment de tristesse. A le laisser tranquille, il aurait eu l’impression de l’abandonner. Allons, il n’avait pas les idées claires, aujourd’hui, décidément.

« Si vous y êtes toujours disposé, bien sûr. Je m’en voudrais de… Pensez-vous vraiment que cette visite pourrait vous plaire ? »

Tout en parlant, il avait ramassé ses vêtements trempés, qu’il repliait pour qu’ils prennent moins de place entre ses bras. Il était quelque peu perplexe, maintenant que son regard s’était détaché de la contemplation quelque peu rêveuse de l’autre physionomie masculine. S’il avait été en compagnie d’un autre homme qui partageait ses inclinations, il se serait passé quelque chose à présent. Il en avait fréquenté suffisamment pour savoir que, lorsqu’une occasion évidente se présentait, on ne perdait pas de temps. En fait, il regrettait même qu’ils soient aussi entreprenants ; la séduction pouvait être une belle chose, mais il regrettait l’omniprésence de la dimension sensuelle dans une relation, que ce soit dans un roman ou dans sa propre vie. C’était bien aussi de pouvoir partager des choses différentes… non ?

D’un autre côté, si Edward était hostile à ce geste de tendresse, eh bien… il l’aurait manifesté. Il ne manifestait rien du tout. En fait, Victor aurait été presque soulagé de recevoir une claque, au moins ce serait une réaction entre guillemets normale. Attendue, et compréhensible.

Il était prêt pour quitter ces lieux gris, en tout cas, encore incertain sur ce qui résulterait de cette rencontre, quels sentiments il en conserverait. Pour le moment il n’y avait qu’un certain mystère ; et étant d’un naturel curieux, il devait bien admettre que ce mystère faisait partie de l’attraction. Il avait l’impression de fréquenter un livre fait homme. C’est ça : Edward l’intéressait comme l’aurait fait un livre… et il devait bien admettre qu’il appréciait que ce livre ne soit pas saturé de tentations sensuelles échevelées, bien qu’il se soit risqué à en caresser les pages.


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Message() / Jeu 28 Avr - 9:48
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— Matériellement, oui, nous pouvons sortir.
— Parfait, alors, conclut Edward.

Celui-ci ouvrit son placard pour mettre la main sur un manteau. Le temps devenait certes clément, mais il ferait certainement froid, alors autant bien se couvrir cette fois. Victor était dos à lui, si bien qu'Edward ne put voir son moment d'interrogation. Lui-même l'était. Sa joue avait légèrement rosi sous les doigts de Victor, encore sensible à ce souvenir intime qui ne cesse de le tourmenter.

Alors qu'Edward enfilait son manteau, Victor s'assurait qu'il était bien intéressé de venir. Le concerné hausse les épaules et indique qu'il n'était pas du genre à changer d'avis. Il avait accepté plus tôt, il ne comptait plus refuser. Edward tendit l'un de ses manteaux à son invité.

— Pour ne pas attraper froid, dit-il simplement.

Et c'est à ce moment qu'Edward remarque que son invité était pensif. Il s'interroge. À quoi le joaillier pouvait penser à cet instant ? Edward se laissa porté par la curiosité et alors qu'il s'approche de l'entrée de sa chambre, il dit :

— Un penny pour tes pensées.
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Message() / Jeu 28 Avr - 10:28
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« Oh, c’est un marché de dupes, ça ne vaut pas un penny. »

Victor ne pouvait pas s’empêcher de plaisanter, même quand il ne ressentait lui-même aucun amusement particulier ; c’était simplement sa manière de s’exprimer. Il savait qu’Edward ne le suivrait pas dans cet échange de boutades mais ce n’était pas un problème ; aucun des deux n’était vexé, aussi, autant laisser libre cours à sa nature. Et la sienne était de jouer sur les mots dès qu’il en voyait l’occasion. Mais il reprit rapidement son sérieux, et affirma, en s’efforçant d’arranger le manteau autour de son corps de ma manière la plus adéquate possible :

« Je me disais que c’était facile, quand on était enfants, d’être amis de cette façon ; et je regrettais que cette facilité disparaisse avec l’âge adulte. Quatre-vingt-dix pour cent des gens m’auraient giflé pour mon attitude, et les dix pour cent restants m’auraient embrassé ou… ou je ne sais quoi. »

Il savait parfaitement quoi ; quelque chose lui disait qu’ils le savaient tous les deux. Difficile d’être innocent au point de n’en avoir aucune idée, ils ne sortaient pas du couvent – et même au couvent, Victor avait entendu dire que l’on pouvait aisément accumuler une certaine expérience, avec de la bonne volonté ; enfin, ce n’était pas du tout le moment de s’attarder sur ce genre d’image. Il passa rapidement à la suite, en rejoignant Edward à la porte, sans oser la franchir.

« Si on était encore petits, je pourrais juste te dire : merci pour le manteau, et te conduire par la main, et ce serait normal. A nos âges, ça ferait toutes sortes d’histoires. Pourtant tu aimes que je te tiennes la main, non ? »

A vrai dire, il avait peur que la famille du jeune homme les entende discuter. Il ne se doutait que trop bien de leur réaction en pareil cas. Il était plus âgé, plus riche, il venait d’un pays aux mœurs dissolues, on considérerait qu’il avait pris de l’influence sur son nouvel ami et cherchait à le débaucher. Si quelqu’un était pendu pour ça, ce serait lui. Les gens pouvaient parfois se montrer cruellement accusateurs pour protéger leur proche.


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Message() / Jeu 28 Avr - 10:46
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Après une boutade qu'Edward ne saurait comprendre, Victor retrouvait son sérieux et fit donc part de sa pensée. Alors qu'il parlait, Edward l'aida à ajuster le manteau qui, disons le, n'était pas totalement à sa taille. Enfin bon. Victor disait donc qu'il était plus facile d'être ami quand on était enfants. Au début, Edward avait du mal à comprendre le fil du raisonnement, avant que la suite ne l'éclaire. Edward acquiesçait, tandis que son invité conclut :

— A nos âges, ça ferait toutes sortes d’histoires. Pourtant tu aimes que je te tiennes la main, non ?

Il est vrai qu'arrivé à un certain âge, celui de l'adulte, le moindre petit geste pouvait être mal interprété. Dès que vous touchez quelqu'un d'une certaine manière, autant un homme qu'une femme, vous souhaitez forcément plus ou bien quelque chose d'inconvenable.

— J'ai toujours été quelqu'un de tactile, autant avec ma famille qu'avec mes proches amis. Je m'exprime mieux par les gestes que par des mots, vous l'avez sûrement remarqué, expliqua Edward. Il est vrai que passé un certain âge, la moindre petite chose est mal perçut, qu'importe si vos attentions initiales étaient platoniques.

Edward ouvrit la porte et invita Victor à sortir le premier.
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Message() / Jeu 28 Avr - 11:34
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Le mot « platonique » était compliqué lui aussi. Victor était bien certain que certaines de ses nuits n’auraient pas été nommées platoniques par le commun des gens d’église. Pourtant, de son point de vue, il ne s’était rien passé – étant donné tout ce qui aurait pu se passer – il s’était contenté de tenir dans ses bras quelqu’un qui en avait besoin pour trouver le sommeil, et il est vrai qu’ils n’étaient pas très habillés, et que leurs gestes de tendresse avaient dépassé ce qui était convenable, et qu’il avait éprouvé quelque chose qui ressemblait assez exactement à de l’amour.

Platonique peut-être, mais certainement pas enfantin. Sa comparaison n’était pas exacte. Il avait, lui aussi, passé l’âge de se conduire comme un enfant. L’ennui était qu’il ne voyait pas à quoi se comparer. Rien qui fasse partie de l’univers d’Edward, en tout cas. Peut-être quelques histoires de la mythologie antique… qui, de toute façon, avaient elles-mêmes leurs interprétations trop pieuses, et leurs interprétations trop animales.

Bah, il ne referait pas la société aujourd’hui. Il n’imaginait guère Edward se perdre en considérations politiques passionnées, de toute façon.

Il s’inclina légèrement pour remercier de la politesse, comme s’ils sortaient d’un salon mondain ; puis guetta au bas de l’escalier, comme s’il revenait de cambrioler une boutique. Toujours personne, comme prévu. Il fut un peu soulagé de quitter le bâtiment et de pouvoir interroger le ciel ; il ne faisait rien de mal, mais c’était un plaisir de pouvoir se promener sans trembler de froid, et si le manteau n’était pas de ceux qu’il aurait choisis volontairement, il faisait son office pour le réchauffer. Rasséréné par cette liberté de mouvements, il indiqua la direction, et retrouva sa nature bavarde, comme un canari dont on a retiré le voile qui couvrait sa cage.

« Je crois que j’étais tactile avec ma famille directe, mes parents et mes frères, mais en arrivant chez mon oncle j’ai reçu une éducation très policée, des manières rigoureuses qui me permettaient d’apparaître en bonne société, » expliqua-t-il en se mettant en marche. « Mon oncle m’emmenait partout avec lui, pour m’instruire. Il était mon professeur avant toute chose. J’étais logé avec mon cousin, mais il a toujours été quelqu’un de sévère, et je dois avouer qu’il me faisait un peu peur. »

Il éclata d’un rire léger. Vu d’aussi loin, la scène lui paraissait comique. Mais sur le moment, elle avait été assez perturbante, pour un petit Victor couronné de boucles blondes d’angelot qui ne savait plus comment se placer vis à vis des autres. Il avait appris très vite, il était bon élève, mais cela ne voulait pas dire qu’il s’était senti plus à sa place ou plus satisfait de l’ambiance. Enfin, au moins il avait des choses à admirer ; et c’était devenu sa nouvelle nécessité, sa nouvelle addiction. Le regard avait remplacé la main.


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Message() / Dim 1 Mai - 10:55
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Les deux hommes sortirent donc de la bâtisse et suivirent la direction que Victor venait tout juste d'indiquer. Comme supposé, le temps était frais et le soleil se faisait timide : Il restait caché derrière d'épais nuages. Ils n'étaient pas à libre d'une nouvelle averse.

Alors qu'ils voguaient de rue en rue, Victor reprit la discussion. À son tour, il raconta qu'il était tactile avec sa famille directe comme ses parents et ses frères, mais qu'en arrivant chez son oncle, il a reçu une éducation policée afin d’apparaître en bonne société. En l'écoutant, Edward se sentit chanceux. Pour rien au monde, il aurait aimé vivre dans une bonne famille. Sa condition lui permettait d'être libre et d'être ce qu'il était sans crainte. Aucune bonne société ne scrutait ses moindres faits et gestes.

Victor continua sa petite histoire : il avoue d'avoir eu peur de son oncle et que ce dernier était son professeur avant toute chose. Il est clair qu'Edward n'aurait pas apprécié une telle relation avec l'un des membres de sa famille. Il n'aimait guère être supérieur ou se sentir inférieur à quelqu'un. Sans parler de respect, car c'est une notion importante, tout le monde était logé sur le même pied d'égalité. Il apprenait autant de sa sœur que de son père, et même le petit dernier avait des choses intéressantes à exprimer.

— Je n'aurais pas supporté une telle vie, assura Edward. Ni même avoir un oncle de ce genre, sans vouloir être offensant, bien sûr. Vous avez gardé contact ou bien vous avez tourné la page ?

Aucun doute pour Edward : il aurait coupé les ponts. Dits comme ça, cela paraissait extrême, mais ce genre d'emprise avait quelque chose de malsain de son point de vue.
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Message() / Dim 1 Mai - 11:55
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"C'est qu'il m'a appris son art," murmura Victor, penaud comme une jeune fille qui explique pourquoi son mari est bien obligé de boire.

L'art, c'était l'oxygène dans ses poumons, la raison pour laquelle il était encore en vie, et sa principale source de fierté. C'était ce qui le consolait d'être un homme si étrange, car les deux notions étaient probablement liées, sa délicatesse à la tâche, et sa délicatesse à la vie. Cette idée suffisait, à ses yeux, à excuser tout le reste. Et puis, il n'avait pas vraiment vécu cette autorité comme une mauvaise chose. Il l'avait acceptée religieusement, naïvement, une naïveté qu'il conservait à l'âge d'homme ; comme un petit paroissien accepte l'idée que Dieu voit tout, et qu'il a noyé les petits enfants le jour du déluge, et qu'il pourrait fort bien recommencer si l'on n'est pas assez sage.

Son oncle, d'ailleurs, n'avait jamais tué personne. C'était un maître dans sa discipline, et Victor était son apprenti, son avenir était à ce prix ; tout s'était organisé de soi-même, dans cette boîte à musique peuplée de figures de porcelaine, sans à-coups brutaux, sans conflits directs, à la mode de Versailles. Néanmoins, il était vrai que Victor avait pris son envol, dernièrement... Après être passé dans l'ombre de son cousin durant sa jeunesse, il créait aujourd'hui sa propre vie, indépendamment de tout enseignement. Et il n'en était pas peu fier. Pour résumer, il dit simplement :

"Mon oncle était l'homme de la monarchie française ; mon cousin, celui de l'Empire. Et moi, je suis ici."

Il se sentait fautif. La perspective d'être jugé défavorablement par Edward lui pinçait le coeur. Il avait bien envie de détourner la conversation vers quelque chose de plus innocent. Dès qu'ils seraient à la boutique, il y aurait tout le décor pour leur changer les idées, mais pour le moment, il fallait broder et raconter ; et il avait largement de quoi. Mais son babillage avait quelque chose de légèrement nerveux, ou plutôt craintif.

"Je ne suis pas vraiment capable de ruptures radicales, et puis j'aime trop échanger des lettres, ces derniers temps je me ruine en courriers pour l'Amérique, et même pas pour ma famille, savez-vous. Il ne faut pas croire que je suis si dépendant. Comme je vous disais, je ne suis même pas encore marié."


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Message() / Lun 9 Mai - 17:41
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Son oncle lui a appris son art, celui là-même qui doit permettre à Victor de vivre et d'avoir un toit. Cela doit excuser certaines choses. Dans tous les cas, Edward n'insiste pas. Il avait donné son avis, mais il ne souhaitait pas paraître offensant et malpoli. Si lui aurait agi autrement, les autres avaient le droit de faire tout autant. Alors, Edward acquiesce, signe qu'il comprenait parfaitement son choix et que Victor n'avait aucune justification à donner. Après tout, ils se connaissaient à peine et Edward était mal placé pour donner des leçons de vies au premier venu.

— Mon oncle était l'homme de la monarchie française ; mon cousin, celui de l'Empire. Et moi, je suis ici.
— Ce n'est certainement pas plus mal ? Ici, vous pouvez évoluer à votre manière, comme vous le souhaitez, non ? Et puis, vous gérez votre affaire, surtout.

Ils arrivèrent en direction de l'allée principale. Il y avait déjà pas mal de passage à l'arrivée des premiers rayons de soleil. Victor expliqua que les ruptures radicales n'étaient pas dans sa nature. Ça et il aimait beaucoup trop échanger des lettres, si bien qu'il se ruinait. Mais il n'était pas aussi dépendant que ça.

— Comme je vous disais, je ne suis même pas encore marié.
— Moi non plus, avoua Edward qui marqua une pause avant de demander : est-ce encore loin ? se renseigna Edward, curieux.
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Message() / Lun 9 Mai - 18:57
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« Je ne m'en sors pas mal pour mon âge, en effet. »

Parfois, Victor s’enivrait du spectacle de la grandeur, partout autour de lui, ces belles dames ornées de parures, ces messieurs dont le regard semblait régner sur tout un horizon ; il éprouvait leur puissance rien qu’à les fréquenter, et leur plaire était parfois si difficile… Ou leur déplaire, si énigmatique. C’était agréable d’entendre une description pragmatique et simple de ce qui faisait son succès actuel : il était son propre maître, il tenait son propre petit royaume, en forme de boutique honnête et fréquentée. Au fond, qu’y avait-il à désirer de plus ?

Oh, il savait bien que, dès qu’il s’approcherait à nouveau de quelque aristocrate, il se prendrait à rêver de grimper les échelons de la Cour, et offrir ses services aux monarques. Mais pour le moment, il appréciait cette sorte de pause bienvenue. Edward était un homme du peuple, et à ses côtés, il le redevenait, lui aussi.

« C’est là-bas, » indiqua-t-il en montrant le coin de Leicester Square dont on devinait déjà les espaces végétaux, artificiellement arborés. Dire qu’il y avait encore parfois quelques loups audacieux qui venaient errer dans Paris, tirer les corps des cimetières et cueillir les criminels exposés… Dans son enfance, en tout cas. C’était même un fait célèbre, que deux révolutionnaires malchanceux qui s’étaient donné la mort ensemble dans un champ des plus romantiques avaient été retrouvés défigurés par ces bêtes sans scrupules. Peut-être cette affaire l’avait-elle marqué en raison de son propre accident.

Enfin, ici ça n’arriverait pas. Si arboré que soit le square, cela restait un jardin de ville, sans rapport avec une authentique forêt. D’ailleurs, ici, il n’y avait pas de loups. Il avait entendu une histoire amusante à ce sujet : l’armée de Napoléon avait envisagé de mener quelques meutes au large des côtes anglaises, et de les lâcher à la mer afin qu’elles prennent possession de ces vastes champs verts, dépourvus de leurs congénères depuis si longtemps. Tout ça pour affaiblir cette économie anglaise qui reposait si lourdement sur sa production d’excellente laine. Il est vrai que des moutons que rien n’inquiète font sans doute du meilleur travail.

« J’aime beaucoup ce quartier. C’est très vivant. Et puis, je ne sais pas, j’ai toujours trouvé cela poétique, les hôtels ! Une jolie façade, du mouvement, de l’emploi pour toutes sortes de spécialités. On croise des voyageurs du monde entier, parfois des gens célèbres qui veulent rester discrets. »

En arrivant sous les fenêtres de ceux qui longeaient sa rue, il leva la main pour indiquer ces rangées de petites ouvertures qui, comme dans une maison de poupée, donnaient la nuit un minuscule aperçu de leurs occupants. Il aimait observer ce spectacle et rêver. Puis il se ravisa : sa boutique, par comparaison, allait sembler toute petite et modeste. Il espérait qu’Edward ne serait pas déçu.

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Message() / Dim 15 Mai - 10:11
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Victor s'estimait de bien s'en sortir pour son âge, Edward aurait dit que gérer sa propre boutique relevait du succès. Il enviait sa situation, il devait être honnête. Victor aspirait à une douce vie quant à Edward, il n'était qu'une loque revenue de guerre. Il avait perdu le goût de vivre et se mêlait aux Autres était devenue une crainte, une appréhension. Qui dans cette foule noir et épaisse voudra sa mort ? C'est une question qui le tourmentait quand il sortait. Une question que le maintenait constamment en état d'alerte. C'était épuisant mentalement.

— C’est là-bas.

Edward avise l'endroit indiqué, curieux. Il y avait un jardin de ville non loin qui, dans les beaux jours, doit attirer grand monde. Victoire expliqua qu'il aimait ce quartier jugé vivant et de poétique. Edward observe les hôtels décrits par son compagnon de route et les maisons aux alentours. Il est vrai que Leicester Square avait son charme.

— Cela change d'East End.

Ici, il y avait de l'espace pour respirer et se mouvoir. Dans le quartier qui l'avait vue naître, tout était serré, exigu, oppressant. Ses deux endroits n'avaient rien de comparable.

— Que faisiez-vous sur East End déjà ?

Edward avait un doute. Avait-il déjà posé la question ? Il ne serait pas le dire. Tout se mêlait déjà dans sa tête.
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Message() / Dim 15 Mai - 10:31
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who must suffer and bear the deepest wounds and scars of war.”


Pendant un instant, Victor resta immobile, incertain. Son regard chercha dans le vide la réponse à cette question pourtant si simple. Que faisait-il dehors déjà ? allait-il quelque part ? Non, i s'était simplement laissé porter par ses pas, pour échapper à sa maison qui lui avait fait l'effet d'un piège tout à coup, à la faveur de l'une de ces sautes d'humeur qu'il ne s'expliquait guère.

"Je crois que je voulais juste voir les bateaux," avoua-t-il sans trop de certitude. "Il y a eu des mauvaises nouvelles de France et j'ai eu peur qu'une guerre reprenne, cela m'a pesé sur le coeur. Le bon côté de la solitude, c'est qu'on est libre de réfléchir ; c'est aussi le mauvais côté, vous voyez ? Tous mes amis d'autrefois sont là-bas, et tous mes amis de maintenant sont ici."

Il préférait s'arrêter là. Plus il en parlait, et plus il découvrait la profondeur de cette tristesse qui n'avait pas réellement disparu, juste distraite par une rencontre qui lui avait donné de meilleures choses à penser.

En passant devant l’un des hôtels, Victor aperçut un petit véhicule de livraison, peint d’un vert bouteille qui lui déplaisait fort en tant que créateur de mode, mais affairé et honnête. On déchargeait une livraison tardive de pâtisseries pour le restaurant de l’établissement. Peut-être de nombreuses familles avec enfants venaient-elles de débarquer à l’improviste. Ce genre de petits détails égayait ses promenades, comme un fragment d’une pièce de théâtre dont il resterait libre d’inventer la fin. Mais cette scène prenait un autre sens en ce moment. Un sens qui l'ancrait dans l'avenir et non plus dans le passé, juste le genre de sentiment dont il avait besoin.

« Imagine que tu trouves du travail dans un hôtel. On serait voisins, ce serait amusant. »

Il aurait aimé savoir ce qui se passait dans la tête d’Edward tandis qu’il observait son lieu de vie, mais ce dernier n’était pas du genre à étaler spontanément ses états d’âme ; alors, après un instant de réflexion, Victor reprit la même formule que ce dernier lui avait adressée chez lui.

« Et voilà ma boutique. Un penny pour tes pensées. » Il avait trouvé quelque chose de doux et de familier dans cette expression. En français, il ne savait pas comment il l’aurait exprimé, naturellement. Ça n’aurait jamais eu cette nuance enfantine.

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Message() / Lun 6 Juin - 16:02
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Sa question posée, Victor marqua un temps de pause, de réflexion. Une chose qui étonna Edward. Était-il sorti sans le moindre but et sous une pluie diluvienne ? Cet homme avait tout pour être atypique. Celui-ci finit par répondre qu'il voulait voir les bateaux, mais ça manquait de conviction. Par la suite, Victor ajoute qu'il avait reçu de mauvaises nouvelles provenant de France. La crainte qu'une guerre reprend. Edward baisse les yeux à cette information. Lui non plus, ne voulait plus aucune guerre de son vivant, c'était bien trop éprouvant à vivre, surtout quand vous êtes dans le vif de l'action.

— Alors, si vous êtes sortie, c'est pour réfléchir ? Et non voir les bateaux ? Ou bien un peu des deux ?

Ils passent devant un hôtel qui attire aussitôt l'œil d'Edward. Le bâtiment était majestueux. Il imposait de par sa carrure qui était pourtant raffinée. Il ne fit pas vraiment attention à la camionnette verte ni même à la livraison, bien trop occupé à apprécier l'architecture.

— Imagine que tu trouves du travail dans un hôtel. On serait voisins, ce serait amusant.
— Je ne sais pas si cela me plairait, avoua Edward.

Et puis, il était bien trop tôt pour songer à reprendre le travail. Edward avait encore besoin d'un peu de temps, il le savait. Il ne voulait surtout pas se précipiter et se retrouver dans une impasse. Au bout du compte, Victor finit par s'exclamer :

— Et voilà ma boutique. Un penny pour tes pensées.
— Oh, je ne pense pas qu'il y a grand-chose à savoir. La majorité du temps, c'est vide de pensée, expliqua Edward avant d'aviser la devanture. Votre boutique semble charmante !
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Message() / Lun 6 Juin - 22:54
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"Si vous pensez quelque chose de mon petit monde, vous saurez que je serai curieux de l'entendre. Même si ce sont des sentiments confus sans précise traduction," sourit Victor en ouvrant la porte en grand. Il doutait que ce genre de chose soit absent de cette tête de bois en face de lui. Edward n'était pas un soldat mécanique, c'était un être humain doté des mêmes mouvements émotionnels que quiconque, il devait y avoir un voile jeté au-dessus, plus ou moins opaque, et voilà tout. Il ne fallait pas désespérer de le lever un jour.

Faire les honneurs de sa boutique lui donnait l'impression d'être un prince tout à coup. Non pas en raison des sommes brassées ; au final, une bonne part des revenus de ses ventes était investi dans les salaires de son personnel, l'entretien impeccable des locaux, la matière première aussi bien que les outils. Aussi, le luxe apparent n'était que de façade. Mais tout cela ne valait pas la peine d'être détaillé maintenant. Car ce qui le ravissait, c'était de montrer son jardin de pierres, voir les regards s'en éclairer, et avoir la conviction qu'il avait ajouté un petit quelque chose de joli dans ce monde, qui en avait tant besoin.

"Voilà les collections pour les grandes dames," annonça-t-il avec une fierté émerveillée qui disait, bien plus clairement que n'auraient pu le faire de grands discours, que c'était sa section préférée. Et puis, comme il commençait à réaliser à quel point il ne pouvait pas appliquer ses réflexions habituelles à cet interlocuteur précis, il ajouta avec douceur, en lui tendant la main pour le faire approcher : "Ce sont mes créations préférées, et je me réjouis d'en partager le spectacle avec vous."

La lumière irisée et incertaine du dehors se prenait dans les perles de pluie, au long des vitrines, et tombait comme ensorcelée sur les joyaux exposés en devanture. Victor réprima un léger sentiment de honte : il avait glissé un peu partout le symbole de l'abeille. Il l'aimait, c'était plus fort que lui, mais n'était-ce pas une faute de goût et de bonnes manières ? Sa patrie d'adoption avait eu à souffrir de ce genre de piqûres, et de telles provocations pouvait heurter les sentiments d'une veuve ou d'un orphelin. Quel âge avait-il pour s'amuser à cela ? Mais c'est qu'il aurait aimé vivre dans un monde où les abeilles n'auraient été que des abeilles : de petites travailleuses dorées au chant léger, et à l'humeur pragmatique, dont l'exemple était donné aux petits écoliers comme aux artisans de son envergure, rendant tous les hommes égaux face à leur fable. Un monde où les guerres entre les sabres et les symboles n'auraient jamais eu lieu.

Perdu à mi-chemin entre cette émotion mélancolique et le plaisir des yeux, il s'appuya contre un présentoir pour laisser son invité se promener dans cet espace. Bien sûr, c'était un jeune monsieur, et assez austère avec ça : tout ce faste précieux devait lui sembler un peu excessif. "Et vous ? Qu'est-ce qui vous plaît ? Les épingles à cravate, peut-être ? Oh, tout le monde me réclame des montres à gousset en ce moment, mais je ne fais pas ça, je les rehausse seulement d'une parure, quand on me les apporte."
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Message() / Mer 15 Juin - 15:11
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— Si vous pensez quelque chose de mon petit monde, vous saurez que je serai curieux de l'entendre. Même si ce sont des sentiments confus sans précise traduction.

Et à ses mots, Victor ouvrit en grand la porte de sa boutique ce qui permit à Edward d'admirer l'intérieur avant même d'avoir franchi le seuil. Il pénètre dans la pièce principale avec grande précaution. Il craignait d'être maladroit et de briser quelque chose de délicat. En-tout-cas, l'endroit transpirait autant la richesse que le savoir-faire et le raffinement. La moindre petite chose attirée son regard si bien qu'Edward ne savait plus où se donner de la tête.

— Je ne serais pas quoi dire honnêtement, si ce n'est que tout soit magnifique.

Et Edward était sincère, aucun doute n'était permis.

— Voilà les collections pour les grandes dames.

Edward s'approche, émerveillé par l'ouvrage de Victor. Il était doué, non, talentueux serait plus juste. Le joaillier précisa que ce sont ses créations préférées.

— Vous avez de quoi en être fière, se sont de très belles pièces.

Il imagine sa mère et Fiona en porter une paire. Elles auraient été magnifiques si leur famille avait les moyens de se procurer ne serait-ce qu'un collier.

— Je vois que vous appréciez les abeilles, nota Edward avec amusement. Je n'aime pas trop les insectes, enfin, les vrais insectes. Là, c'est différent.

Victor s'était appuyé contre un présentoir afin de laisser plus d'espace à Edward.

— Et vous ? Qu'est-ce qui vous plaît ? Les épingles à cravate, peut-être ? Oh, tout le monde me réclame des montres à gousset en ce moment, mais je ne fais pas ça, je les rehausse seulement d'une parure, quand on me les apporte.
— Rien de tout cela, répondit Edward. J'apprécie le travail des joailliers, mais je ne me vois pas porter tout un tas de bijou. À titre personnel, je n'en vois pas l'utilité, mais je comprends que cela peut plaire à plus d'un en voyant de tels ouvrages.
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Message() / Dim 19 Juin - 14:57
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Octobre 1817
“The soldier above all others prays for peace, for it is the soldier
who must suffer and bear the deepest wounds and scars of war.”


"Aucune abeille ne m'a jamais mordu", remarqua Victor avec un petit sourire. Les chiens en revanche... il les trouvait aussi terrifiants que d'autres jugeaient les loups, c'est à dire qu'il ne faisait pas entièrement la différence entre les deux groupes. Pourtant il savait aussi les représenter, quand on le lui réclamait. Certaines dames poussaient le sacrilège jusqu'à aborder un portrait de leur petit compagnon à fourrure, en broche ou en pendentif.

"Vous avez parfaitement raison, il n'y a pas d'utilité à proprement parler. Juste le plaisir de jouer avec des matériaux précieux, et d'affirmer une petite partie de notre identité en les portant. Je suis artiste en coquetteries."

Dans ce domaine, il n'éprouvait aucune mélancolie : l'inutilité n'était aucunement une tare, ce pouvait même être le signe de l'une de ces actions chevaleresques que les morales d'autrefois prisaient au-dessus des autres. La gratuité du beau geste, en somme. Il ne pouvait prétendre à aucune autre forme de noblesse. Et puis, cela étendait presque cette noblesse à la catégorie voisine : l'absurdité. Et s'il y avait une chose que Victor adorait, c'était l'humour absurde, qui était amplement pratiqué à Londres, pour son plus grand plaisir.

"Passez donc me voir de temps en temps, il y a toujours de nouvelles pièces en vitrine, et ce sera l'occasion de prendre le thé, d'échanger des nouvelles. A ce propos, je n'oublie pas que nous avions cette intention."

Il indiqua la porte qui menait vers un petit hall, donnant sur l'escalier de la cave, celui des étages, et une arrière-boutique où se trouvait son atelier. Victor passa le premier pour montrer le chemin à son invité, un peu gêné par instants des disparités qui séparaient leurs lieux d'habitation, mais confiant dans la bonne nature de son nouvel ami pour lui épargner les piqûres de la jalousie. Une telle chose n'avait pas lieu d'être entre eux, d'ailleurs, puisqu'il l'avait invité à lui rendre visite quand bon lui semblerait.

"C'est bien trop grand pour un homme seul, n'est-ce pas ? Il faudra que je me marie et que j'aie quelques enfants pour peupler tout cela," dit-il d'un ton enjoué, en arrivant sur le palier supérieur.

Une série de petites fenêtres donnait sur l'agitation de la rue, et quelques portes avoisinantes, sur les diverses pièces et salons, dont il avait inscrit le nom français sur de petites plaques ouvragées. Il n'allait pas installer Edward dans sa chambre, lui qui avait le choix entre plusieurs espaces, ce serait inconvenant... il lui ouvrit le salon donnant sur les premières branches des arbres au-dehors où il aimait à prendre son petit déjeuner ; il raviva le feu et y réchauffa le thé.

Son habitude était de vivre réellement seul et de se débrouiller en toutes choses, bien que les demoiselles de ménage qu'il employait pour tenir la boutique immaculée fassent aussi un passage dans ses appartements tous les matins. Ces habitudes de célibataire avaient laissé leur marque sur la décoration des lieux, un livre qui traînait sur un guéridon, une fleur séchée posée sur le manteau de la cheminée et qui n'avait jamais reçu de vase...

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