WHAT IT SHOULD HAVE BEEN
Cette Saison aurait du être le commencement de tout pour moi. Elle aurait du être la concrétisation de toutes ces années de préparation et bien que mon cœur était gonflé d'appréhension, il était également gorgé d'impatience !
J'étais intimidée par le poids qui m'incombait de me marier. Je n'avais pas peur de l'union en elle-même, je savais depuis toujours que c'était le but de ma vie que de m'établir et j'avais même hâte. Une femme mariée était bien plus écoutée et influente ! Du moins c'était ce que disait ma grande sœur qui s'était trouvé un mari il y a déjà cinq années de cela.
Non l'idée du mariage me plaisait. Les questions qui me tenaient éveillées la nuit étaient plus intimes que cela... Plus profondes. J'avais surpris mon père un soir que j'avais veillé tard, discuter avec maman. Apparemment, il avait échangé avec un de ses amis quelques années plus tôt et un accord avait été passé sans être pour autant totalement conclu ; j'avais déjà un fiancé potentiel. Qui était-il ? Aucune idée mais j'étais supposée le rencontrer au bal des débutantes lors de ma première saison ! La pression était donc à son comble, autant que ma curiosité !
Lui plairai-je ? Comment était-il ? Est-ce qu'il avait mon âge ? Qu'aimait-il ? Est-ce qu'on partageait des points en communs ?
LIFE HAPPENED
Le rêve malheureusement, mourut prématurément. Du jour au lendemain, sans que je n'en sache la véritable raison, nous nous retrouvâmes sans rien. Maman s'était mise à pleurer alors que j'étais venue à elle afin qu'elle m'aide à choisir mon ruban pour le bal. Papa avait l'air totalement désespéré alors qu'il froissait un courrier entre ses mains tremblantes qui trahissaient la tension de son corps... Luke et moi n'avons rien compris.
Quelques jours plus tard, les créanciers vidaient la maison où j'avais grandi. Recroquevillée dans un coin de la pièce principale, je les avais regardé emporter les meubles, les objets, les tableaux... Tous les souvenirs de mon enfance. Tous les biens de la famille. J'avais essayé de consoler ma mère de mon mieux pendant que Luke soutenait papa mais j'avais le cœur transpercé et particulièrement lorsque je les vis emmener ma robe de débutante... C'était comme regarder ma vie être démantelée sous mes yeux mais être incapable de hurler.
LEARN HOW TO LIVE AGAIN
Au cœur de la discord, papa eut malgré tout la présence d'esprit de dissimuler quelques bijoux dont le vente permit de nous reloger. Le choc fut rude... Nous n'avions peut-être pas le plus haut des titres, mais les rentes de la famille nous permettait malgré tout de vivre sur Mayfair, une des avenues les plus cotées de Londres.
East End était son opposé drastique. Sombre, ébréché, vieillot, effrayant lorsqu'on venait d'un monde si opposé ! Il me faudrait un peu de temps avant d'en découvrir ses charmes mais sur le moment, il n'avait rien à voir avec la beauté blanche des architectures de Westminster. Tout avait l'air étiolé ici et le choc m'avait presque tétanisé sur place.
Papa avait fait au mieux, nous trouvant un appartement au dessus d'une brasserie. L'endroit était modeste et nécessitait quelques aménagements, mais au moins nous avions un toit au dessus de notre tête et aucun de nous, que ce soit mon frère ou moi, ne songea à se plaindre. Inutile d'accabler d'avantage nos parents... Quelque chose de grave avait du se passer pour qu'on en soit réduit à cela. D'assez grave pour que même le titre de Chevalier de papa ne puisse nous sauver.
Il fallut s'adapter. Trouver un niveau rythme de vie et surtout, un nouveau style de vie. J'avais beau être débrouillarde, je dus réapprendre les gestes du quotidien. Je dus apprendre à me débrouiller seule pour faire cuire des choses, me coiffer, m'habiller... Je découvris d'ailleurs les subtilités des toilettes féminines ! Celles des Dames se fermaient dans le dos, puisqu'elles avaient des domestiques le faisant pour elles, tandis que celles des low cast, se fermaient sur l'avant afin de leur faciliter la tâche. C'était ingénieux !
CURIOSITY IS A SIN
De notre ancienne vie, qui n'était pas encore si vieille que cela, papa avait gardé quelques documents et un soir alors que je remplaçais les bougies des chandeliers de la minuscule pièce lui servant de bureau, je fis tomber une serviette de cuire d'où s'échappèrent quelques feuillets au sceau brisé. Je m'étais empressée de vite tout ramasser, mais sur un des plis j'avais vu passer mon prénom et m'étais donc mise à le lire à même le sol. A ma grande surprise, j'y avais découvert celui de l'homme qui aurait du selon ces échanges épistolaires, être mon fiancé ; Hermès de Wellington.
Hermès... Quel curieux prénom ! C'était joli ! C'était doux. Et Wellington... Comme WELLINGTON ? Comme dans les Wellington de Somerset ? Somerset comme le Duc de Somerset ?! Oh mon...! Les pas de mon père avaient raisonné dans le petit appartement et je m'étais dépêchée de retourner jusqu'à mon lit. Luke m'avait regardé comme si j'étais possédée mais je l'avais ignoré, me remettant à lire ce pli avec un intérêt décuplé.
Hermès... Mes yeux ne décrochaient plus de ce prénom. C'était le messager des dieux et le protecteur des voyageurs. Il était le guide des âmes et leur réconfort dans leur dernier voyage vers les enfers. Fils du grand Zeus et d'une nymphe. J'aimais bien cette idée. Je me demandais à quoi il pouvait bien ressembler... Est-ce qu'il aimait la mythologie lui aussi ? Parce que moi j'adorais ça ! Je rêvais d'aller en Grèce un jour ! Fouler ses ruines ! M'imaginer les histoires qui avaient du s'y dérouler ! Ça ne se ferait jamais désormais...
THE MEETING
Je voulais en savoir plus sur lui. L'adresse figurant sur la lettre, j'avais prit le chemin de sa résidence londonienne. Aspley House était impressionnante ! Elle n'était pas comme les autres maisons du quartier ! Elle se dressait seule derrière ses grilles, sans mitoyenneté. Drôle, elle avait des colonnades ! Comme les panthéons de Grèce !
Tout ça n'arrangeait pas mon affaire... Je ne pouvais pas bien voir ce qui se passait à l'intérieur depuis la rue ! Enveloppée dans mon châle, j'avais attendu un peu, faisant les cent pas. C'était ridicule il y avait une chance sur cent pour que...!
Oh et bien... jour de chance ! Les portes s'étaient ouvertes et je l'avais vu. Ca ne pouvait être que lui. Je m'étais abritée à l'ombre de ma capuche mais pas assez pour ne pas pouvoir le regarder. C'était forcément lui ! Le courrier disait que nous étions du même âge. A un an près. J'avais alors fait une chose fort indigne d'une demoiselle, je l'avais suivi ! Je ne voulais rien faire de mal ! Pas même lui parler, je voulais juste... aucune idée en fait... Je voulais en savoir plus ? Je voulais voir son visage. Je l'avais filé jusqu'à un petit salon de thé où je l'avais regardé s'installer. Il était si absorbé par ce qu'il faisait qu'il ne me remarqua même pas et c'était tant mieux. Moi en revanche... Je ne le lâchais plus des yeux...
Lorsqu'il partit, il me sembla qu'il venait de s'asseoir. Je n'allais pas abuser et le suivre à nouveau, en revanche je remarquai qu'il avait oublié son carnet et la curiosité encore une fois l'emporta. J'entrai dans le salon de thé, puis m'installai à sa place pour feuilleter l'ouvrage. Un éclat de rire m'échappa lorsque j'en découvris le contenu. Un que je dus retenir en me couvrant la bouche. Je n'avais jamais vu ce genre de dessins avant ! Ils étaient drôles ! Déformés et pourtant incroyablement réalistes. Plus je tournais les pages, plus je me sentais happée par son art. Parce que c'était de l'art! A n'en pas douter !
Je devais le lui dire ! J'y allai donc à l'audace et lui laissai un mot. Il reviendrait sûrement le récupérer il ne laisserait pas un truc pareil traîner. Ça ne manqua pas ! Le lendemain à la première heure, il était là ! Et moi aussi... Sauf que je ne me montrai pas. Je le regardai ouvrir ma lettre, retenant mon souffle !
HERMINE
Je ne croyais pas vraiment à la suite de nos échanges cela dit... Aussi fus-je très étonnée lorsque la semaine suivante, j'ouvris le petit tiroir secret que je lui avais mentionné et y découvris son carnet ! Notre relation épistolaire dura quelques semaines. Quelques petits mois. Le temps filait plus vite depuis que je parlais avec Hermès. Je signais mes lettres Honorine, jusqu'à ce que je décrète que le reste de la Société devait voir ce qu'il faisait ! Je riais tant moi ! J'étais certaine que les autres riraient aussi ! Il fallait publier ses caricatures !
Et c'est ce que je fis. Je subtilisai un de ses dessins, le signai Hermine, contraction de nos deux prénoms et y dessinai le petit animal en emblème. Le lendemain, il noircissait les journaux de la capitale ! Je n'avais pas fait ça pour l'argent, mais les quelques pennys que cela me rapporta furent cela dit les bienvenus... Je donnais tout à mes parents qui eux-mêmes de leurs côtés se donnaient du mal pour nous faire vivre convenablement. On s'en sortait comme on pouvait. Du moins jusqu'à ce que Luke ne tombe malade... Un mal qui le rongea subitement, alors qu'il venait juste de décrocher une place en or dans une grande maison ; celle des Wellington.
DO WHAT IT TAKES
Luke devait entrer au service d'Hermès de Wellington. L'actuel domestique du marquis de Somerset, se mariant, il quittait la famille ducale pour suivre sa femme qui ne souhaitait pas quitter sa maîtresse. La place était vacante, mon frère avait saisi l'opportunité !
Mais il était si malade ! Il devait se reposer ! Il avait espéré que sa toux se calmerait mais ce n'était pas le cas et j'angoissais à l'idée de le voir aller se tuer à la tâche tous les jours. J'avais vu Aspley House ! Comment il allait monter et descendre tous ces escaliers, arpenter tous ces couloirs sans cracher ses poumons...? Non c'était hors de question.
- Je vais prendre ta place.
- T'es pas folle ? Puis t'es une fille je te rappelle ! Tu peux pas t'occuper d'un homme.
- Je me grimerai en garçon. C'est pas comme si j'avais une poitrine surdév...
- AH ! Je veux pas entendre ce genre de détails concernant ma sœur merci bien !
- T'es trop fatigué Luke...
- T'imagine le scandale si ça se sait Lili ? Et les parents ils diraient quoi ?
- Que veux tu qu'on nous fasse de plus...? - Nous accuse de dérogeance et qu'on perde aussi le titre ?
- Personne ne saura rien. Et les parents non plus parce que tu vas tenir ta langue. Puis quand t'ira mieux, tu reprendras ta place ! Allez tu sais très bien que c'est la meilleure solution ! On peut pas se passer d'une telle somme d'argent !Et accessoirement, j'avais très, TRÈS envie de me rapprocher d'Hermès...
- C'est non.
- Mais...!
- J'ai dit non Adélina. Dors...Je me retournai dans mon lit, boudeuse. Je savais qu'il voulait me protéger mais zut ! De nous deux là tout de suite ce n'était pas moi qui avait besoin de protection ! Je passai des heures éveillée à réfléchir et à l'aube, après avoir passé une nuit atroce à l'entendre tousser, je le regardai un instant. Il avait les traits tellement tirés et il était si pâle...
Non je ne le laisserai pas aller s'épuiser. Décidée, je repoussai mes couvertures et m'habillai de ses vêtements, puis la lettre d'embauche dans ma poche, je me mis en route pour la résidence Wellington.