Elle ne savait pas tenir en place. Maggy n'était pourtant pas une de ces femmes qui exprimaient aisément leurs sentiments, elle se montrait souvent stoïque ou clairement sarcastique, ne souriant que très rarement - de sorte que personne ne pouvait prétendre avoir reçu un sourire de sa part qui ne ressemblait pas à une grimace narquoise et moqueuse. Elle se tenait souvent en retrait, mordant par des mots cinglants quand on l'approchait, se faisant juge de tout le monde à force d'avoir été jugée. Du haut de sa vingt-huitième année, elle débutait sa huitième saison et le faisait avec tout l'enthousiasme perdu qu'elle possédait.
Elle pensait que cette Saison serait comme les autres, bien que depuis presque trois semaines elle était constamment surprise par les évènements. D'une part, il y avait le Duc de Wellington, qui semblait lui accorder quelques attentions bien qu'elle ne se l'expliquait toujours pas et qu'elle se surprenait à ressentir un attrait de plus en plus cuisant chaque fois qu'il passait le pas de la porte sous prétexte d'une visite de courtoisie. De l'autre, il y avait le Comte de Durham, dont l'aura malveillante et la malchance l'avaient presque conduite à mourir dans un accident de fiacre il y a trois jours de cela - mais il avait une conversation somme toute excitante et savait la faire penser au monde. Il lui avait offert un ouvrage de Kant dans lequel elle se plongeait depuis l'accident - Otello, son jumeau, refusant qu'elle sorte de la maison sans qu'il ne la chaperonne, inquiet à l'idée qu'elle soit tuée à nouveau par malchance.
Elle se pliait à sa décision non parce qu'elle la trouvait raisonnable mais parce qu'elle continuait à avoir quelques vertiges et une fatigue qui la poussait au repos sans qu'elle puisse l'empêcher.
Mais la veille elle avait reçut une lettre de
@Juliet Blooming - il n'était pas rare qu'elles échangent des lettres, se trouvant aussi proches que des soeurs. Bien que Maggy était plus proche encore de Juliet que de sa cadette qui avait ruiné la famille et lui avait ôté sa dot par pure bêtise. Ce qu'elle condamnait chez sa soeur, elle l'acceptait sans problème avec Juliet : que la jeune femme ait eut un enfant ou qu'elle ait donné sa vertu ne lui avaient pas ôté l'affection que Maggy lui portait. Au contraire, elle se trouvait bien heureuse d'avoir de ses nouvelles et d'être la gardienne de ses secrets. Juliet partageait sa même passion pour l'existence, le même désir d'être femme avant d'être
la femme de et elle revenait à Londres.
Elle revenait à Londres, cette nouvelle comblant Maggy d'une joie si intense qu'elle avait du mal à se contenir depuis le levé du soleil. Elle avait bien peu dormi, mû par l'excitation et toutes les choses qu'elle devait dire à sa meilleure amie. Phoebe fut bien incapable de canaliser son énergie quand elle vint pour l'aider à se préparer. Elle pu la convaincre de mettre une des nouvelles robes qu'Otello avait fait mander pour elle mais Maggy ne la laissa pas la coiffer ou faire disparaitre les traits de fatigue de son visage. Elle avait encore mal à la tête parfois - elle n'avait gardé qu'une cicatrice de l'accident, la plaie à sa tête se soignant doucement. Elle avait un bleu sur le bras droit et elle marchait toujours avec lenteur mais elle se remettait. Et rien ne devait gâcher cette journée.
Elle demanda du thé, des gâteaux, et des petits sandwichs sachant que Juliet viendrait la voir dés qu'elle arriverait - il ne saurait en être autrement. Elle s'installa dans le petit salon, ne pouvait rester debout et ne pouvant manger sans l'excitation lui tenait le ventre. Elle exigea de Phoebe qu'elle fasse entrer Juliet si tôt qu'elle arriverait à la porte - Otello savait fort bien ce qu'il adviendrait, prenant le partie de quitter l'appartement pour la matinée. Il était assuré que sa soeur ne le quitterait pas avec la perspective de cette arrivée si attendue.