Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility
Les Chroniques de Londres
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Le Deal du moment :
Boutique Nike : -25% dès 50€ sur TOUT le ...
Voir le deal


 :: THE ARCHIVE ROOM :: Rp terminés Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas

Gratia Plena [ft Beatrice Baring]

Invité
Anonymous
Invité


Message() / Mar 5 Oct - 18:00
Invité
Il regarde la campagne anglaise défiler devant lui, le front au repos sur le velours passé de la cariole. Il a une lettre à la main, des nouvelles d’Italie, un écho lointain d’un monde qui se transforme à une vitesse vertigineuse.

Les Sforza étaient une véritable famille autrefois. Plus ‘véritable’ que ‘famille’ à vrai dire : de l’argent dans les coffres, des noms sur des panneaux indicateurs, de grandes maisons s’élevant vers les Cieux. Les réalités se perdent quand elles ne se regardent pas bien en face : ils sont devenus banquier faute de mieux, ont vu leurs cités se faner, leurs noms s’effacer.

Cela ne veut pas dire qu’ils ne se souviennent pas de ce qu’ils sont censés être ou que les enfants Sforza ne brillent pas. Tristano est à la tête d’une banque certes encore trop discrète mais dont les manigances n’échappent guère aux armées. Les parts d’ombres épaisses au sein des contrats paternel, les épaules solides sous de lourds héritages, il avance renflouant les caisses et surveillant les conflits onéreux. Il passe son empreinte sur le pays qui les a vu naître, sourire d’or et poison sur la langue. Le même qui stagne aussi sur celle de Joachim. C’est l’encens qui suit le second fils, celui qu’on trouve dans les palais saints, l’ambition qui déteint sur l’or et la pourpre qu’il convoite dans un sombre regard.
Ce n’est pas du fiel que l’on trouve sur la bouche d’Erminda mais du miel. Giovanni aurait aimé l’avoir à ses côtés. Il sait sa soeur intelligente, experte dans l’art de la discussion. Des femmes, il en connait lui-même les pourtours, les exigences et les douceurs. Il se doute pourtant que les codes rigides de l’aristocratie britannique sont des nuées de sauterelles devant un champ généreux : ils pillent et détruisent et il prie -oui- pour que sa future femme ne soit pas de ces créatures froides qui naissent, dit-on si souvent, uniquement dans le nord.

Peu importe.

Il aperçoit le manoir au loin, les murs ocres délicatement incurvés, le dôme vert comme un chapeau de maharaja merveilleux. Sezincote House ne ressemble à aucune autre demeure. Le parfum impérialiste des conquêtes indiennes enveloppe dés qu’on en pénètre les terres, salués par deux gigantesques statues d’éléphants. Le soleil saupoudre d’espoirs mordorés un paysage encore gorgé de sommeil. On entend le bruit d’une nature délicate qui s’étire et qui s’éveille. Giovanni lève son visage vers le palace. C’est la première fois qu’il est subjugué par un bâtiment depuis qu’il a mit les pieds dans ce pays et il n’a pas à se forcer pour sourire lorsque son hôte s’avance à sa rencontre. « Giovanni Sforza ! Je ne vous attendais pas avant le déjeuner mais quel plaisir ! Venez vite vous rassasier. » L’italien fait bonne figure, l’œil paresseux sur les étages. Certains rideaux sont encore tirés de toute évidence. Fort bien. « Je n’ai pu résister à l’idée de voir Sezincote House au lever du jour. Vous m’aviez dit que l’image était à couper le souffle… » Il ménage un silence entendu, savourant la curiosité trépignante du maitre des lieux. « … c’est en deçà de la vérité Ser Cockerel. C’est un tableau. » Charles Cockerel se fait barbe à papa rose sous le sucre du compliment. Il ajuste son gilet, la gentillesse généreuse, l’engouement sincère. « La plupart sont encore au lit. La soirée d’hier a été un pur enchantement. Nous avons joués jusqu’au petit matin aux cartes et aux charades, il ne manquait plus que vous. J’ai décimé mon stock de bougies et de cire mais cela en valait la peine et m’apprêtait justement à signer un nouveau bon de commande quand on m’a annoncé votre arrivée. Quelle joie, vous m’accompagnerez pour le petit-déjeuner, le temps que nos invités arrivent ! Etes-vous toujours aussi matinal mon cher ? » Giovanni laisse un rire lui échapper. Seulement quand il faut attraper des hirondelles. « N’avez-vous pas une expression anglaise à ce sujet ? Comme quoi l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ? »  « Oh mon Dieu non, ce sont les français qui disent ça. Dieu nous préserve d’avoir à nous lever aux aurores sans arrêt. Si vous voulez mon avis, c’est exactement pour ça qu’ils font toujours la révolution, ils se lèvent bien trop tôt et ça les met de méchantes humeurs. »

Le buffet du petit déjeuner se compose de pain de seigle et de scones. Un pot de beurre et deux autres de confitures sont joliment présentés. Des œufs sont à disposition, quelques morceaux de viandes froides et des jarres de lait d’un blanc immaculé également. On le sert de café dans une tasse ouvragée. Il sait que les affaires sont bonnes quand on lui propose du sucre et de la crème. Le luxe n’a donc pas de frontière dans cette maison. Fort bien. Ca n'en rendra la réunion avec les avocats que plus facile.
Charles surprend son regard et lui sourit d’un air mâtin. « Je ne sucre jamais. » Intervient suavement Giovanni, portant le breuvage à ses lèvres.
Décidément, il préfère le thé. Mais ici, comme ailleurs, il ne se boit qu’à 16h. Fichues traditions.

« Vous devez avoir envie de vous rafraichir, monsieur Sforza. » Giovanni hésite, l’attention sur la porte qui s’ouvre. C’est un des invités qui lui est présenté et avec lequel il échange quelques mots. Un autre suit, puis une dame un peu plus âgée. S’éclipser lui donnerait le temps de se préparer, d'investir la chambre préparée pour lui. Pourquoi pas. Un léger bain frais et un changement de tenue plus tard, le voilà à chercher ses hôtes le long de la verrière.

Les choses se passent ainsi : Il la voit pour la première fois en sortant du pavillon principal de Sezincote House, les muscles tendus et le sourire en biais. Une pensée pour son père. Une pensée pour ses frères. Chacun doit payer après tout.

On l’annonce, l’accent anglais écorchant la musicalité de son nom. Le jardin est vaste, un jeu de croquet semble être mis en place. Ce n’est pas un endroit pour une première entrevue, ça ne ressemble à rien, à peine un concours de circonstance. Il n’est pas certain que c’est elle vu l’absence de réaction. Elle a le teint frais, l’allure papillonnante dans sa robe de mousseline. Elle est beaucoup trop belle, visiblement courtisée par un gentleman qui ne la quitte pas d'une semelle. Rien qui ne soit anormal mais ça ne l’arrange pas et on va éviter les premières phrases faussement provocatrices du genre « Vous auriez pu faire l’effort d’être bossue, signorina. » ça n’aurait aucun charme. Beaucoup moins qu’elle de toute évidence. Poupée froissée, allure langoureuse et on ne lui a pas mentit, elle a du marbre sur sa peau, des dunes ondoyantes sous les tissus lestes et il cille en l'étudiant du bout des iris, fronce suspicieusement les sourcils avant d’esquisser un sourire sans dents sous les plaisanteries environnantes.

Il savait bien que les anglais excellaient aux humeurs factices et aux apparences trompeuses.

Personne ne mentionne le fait qu'ils sont censés, d'une certaine manière, déjà se connaitre.

Giovanni laisse les milles présentations se faire. Il est le dernier débarqué dans une maison peuplée d’invités qui se veulent tous charmants. Il voit des regards se croiser, des traits d'esprits se faire mélodie discordante. Il pourrait dire mille choses lui aussi, légères et entêtantes. Il pourrait lui offrir ses paumes, la lumière vermeille qu’il dégage en contraste avec celle étincelante de sa robe scintillante sous le ciel argenté du Gloucester. Il pourrait lui dire des banalités à en pleurer ou même l’enlever à ces jardins trop rond, à cette lumière trop grise, à ces discussions trop accaparantes. Histoire d'emballer une fois pour toute ce mariage nécessaire.

Il salue doctement.

L’opacité crémeuse placardée à la rétine et un picotement qui s’acharne le long de la trachée, Giovanni s’avance encore un peu vers elle. La voix est moins dure que sa mise ne laisse à penser. « Lady Béatrice. Souvenez-vous, » Les mots sont étendard. La mèche brune glisse sur le front tandis qu’il se redresse. « J’ai traversé des mers et un continent pour venir jusqu’à vous. » C'est à cet instant précis qu'on lui glisse entre les doigts un maillet. Il cille et regarde dans un froncement de sourcils les arceaux plantés dans la terre.
Revenir en haut Aller en bas



Page 1 sur 1Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
-



Sauter vers: