25 février 1813 Parzival Smith (
@Sebastian Guilfoyle)
Maison d'Edition ***
Cher Monsieur Smith,
À vous dont les mots m'ont transportée dans un ailleurs dont je me languis sans l'avoir connu, je vous adresse ces quelques mots, en espérant que vous prendrez le temps de les lire.
Il est en ce monde des gens de toutes sortes, de genres et horizons différents. Les uns et les autres, nous ignorons presque tout de la vie de chacun. Mais il se peut que parfois, deux âmes qui n'empruntent pas la même route se retrouvent sur le même chemin. Je me plais à penser qu'au moment où je me plonge dans la lecture captivante des aventures dans lesquelles vous m'emmenez, il existe quelqu'un qui arpente la réalité de ces paysages.
La lecture de vos ouvrages, Monsieur, ne fut pas qu'un voyage dans lequel je me suis jetée sans retenue, comme si j'étais capable de chevaucher jusqu'aux confins du monde sans tenir les rênes. Ce fut comme le battement d'aile d'un oiseau mis en cage. L'illusion éphémère de la liberté à laquelle je n'ose aspirer.
Mais alors que j'ai dévoré les pages de votre dernier ouvrage, je ne sais comment décrire la sensation qui me saisit. J'ai pris le temps de choisir un mot qui me paraissait fidèle à mon ressenti. Et mon choix s'est arrêté sur l'injustice. Vous êtes injuste, Monsieur, au point que j'ai bravé ma pudeur pour vous écrire cette lettre qui restera anonyme.
Un talent tel que le vôtre s'assortit d'une grande responsabilité, et je n'insinue pas que vous l'ignoriez. Mais peut-être n'en mesurez-vous pas l'étendue. Car tant de gens dans ce pays jamais ne verrons les merveilles des terres dans lesquelles je vous ai suivi. Tant d'entre nous n'ont que de l'encre sur des pages pour comprendre le monde qui semble trouver tous les jours de nouvelles frontières.
Hors, les barreaux de ma cage se resserrent alors que je termine ma lecture, avec le terrible constat que ce n'est qu'une illusion dont on pouvait se satisfaire à vos premières oeuvres. Un souvenir que l'on met en lumière, mais qui ne nous emmène pas dans des contrées nouvelles. Sur des chemins nouveaux, à la rencontre d'autres visages. Et d'une réalité qui ne serait pas qu'un envol audacieux et inspirant. Mais qui saurait instruire ceux qui s'aventurent à vous accompagner, les yeux et le coeur grands ouverts.
Peut-être alors serait-ce plus supportable de se satisfaire de la vie que nous devons mener, si l'on savait que même dans ces régions préservées et si loin des manoirs de Londres, le malheur, la misère et la cruauté règnent aussi.
En cela vous êtes injuste Monsieur.
Mais plus encore de nous priver de ces instants de liberté, nous condamnant à l'attente interminable du prochain départ. Aussi je vous écris dans l'espoir vain de voir un nouvel ouvrage publié, qui serait alors un peu plus d'actualité.
J'espère que vous verrez au-delà de la frustration, l'admiration de votre plume et l'espoir de vous rester fidèle.
Sincèrement,
Une dévouée lectrice.