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LE BAL DES OISEAUX-
Alors que l'équinoxe approche, la saison continu, les événements se suivant et il est temps pour le Marquis de Budhaven et sa femme de nous faire preuve de la réussite de leur union en organisation un des plus grand bal de la saison. Amoureux notoires des animaux à plumes, c'est sans surprise que le thème se portera sur les oiseaux et les costumes, mais le couple marié sous fond de scandale précédente saura t elle ravir la bonne société grace à cet événement ? A vous de venir en juger en y participant juste ici !
La Saison vient à peine de commencer que je suis déjà lancé dans les manigances de Mère. Si elle a eu l'air heureuse de me voir danser avec Lady Visconti, elle m'a demandé un entretien au retour du Bal de la Reine. Le Duc et la Duchesse de Lennox ont présenté leur fille Lady Emilia à la Princesse et sa présentation s'est déroulée sans accroc. Ce qui est plus que ce que l'on peut dire de ma cousine.
Mère et la Duchesse ont eu l'occasion de discuter puisque, comme le veut la tradition, Lady Emilia est maintenant une main à prendre. Evidemment, une union entre elle et moi serait la bienvenue pour nos deux familles. Lorsque Mère m'a parlé de la jeune femme, son nom a fait écho : je sais qu'elle a, il y a quelques temps, eu quelques déboires amoureuses. Je me suis bien gardé d'en faire part à Mère.
Cet entretien avait pour vocation de m'enjoindre à aller, dès le lendemain, me présenter aux appartements de Lady Emilia et de lui faire la cour. C'est en soupirant que j'acceptai.
Me voici donc paré de mes plus beaux atours de ville. J'ai envoyé un page réserver une embarcation sur la Tamise. Mon jeune page Emiland est chargé de choisir un navire permettant d'accueillir la Dame et sa dame de compagnie, moi-même ainsi que lui. La tradition veut que nous soyons accompagnés de chaperons.
Je me présente donc au domicile de Lady Emilia, qui séjourne chez son oncle le Duc de Montrose. Je réajuste mon veston et fais claquer le lourd heurtoir deux fois. Je recule afin de laisser environ 4 pieds entre la porte et moi et attends que l'on vienne m'ouvrir. J'espère tomber sur quelqu'un de compréhensif. J'angoisse presque, tout en sachant que cette rencontre est essentielle pour que Mère m'estime. Emiland me rejoint.
La porte s'ouvre face à moi et je fais ma plus belle révérence. Mon page prend la parole.
Lord Rutland, Marquis de Granby, vient solennellement se présenter à Lady Emilia de Lennox.
Emilia ne cessait de repenser à cette soirée, à la fois surprenante et détestable. Elle s’était étonnée de s'émerveiller ainsi devant tant de luxure et de dorures, devant l'opulence du buffet également. Elle avait aussi souffert, beaucoup plus que d’ordinaire. Son éloquence s’était envolée sous la pression, son corset lui avait cisaillé la poitrine de façon tout à fait brutale et ces regards, tous les regards des mères qui s’étaient posés sur elle n’avait été que dédain et jugements hâtifs sur sa petite personne. Une chance pour elle que ses cavaliers ne l'aient pas regardé de la sorte, avec dépit ou dégoût.
Après un copieux déjeuner en compagnie de son parrain, la jeune femme était rapidement remonté se vêtir convenablement, au cas ou. Evidemment, elle n’était pas dupe. Aucun prétendant sérieux ne frapperait à sa porte à l’exception peut-être de quelques vieux grincheux en quête d’un ventre plus que d’une épouse et qui n’avaient que faire des rumeurs au sujet de la virginité de la jeune femme. Emilia dut négocier de longues minutes afin de conserver sa belle chevelure brune détachée, soigneusement nouée à l’arrière sans que l’on vienne y fourrer mille et une épingles dans son crâne endoloris. Concernant sa robe, elle dut troquer sa tenue légère, qui lui donnait un air de villageoise pour un tissue plus luisant, plus noble, d’après les mots de sa femme de chambre. Épuisée par tous ces innombrables changements, son déménagement, cette nouvelle vie dans laquelle elle était enfermée, loin de sa nature et de sa liberté, elle ne s’y opposa pas et enfila la dite robe, bleu ciel.
Vous êtes ravissante Lady Fitzroy, je suis certaine que les prétendants vont arriver par dizaines d’ici peu.
Les mots réconfortants de sa femme de chambre, devenue son amie en quelques jours la firent sourire. Elle ne savait pas, ou faisait mine de ne pas savoir tout ce que l’on racontait à son sujet. Si certains éléments de l’histoire étaient vrais, d’autres n’étaient que le fruit d’une invention collective, étoffé chaque jours de nouveaux aspects par des ragots venus de nul part. C’était aussi ça la vie à Londres, s’ennuyer au point d’inventer des vies aux autres et rire sournoisement lorsqu’une candidate tombait en disgrâce. Une place de plus pour une autre.. la fille d’un Duc sur le banc de touche, une véritable aubaine pour beaucoup de jeunes femmes plus laides, ou plus pauvres.
Ce qu’elle redoutait, arriva. Quelques hommes vinrent se présenter à la demeure du Duc de Montrose, des hommes laids, des hommes vieux ou endettés. Emilia tenta désespérément de lancer quelques regards implorants à son parrain de faire cesser tout cela et de clore cette journée, mais il resta silencieux, forcé de suivre le protocole. Comment diable se mettre à dos ces messieurs titrés alors même que la coutume voulait que les éventuels prétendants viennent se présenter le lendemain du bal. Elle soupira, fit semblant de sourire, retint quelques hauts le coeur lorsqu’il fut question de mariage et d’enfants. Jamais ! Elle vivante, jamais un de ces hommes ne poserait la main sur elle ! Qu’ils soient riches et polis, cela l’importait peu. La jeune femme contempla alors son oiseau venu d’Ecosse, enfermé dans cette si belle cage, tout comme elle…
L’employé de maison vint à la porte du salon, annonçant un énième visiteur et la jeune femme sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle suffoquait. Lord Rutland, Marquis de Granby, vient solennellement se présenter à Lady Emilia.
Ses yeux s’écarquillèrent de surprise et elle se mit à fouiller dans son esprit. Lord Rutland, lord Rutland… Lorsqu’elle comprit, lorsqu’elle eut enfin l’esprit assez clair pour mettre un visage sur ce nom, elle se sentit plus légère. Non pas qu’elle connaisse ni apprécie cet homme, mais celui-ci avait au moins le mérite d’être jeune et fort séduisant. Des qualités rares en ce jour..
Elle se leva de son siège dans lequel elle s'était imaginé prendre racines et disciplina sa chevelure. Naturellement timide envers les hommes de cette ville, à cause de ce contexte dégradant qui entourait sa personne, elle adressa au Marquis une gracieuse révérence.
Lord Rutland, je suis enchantée.
Elle releva les yeux, profitant quelques instants de la délicatesse de ses traits. Pas de ride, pas de dents en moins...
Les quelques secondes qui séparent le moment où je suis présenté et celui où la jeune femme m'apparaît me paraissent une éternité. C'est Mère qui m'a dit de venir me présenter mais j'avoue ne pas réellement savoir quoi faire ensuite. Elle m'a prévenu que d'autres hommes viendraient sans doute : la Lady me suivra-t-elle au risque de manquer des prétendants ?
Je vois enfin pointer, au milieu de l'encadrement de porte, la jeune femme croisée hier au Bal. Enfin, la jeune femme, l'une d'entre elles. Evidemment le Bal grouillait de jeunes femmes. Je relève la tête, savourant la beauté de cet instant. Eh, si nous nous marions, nous aurons au moins une belle rencontre à raconter à nos enfants.
Mais ce n'est pas le but de ma visite, évidemment. J'en attends plutôt que Mère voie mes efforts et décide de ne plus me surveiller autant qu'elle le fait à toutes les Saisons. J'espère bien trouver un terrain d'entente avec Lady Emilia sur ce point, pour que nous puissions tous deux profiter de notre Saison comme nous le souhaitons. Si nous réussissons à berner nos parents, c'est le bonheur assuré pour les quelques mois qui arrivent.
Milady, vous me voyez ravi de vous trouver en votre demeure.
Bon. Vient le moment de l'inviter à passer la journée avec moi. Je ne sais pas quelle est cette angoisse qui point. Aurais-je peur du refus ? Ou aurais-je peur qu'elle accepte ? C'est Emiland qui me sort de mes réflexions lorsqu'il change de jambe d'appui.
Pourrais-je, Milady, vous inviter ainsi que votre dame de confiance pour une balade sur la Tamise, ou attendez-vous d'autres prétendants en cette journée symbolique ?
En fait, je l'avoue, je n'ai pas très envie de rester sous le toit de son oncle. Je sais qu'il s'agissait d'une possibilité, et d'ailleurs les représentants des Débutantes semblent préférer cela afin d'avoir un œil sur les jeunes gens. En ce qui me concerne, je préfère prendre l'air, m'imprégner de l'odeur de la Tamise et des couleurs offertes par la nature à cette saison.
J'imagine d'ailleurs que la jeune femme, dans sa robe bleu ciel, ressortirait parfaitement sur les magnolias roses et blancs, sur les fleurs de wistéria violettes, sur les tulipes jaunes et oranges. Mes yeux croisent les siens et je vois déjà le paysage que je pourrais peindre, même si je n'arriverais jamais à rendre justice à la couleur de ses perles bleu-vert. Couleur Tamise.
Une issue de secours, voilà tout ce dont la jeune débutante avait besoin, pour se sortir de ce drôle de défilé qui commençait à lui donner la nausée. Sans attendre l’accord de personne, elle lança un regard incisif à son cher parrain pour étouffer la moindre envie de refus de sa part. S’en était trop, elle avait fait de son mieux et s’était pliée aux règles sans trop bougonner, pour le moment !
Avec plaisir Lord Manners, la météo est à notre avantage, je vous propose que nous ne perdions pas une minute de plus. Sophie, préparez quelques affaires, nous sortons !Lança t-elle, sûre d’elle, à sa chaperonne.
Les employés de maison se lançèrent à tour de rôle des regards inquiets. Était-ce convenable de renvoyer chez eux les futurs candidats ? Le Duc de Montrose s’y opposerait-il ? Le silence fut roi et il n’y eut aucune opposition, Lord Graham se resigna sans protester. Après tout, le Marquis de Granby était un prétendant intéressant, à la fortune moyenne, mais sans dette, en âge de fournir une ribambelle d'enfants à sa future épouse, rien sur le papier ne faisait de lui un homme à éviter. Plus agitée que l’ensemble des membres de la pièce, la jolie brune fit des pieds et des mains pour activer les choses afin de quitter en vitesse les murs de cette pièce. Après une brève révérence à son parrain, sans même oser se confronter à son regard, elle s'éclipsa jusqu’à la sortie, suivie de près par sa chaperonne quelque peu déboussolée.
A peine eut-elle passé la porte d’entrée, qu’elle inspira à pleins poumons l’air extérieur et ferma les yeux un instant pour savourer la douceur des rayons de soleil sur sa peau blanche. Enfin, l’oiseau en cage pouvait voler. Après un bref instant de quiétude, Emilia finit par se rappeler que cette sortie en pleine air ne se ferait pas seule et que sa mission n’était pas totalement finie. Elle devrait faire la conversation, encore, à un parfait inconnu. L’idée n’était pas des plus séduisantes, mais c’était bien la meilleure option qui s’offrait à elle. L’attelage posté devant la demeure Graham mena les 4 compères jusqu’au parc où se trouvait de jolies embarcations permettant de naviguer sur la Tamise sous un beau soleil. Emilia, silencieuse et timide pendant tout le trajet, trouva enfin la force de parler à nouveau.
Lord Manners, quelle excellente idée vous avez eu. Je crains n’avoir aucune compétence pour diriger ces drôles de bateaux. Je m’en remets donc pleinement à vous pour ne pas finir à l’eau.
Bien que cela serait fort amusant, pensa t-elle, avec son âme d’enfant.
Le parc était rempli de beau monde à cette heure-ci de l’après-midi, au moment où le soleil était moins agressif, presque orangé. Emilia déglutit, consciente que bien des regards se poseraient sur ses épaules, le genre de regards pleins de jugements qui pourraient sans mal faire fuir son unique visiteur intéressant.
Je dois bien admettre que votre visite est des plus surprenantes. Nous n’avons pourtant pas eu l’occasion de discuter ensemble.
La demoiselle accepte mon invitation et je lui souris tandis qu'elle retourne à l'intérieur de la bâtisse. Je réfléchis à entamer la conversation avec Lord Graham, son protecteur, mais me résigne à ne pas le faire. Si je sais parler aux femmes, enfin paraît-il, je suis beaucoup moins à l'aise avec leurs parents.
La jeune femme reparaît, suivie de Sophie, apparemment, salue son parrain et sort rapidement. A mon tour je salue le Duc d'une révérence et me détourne. L'homme doit se poser mille questions quant à notre capacité, à nous les plus jeunes, à tordre les règles et à les modeler à notre convenance. Il est vrai que c'est plus qu'inhabituel de proposer une sortie dès le lendemain du Bal mais il faut prendre les choses en main pour être crédible.
Lady Emilia ne souhaite pas parler pendant le trajet, et je ne lui en tiens pas rigueur. Je ne sais combien d'hommes sont venus à sa rencontre aujourd'hui. Tous, comme moi, avec une idée derrière la tête. Sauf que dans mon plan, nous trouverons tous les deux notre compte, pas comme ces vieux nobles qui ne souhaitent qu'un ventre et ne sont là que parce qu'ils pensent être les seuls, au su de la réputation de la jeune femme.
Arrivés sur les bords de la Tamise, Emiland retourne au comptoir et le jeune homme qui le tient lui désigne une embarcation. Je sors de la calèche et tends mon bras à Sophie puis à Lady Emilia afin qu'elles descendent à leur tour. Je laisse échapper un rire lorsque la jeune femme m'avoue ne pas savoir manœuvrer.
Milady, Emiland sera notre capitaine. N'ayez crainte cependant, il s'agit surtout de profiter du soleil et du calme.
Je tends mon bras à la jeune femme et commence à m'avancer dans le parc. Cette journée a inspiré d'autres que moi, de toute évidence. Malgré le monde présent, le parc reste calme et agréable. Je vois certains dévisager ma cavalière et cela m'attriste pour elle. Je n'imagine pas la vie qu'elle peut mener, ainsi jugée par ses pairs.
Ma venue n'est pas anodine, bien sûr, Milady. La Duchesse de Lennox a cru bienvenue de parler de vous à Mère qui m'a proposé cette entrevue.
Nous arrivons à l'embarcation et nous aidons les femmes à monter et à s'installer. Emiland me transmet un panier dans lequel j'ai fait mettre boissons et collations, que je pose près de Sophie avant d'entrer à mon tour. Une fois tous les quatre sur la barque, mon page commence à ramer.
Nos deux familles gagneraient à une union, d'après nos parents. Avez-vous confiance en Sophie, Milady ?
Evidemment, le choix d'une barque sur la Tamise n'est pas irréfléchi. Si Lady Emilia a toute confiance en sa dame de compagnie, je pourrai lui parler des raisons qui m'ont poussé à venir la courtiser ce jour. Sinon je devrais passer par un moyen détourné.
Hum.. les mères… ne sont-elles jamais fatiguées par toutes ces manigances ? Quoi qu’il en soit, cette promenade au grand air est de loin la meilleure chose qui me soit arrivée aujourd’hui. Je vous remercie pour cette charmante invitation, j'imagine que vous n'êtes pas dupe et que vous avez rencontré mes prétendants du jour. Un choix de qualité, vous en conviendrez.. Dit-elle, amer, un poil impolie vis à vis de ces hommes.
Enfin, elle respirait. Enfin, elle n’était plus obligée de retenir ses hauts le cœur ni d’écouter les projets peu séduisants de ses vieillards en quête d’un ventre. Contrairement à de nombreuses jeunes femmes, Emilia n’était plus une demoiselle ignorante des relations charnelles entre un mari et son épouse. Elle en avait appris bien trop, bien trop vite, lorsque les rumeurs à son propos étaient parvenues à passer le portail du domaine familial. La simple idée que l’un de ces hommes puisse un jour poser la main sur elle, lui donnait envie de vomir !
Vous pouvez parler. Je ne suis pas certaine de bien vous comprendre, Lord Manners. Dit-elle en regardant sa chaperonne avec un regard complice. Malgré une rencontre encore récente entre les deux femmes, le feeling avait été immédiat et Emilia préférait de loin s’en faire une amie plutôt qu’une ennemie. Elle n’avait aucunement l’envie d’être habillée comme un animal de foire par vengeance, ni d’entendre ses petits secrets se propager à nouveau comme une traînée de poudre.
Sa curiosité piquée à vif, la jolie Lady tenta de monter dans l’embarcation avec élégance malgré l’instabilité de celle-ci. Elle s’installa confortablement sur le banc prévu à cet effet, recouvert d’un tissu moelleux pour adoucir les angles. Une activité fort plaisante pour cet enfant de la campagne. Son visage s’illumina instantanément tant elle se réjouissait de voguer sur l’eau. De quoi parlions-nous ? Ah ! Vous me parliez de nos familles. J’imagine que votre mère cessera de vous embêtez, maintenant que vous avez fait l’effort d’une invitation.
En vérité, c’était même assez étrange. Peu de mères se risquaient encore à envoyer leurs fils compter fleurette à la brunette. Son regard clair se posa dans celui de son cavalier du jour, le front légèrement plissé, songeuse, dans l’attente de plus d’explications.
Je ne peux réprimer un rire lorsque la jeune femme me parle des manigances. Je connais très bien cela, et je mets ma main à couper que malgré sa réputation, sa mère ne se lassera pas d'essayer de lui trouver un mari, fut-ce l'un de ces horribles hommes que j'ai vu quitter son domicile ce jour.
Veuillez me pardonner de vous l'apprendre ainsi, mais les mères ne souhaitent que nous marier, et la vôtre plus que la mienne je crois.
Sa réponse à ma question sur sa dame de compagnie me convient tout à fait. Une fois que nous sommes assez éloignés du bord du fleuve, la jeune femme me parle de ma propre mère. Je pense qu'elle l'a cernée rapidement, même sans la connaître. Bien entendu, ma mère n'est pas autrement que les autres mères, et notamment que les autres Duchesses, qui souhaitent trouver un bon parti pour leur progéniture, pour qu'elle fasse à son tour des enfants et reproduise le schéma.
Vous ne pouvez pas avoir plus raison, Milady. Vous imaginez bien qu'à mon âge, ce n'est pas la première saison pour laquelle Mère manigance avec d'autres pour essayer de me marier au meilleur parti possible. Et une fille de Duc, bien sûr, ce serait conserver mon titre et le doubler.
M'en voilà enfin au point le plus important de la balade. Nous pourrons ensuite profiter de l'air frais et de l'endroit. Je pourrai m'imprégner de la couleur de sa peau et de ses cheveux sous le soleil, au milieu de l'eau, et en faire une aquarelle, une gouache pourquoi pas.
Vous vous demandez sans doute ce qui peut pousser une mère à envoyer son fils courtiser une femme qui a votre réputation, la réponse est qu'elle n'en a ouï dire. Moi oui. Je ne vous demande, Milady, en aucune façon de confirmer ou d'infirmer ces rumeurs. Je suis de ceux qui préfèrent la vie privée, eh bien, privée.
Maintenant que j'ai posé les bases, me voici devant elle, vulnérable, en espérant ne l'avoir pas froissée.
Je vous propose une sorte d'arrangement, puisque nos mère en sont friandes : faisons illusion de la cour. Laissez-moi vous courtiser pour la saison, je serai votre excuse pour sortir de chez votre parrain et respirer. Vous serez la mienne pour que Mère cesse, comme vous le dîtes, de m'embêter. Vous pourrez vous confier à moi, je pourrai vous apprendre les quelques ficelles de la société que je connais. Je vous emmènerai où vous le souhaitez : opéra, théâtre, balade à cheval, parc et autres restaurants.
Je prends une inspiration et me permets un sourire aux deux femmes ainsi qu'à Emiland qui, bien entendu, savait déjà tout cela.
Tout se passera comme si je vous courtisais. Nous quatre seuls saurions.
J'ouvre le panier et fais signe aux femmes de se servir parmi les mini-sandwiches et autres scones.
Bien entendu, je vous laisse le temps de la réflexion. Profitons de ce beau temps et laissons nos soucis sur la berge. Je reviendrai dans deux jours chez votre parrain et vous me donnerez votre réponse : si vous venez avec moi j'en conclus que cet arrangement vous sied, sinon je ne viendrai plus et ne parlerai de cette conversation à personne.
Sans voix, Emilia resta bouche-bée devant la proposition du charmant célibataire à ses côtés. Comment diable pouvait-il penser duper le monde de cette façon ? Elle l’écouta sans dire un mot afin de le laisser détailler son offre dans son intégralité, croisant parfois le regard incrédule de sa chaperonne. D’abord choquée par une telle proposition, son intérêt se fit plus fort au fil des mots, car en y réfléchissant bien, l’idée n’était peut-être pas si folle.
Reprendre sa liberté et ne point avoir à forcer le sourire en compagnie de parfaits inconnus ? Ainsi pourrait-elle même jouer avec le feu afin de prendre un peu d’âge et obtenir le droit de finir vieille fille, sans l’ombre d’un mariage et si cela ne fonctionnait pas, il était de notoriété public que plus une femme semblait désirée, plus d’hommes il y avait à ses pieds. Lord Manners pourrait être la solution à ses problèmes, en lui faisant faussement la cour, lui aurait la paix et elle, une réputation neuve.
Que se passerait-il si cela venait à se savoir ? Oser duper la noblesse de cette façon serait un acte impardonnable, vous vous en doutez. Vous et moi tomberions en disgrâce et mes chances de redorer mon nom seraient totalement anéanties.
Ce n’était pas un refus, au contraire, plutôt un plan d’attaque.
Comment pourrais-je vous faire confiance, alors que je ne vous connais que depuis une heure à peine ? Lord Manners, vous êtes un homme plein de surprises.
C’était peu dire.. Deux jours, voilà le temps dont elle disposait pour réfléchir sagement à la proposition. Avoir une alliance avec cet homme lui offrirait de nombreux avantages, plus elle y réfléchissait et plus cela lui sautait aux yeux.
Vous devrez être présent à toutes les soirées entre homme, afin de m’éviter une erreur tragique et par cela j'entends, un époux infidèle ou au bras leste, j’imagine que l’alcool aide les hommes à se confier leurs plus vils péchés, n’est-ce pas ? Il faudra me réserver une danse à chaque bal, je ne voudrais pas que l’on croit que votre intérêt pour ma personne n’est que passager. Cela ne ferait qu’aggraver les choses. Enfin, un point particulièrement important, vous devez entendre ma voix et accorder à mes mots une confiance absolue lorsque j'affirme que les rumeurs à mon sujet sont fausses. Peut importe que cela vous soit égal, c'est important. Ca l'est pour moi.
Elle marqua une courte pause, consciente qu’en imposant ses règles, elle venait de signer un pacte dangereux.
Concernant votre Mère, ne vous en faites pas, je sais être absolument charmante lorsque les raisons l’imposent.
Parfaite actrice, la jolie Fitzroy était certe, difficile à dompter, mais savait user et abuser de sa beauté ainsi que de son titre lorsque cela en valait la peine.
Ses paroles me font comprendre une chose : mon offre est considérée par la jeune femme. Il s'agit bien entendu du premier pas, pour tous les deux. Je l'écoute attentivement lorsqu'elle me fait part de ses craintes, si les choses venaient à se savoir.
Je ne peux pas dire que je n'ai pas réfléchi à cette éventualité. Je n'ai pour le moment aucune solution à apporter à Lady Fitzroy. Ce qu'elle souligne est vrai : au moindre doute, au vu de nos réputations respectives, nous serions des parias. Nos familles seraient déshonorées par ce subterfuge et ils tomberaient avec nous, là où notre objectif est bien tout l'inverse.
Je ne peux qu'acquiescer à vos dires, Milady. Vous avez raison, si cela se sait, nos deux noms seraient traînés dans la boue, et celui de nos familles à leurs côtés. Je pense que c'est la raison pour laquelle, malgré notre rencontre récente, nous pouvons nous faire mutuellement confiance. Il n'est dans l'intérêt ni de l'un, ni de l'autre, de dénoncer ce mensonge.
Je ne sais que lui dire de plus pour la convaincre. La décision lui revient à présent tout à fait. Je verse deux tasses de thé et les propose à ces dames, alors que je prends connaissance des conditions posées par la jeune femme.
A nouveau, cela me confirme que je n'ai pas mal évalué la situation, et que j'ai eu raison de proposer à cette femme et pas une autre ce petit arrangement.
J'assisterai à ces soirées et vous ferai un compte-rendu détaillé des hommes auxquels ne pas vous fier par le futur. Vous réserver une danse est la moindre des choses et, si je puis me permettre, c'est également un avantage pour moi dans cet arrangement. Danser avec une aussi jolie femme est évidemment plaisant.
Je l'écoute encore lorsqu'elle me parle de ces rumeurs. Je lui ai dit que cela ne m'importait pas, que cela ne me regardait pas. Mais elle semble être attachée au fait que je la croie. Me voilà donc hochant la tête, une tasse tendue vers Emiland, sérieux.
Milady, marquez mes mots : je vous crois.
Après ce moment plein de solennité, sa remarque concernant Mère me fait sourire.
Eh bien, je l'espère. Mère peut être - particulière. Mais votre titre, votre sourire, et sa discussion avec votre mère ont sans doute déjà conquis son cœur.
Je finis par me servir une tasse et tremper mes lèvres dans le thé chaud. Un soupir de contentement passe mes lèvres et je me sens bien.
Profitons, maintenant. Cette journée est belle, la température est parfaite.
Un arrangement tombé du ciel. Emilia s’était d’abord montrée réticente face à une telle idée ! Se moquer ainsi de la haute noblesse de Londres était un pari risqué, mais c’était également une agréable façon d’avoir la paix et de ne pas avoir à jouer la comédie des heures entières. En soit, Richard Manners deviendrait un refuge, un homme vers qui se tourner lorsqu’elle en aurait assez des conversations futiles avec d’autres.
Ses joues se mirent à rougir, lorsqu’il lui adressa de charmants compliments. Etait-ce là le début du stratagème ? De jolies phrases faites pour être entendues plus tard et convaincre les foules de cette affinité soudaine ? Sans doute. Emilia reprit donc ses esprits, flattée, malgré tout.
Vous savez parler aux femmes, Mylord. Vos paroles me plaisent, toutes vos paroles.
Leur projet, ses compliments, cette façon dont il avait affirmé la croire sans détourner le regard. Emilia était un peu naïve parfois, mais Lord Manners lui semblait être un homme digne de confiance.
Lord Manners, se jouer ainsi des gens ne sera pas chose aisée. Il me faut connaître quelques anecdotes à votre sujet ou être en mesure de nommer certaines de vos passions. Les plus curieux ne manqueront pas de nous questionner, certains se réjouiront de cette rencontre et ne seront pas à craindre, d'autres en revanche, pourraient s’avérer plus méfiants.
Calme, se délectant de la beauté du paysage et de cette agréable journée, Emilia contemplait l’homme qui était désormais son allié avec une lueur nouvelle dans le regard ; la malice. Il ne lui imposait pas d’être une autre, ne lui faisait pas passer un entretien d’embauche avec des questions préparées, et n’attendait rien d’elle si ce n’est quelques sourires charmeurs envers sa mère. Une formalité pour une si jolie Lady.
Vous devez impérativement savoir que je suis une excellente cavalière. Voilà la seule occupation plaisante qui se trouve dans cette interminable liste. J’aime également le piano, même si je ne suis pas aussi douée que l'aimerais mes chers parents. Lire, de préférence dehors, au pied d’un arbre ou sur un banc paisible.
Elle leva les yeux au ciel pour chercher d’autres informations à son sujet.
Je déteste la broderie et réaliser des compositions florales. Par pitié, glisser l’information à votre Mère afin qu’elle n’organise pas de réunion de ce genre. Dit-elle en riant.
Elle avait bien des secrets à préserver, bien des choses à cacher, y comprit à Edouard Manners. Emilia n’était pas arrivée sur Londres chez son parrain uniquement dans le but de trouver un époux, mais aussi pour trouver un cadre, de l’autorité. La jeune Lady était un électron libre depuis son plus jeune âge. Elle avait cette faculté de duper l’assemblée à coup de grands sourires et de belles révérences, mais une fois la porte du domaine de Lennox clause, c’était une jeune femme rebelle, en conflit avec les règles qui étaient les siennes et sans cesse en fugue pour toucher du bout des doigts cette liberté qu’elle aimait tant…
Lord Manners était à l’évidence un homme charmant, et elle ne lui causerait pas de tort. Ainsi, elle préféra finir son monologue sur une note favorable.
Je n’ai pas eu le plaisir de découvrir Londres avant que la Saison ne commence. Tout est allé si vite. J’ai entendu dire que le Marché aux fleurs était une promenade plaisante. J’aimerais le découvrir à vos côtés.
Hum, les deux sournois étaient plutôt convaincants !
MADE BY @ICE AND FIRE.
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