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Les Chroniques de Londres
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Into each life some rain must fall. (Alistair)

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Message() / Mer 16 Nov - 20:42
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@Alistair Graham & Cordelia Blooming
Into each life some rain must fall.


Ces dernières semaines s’étaient écoulées à une vitesse folle et alors que la saison s’achevait venait le temps des préparatifs, invitations pour les mois à venir, et derniers adieux. La maison où résidaient les Blooming était en effervescence, déjà on organisait les divers bagages et paquets afin de retourner dans le Lake District sous quelques jours. Un retour à la maison qui ne serait pas sans tristesse, rendant plus cruelle encore l’absence de Tora. Mais on pouvait espérer une agréable distraction puisque la famille avait été invitée par Lady Berkeley dans le Gloucestershire, dans le but inavoué mais certain qu’un heureux événement en découlerait. Il serait terriblement agaçant de voir Juliet ainsi triomphante, mais Cordelia accueillait néanmoins la perspective du changement d’air avec le plus grand soulagement.

Alors qu’elle était occupée à ranger ses affaires, voilà qu’on lui apporta une note venant d’une librairie londonienne où elle avait l’habitude de se rendre. Elle découvrit avec surprise qu’un traité d’arithmétique français qu’elle avait commandé plusieurs semaines auparavant était arrivé à destination et prêt à être récupéré. Elle avait passé cette commande peu de temps avant la mort de sa mère et l’avait complètement oubliée. Dire qu’à l’époque elle y tenait tant, jusqu’à avoir fait croire à son père qu’elle avait besoin d’argent pour de nouveaux jupons et chemises. Elle se précipita pour se changer et profita que leur camériste ait besoin de sortir faire une course dans le même secteur pour l’y accompagner.

Elle la quitta pour entrer dans la librairie, réalisant qu’elle n’y avait plus mis les pieds depuis trop longtemps. Le désordre du lieu, les odeurs de cuir et de vieux papiers, tout lui inspirait le réconfort. Elle récupéra sa commande, ressentant de nouveau cette joie de l’avoir entre les mains. Son français était certes bon, mais la technicité du sujet lui demanderait de nombreuses heures de traduction et elle se réjouissait de pouvoir s’y consacrer pleinement dans quelques jours. Puis, elle se mit à feuilleter quelques ouvrages au hasard et tomba sur un recueil de poèmes de William Wordsworth. Elle qui avait longtemps dénigré cet art littéraire avait commencé à s’y intéresser en fouillant dans les livres que possédait sa mère. Sans qu’elle sache pourquoi, les mots bouleversaient en elle quelque chose qu’elle ne parvenait à définir. Elle tomba sur ce vers qui la frappa en plein coeur: « I wandered lonely as a cloud ». Elle referma le volume d’un coup sec et l’acheta également.


Mais voilà que le temps si radieux auparavant s’était assombri en l’espace d’une demi-heure et déjà elle pouvait sentir quelques gouttes s’écraser sur son chapeau et ses épaules. Resserrant le paquet autour d’elle, elle accéléra le pas, mais malheureusement elle n’aurait pu aller assez vite; la fine pluie devint averse, et une averse bientôt si dense qu’on y voyait à peine. Elle héla un cab, mais sans grand succès et alors qu’elle tentait de traverser la rue, manqua même de se faire renverser par un fiacre. C’est en se reculant vivement qu’elle glissa et tomba lourdement sur le trottoir mouillé.

« Seigneur, miss! Vous allez bien? Monsieur, venez m’aider! J’ai vu ce qu’il s’est passé, on a pas idée de conduire si vite par un temps pareil ! » Cordelia sentit deux paires de bras l’aider à se relever, une femme d’âge moyen à l’air un peu sévère, et l’homme que cette dernière avait interpellé. La jeune Blooming fut remise sur pied en quelques instants. Son corps était douloureux, ses mains écorchées et sa robe dans un état épouvantable, mais il lui semblait qu’elle en serait quitte pour quelques bleus. « Oui, je vous remercie. » L’homme les salua poliment et repartit de son côté aussi vite qu’il le pouvait sous cette pluie qui semblait n’en plus finir.

« Miss, vous ne devriez pas rester sous la pluie comme ça. Je travaille comme gouvernante et la maison de mon employeur n’est qu’à quelques mètres, vous pourrez rester au chaud au moins jusqu’à ce que ça s’arrête. » Cordelia contempla cette généreuse proposition. « Cela ne fâchera pas votre employeur que vous fassiez entrer une inconnue chez lui ? » Elle laissa échapper un petit rire. « Oh, je pense qu’il serait plus fâché encore si je laissais une demoiselle seule sous cette pluie. Allons venez. » En vérité la jeune femme était si désespérée en cet instant qu’elle aurait pu accepter n’importe quelle proposition. Elle se laissa donc soutenir par le bras et conduire à travers des rues qu’elle distinguait à peine entre les gouttes d’eau, puis elles passèrent la porte d’une demeure londonienne qu’elle distinguait encore moins.

A peine la porte passée elle se sentit déjà mieux, mais complètement frigorifiée, si bien qu’elle eut à peine le temps d’admirer les lieux. Qui que soit le maître de la demeure, sa fortune était évidente. La gouvernante la conduisit jusqu’à un salon, probablement celui où étaient reçus les visiteurs. « Installez vous près du feu, je vais prévenir Lord Graham et aller faire chercher de quoi vous réchauffer. » Cordelia se redressa d’un coup. « Vous avez dit Lord Graham? » Mais elle n’aurait jamais confirmation, car l’employée avait déjà quitté la pièce. La jeune femme soupira, incertaine de la conduite à adopter, ou même de la réaction qui serait celle du Marquis lorsqu’il la trouverait ainsi chez lui. Après la manière dont ils s’étaient quittés la dernière fois, elle n’était pas certaine des disposions qu’il aurait à son égard… Elle traina néanmoins son corps endolori jusqu’au fauteuil et posa le paquet contenant ses livres sur ses genoux en espérant qu’ils ne soient pas trop abîmés. Elle entreprenait alors la difficile tâche de retirer ses gants à moitié déchirés pour libérer ses mains écorchées, lorsqu’on passa la porte.  
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Message() / Jeu 17 Nov - 9:31
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Into each life some rain must fall.


Le manoir londonien des Graham était une maison londonienne, tout ce qu’il y avait de plus classique, si ce n’était bien sûr pour sa taille et le nombre de pièces, ainsi que la qualité des matériaux et le luxe de son intérieur. A l’image des plus belles maisons du quartier, car elle ne dénotait pas ni n’essayait de se faire particulièrement remarquer dans ce lieu où toutes les grandes familles résidaient. Elle en faisait partie, ni plus, ni moins. Depuis le milieu du mois, elle avait sérieusement gagné en habitants et en vie, alors que d’ordinaire n’y résidait que le Duc et quelques domestiques la plupart du temps. Le Marquis était revenu avec ses deux enfants, ainsi que - à l’image de son cousin - deux de ses chiens, de quoi rendre fou les serviteurs en créatures qui courent partout dans les couloirs (et souvent ensemble).

Aujourd’hui, l’ambiance était plutôt calme néanmoins. Alistair se trouvait dans son bureau, ne portant pas de veste par dessus sa chemise, plongé dans les livres de comptes, il y notait les dernières dépenses et les entrées, consciencieusement, ses chiens couchés à ses pieds. Alors que le Duc lisait le journal et fumait la pipe dans son fauteuil juste en face. Les filles, elles, étaient avec leur précepteur, en pleine leçon dans une pièce dédiée. Lorsque le ciel craqua et que les flots se répandirent sur le toit de la demeure, le Marquis leva le nez de ses comptes.

« Duncan avait vu juste, ce n’était pas le jour pour emmener les filles au parc. » En réponse, il ne reçut qu’un râle d’un vieil homme endormi, alors il se tourna vers sa chienne qui le regardait avec tout l’amour qu’un chien porte à son maître. « Tu as raison, Duncan ne se trompe jamais sur le temps. Il a rarement tort d’ailleurs. » Elle, au moins, fit un petit aboiement qui contenta son interlocuteur. Alistair sourit et replongea dans son ouvrage.

Un peu plus tard, il entendit que Mrs Montgomery était rentrée, ce qui tombait bien car les deux petites tornades ne tarderaient pas à montrer signe d’impatience. Toutefois, il décela une certaine agitation qui n’était point habituelle, pourtant il choisit de l’ignorer et de poursuivre avec la facture suivante. Sans surprise, le Majordome frappa à la porte et en termina de le déranger dans cette activité qu’il n’appréciait que peu. Les chiffres n’avaient jamais été son fort.

« Entrez, Duncan. »
« Mylord, Mrs Montgomery a recueilli une demoiselle piégée par la pluie, et seule. Elle… Elle ne m'a pas donné son nom. » Le Marquis arqua un sourcil, car voilà qu’il était bien étrange que son majordome oublie un détail aussi important. Peut-être était-ce un signe que cette maisonnée n’avait pas reçu de nouveaux invités depuis trop longtemps pour que son majordome soit ainsi rouillé. Il ne fit pas la remarque, car l’homme d’âge mûr et aux sourcils broussailleux était bien assez gêné par cette grossière erreur pour qu’il n’en rajoute.

« Et bien. Accueillons-la comme il se doit. Faites préparer le thé, je vous prie. Pensez-vous que l'averse va cesser dans les heures à venir ? »
« Non, Mylord. »
« Alors faites préparer les chevaux et la voiture. Nous n’allons pas accueillir cette jeune personne pour la rendre ensuite à la pluie. »
« Bien, Mylord. »

Le majordome s’exécuta, et le Marquis se leva, aussitôt suivi par ses deux chiennes. En passant, il retira la pipe du bec de son père et la posa sur la petite table d’appoint. Puis il referma le bureau derrière lui afin que personne ne dérange le Duc et il descendit jusqu’au salon des invités, non sans croiser quelques serviteurs bien agités. Toute la maisonnée s’était mise en branle, et cette vie soudaine n’était pas pour lui déplaire. Alors qu’il répondait à leurs salutations, ses chiennes s’échappèrent en direction du salon, vraisemblablement pour souhaiter la bienvenue à leur invitée.

« Selkie, Rona ! » L’appel fut vain, car elles avaient déjà passé la porte. Alistair pressa le pas pour rejoindre ce salon et ordonner à ses deux chiennes d’aller se coucher plus loin, mais dès qu’il passa le seuil de la porte, il fut surpris et coupé dans son élan par la vision de la jeune femme, pas n’importe quelle jeune femme.

« Miss Cordélia ! » Elle était assise, tremblante et recroquevillée, quelques mèches de cheveux mouillés collant à la peau de son visage. Elle retirait ses gants. Une vision bien peu chaste, mais l’état de ses mains n’échappa pas au Marquis qui avait mieux à faire que de s’offusquer pour si peu. « Vous êtes trempée ! Et blessée ! Et seule ! » D’abord inquiet, le ton du Marquis se fit paternaliste malgré lui sur sa dernière exclamation. C’est qu’il n’aimait pas voir une jeune femme se mettre ainsi en danger, et qu’il n’aimait pas que la bienséance ne soit pas respectée à la lettre. Il avait par ailleurs cette tendance paternaliste fortement agaçante avec toutes les jeunes femmes, débutantes ou futures débutantes, qui lui semblaient si jeunes qu’elles pourraient être ses filles… Il peinait à voir des femmes et de potentielles épouses en elles, ce qui devait être foncièrement déplaisant pour ces demoiselles.
Et puis une grosse langue grise commença à s'acharner sur les mains de la demoiselle alors qu’une autre tête reniflait le paquet sur ses genoux et que leurs queues poilues tapaient tour à tour le fauteuil et la table basse. Le Marquis claqua des doigts puis pointa l’autre côté de la pièce et les chiennes s’exécutèrent, allant se coucher sur un tapis un peu plus loin, avec cette mine triste qu’elle maîtrisait si bien, comme si elles étaient terriblement brimées et malheureuses.

« Veuillez excuser mes chiennes, elles sont très amicales. » Plus amicales que leur maître, pour sûr. Pendant ce temps, la porte était restée ouverte bien évidemment et le Marquis n’avait d’ailleurs pas beaucoup avancé dans la pièce, interloqué qu’il était, et puis Mrs Montgomery refit son apparition, apportant avec elle un linge pour la jeune femme.

« Voilà, mademoiselle, pour vous aider à vous réchauffer dans un premier temps. J’entends que vous connaissez le Marquis. »
Alistair fit une mine contrite, même s’il savait que sa gouvernante essayait de mettre la demoiselle à l’aise, il savait que cela n’aiderait pas. Elle avait entrevu son mauvais caractère, alors qu’elle n’avait rien fait pour mériter autre chose que son amitié et il s’en voulait toujours d’avoir afficher tant de colère et de froideur. Il n’avait cessé d’y penser alors qu’il avait traversé son pays, et avait alors laissé un peu sortir ses émotions refoulées. Mrs Montgomery entourait la jeune femme du linge, tout en constatant à quel point elle était mouillée : tant sa jupe, là où elle était tombée que ce que la pluie avait pu détremper. Un linge ne suffirait pas, le Marquis l’avait tout de suite constaté par lui-même.

« Vous allez attraper la mort si vous restez dans cette robe, Miss. » La gouvernante se tourna vers le Marquis et celui-ci hocha la tête. Il n’y avait que deux solutions : la première, trouver une robe de domestique qui irait à la jeune femme, ce qui était hors de question. Il ne restait donc que la deuxième solution qui consistait à fouiller dans les affaires restant de feu son épouse. De sa mère, il ne restait rien ici et la corpulence de sa femme correspondait mieux. Ce n’était pas quelque chose d’aisé à accepter pour Alistair, mais il ne voyait pas de meilleure solution et il refusait catégoriquement de la laisser dans une robe trempée et abîmée. C'était donc acté.

« Nous ne pourrions nous résoudre à vous laisser prendre un tel risque. Mrs Montgomery, veuillez conduire Miss Cordélia dans la chambre de la Marquise et l’aider à trouver une robe qui lui sied. Vous pouvez laisser votre paquet ici, Miss, vous le trouverez à votre retour. »

Il les laissa partir puis fit sonner ses domestiques pour démarrer un feu dans le grand salon, car celui des invités n’avait pas de cheminée. Le Marquis se saisit du paquet de livres et l’emporta avec lui là où il attendrait la jeune femme. Il constata alors que le papier était mouillé lui aussi et il se permit de l’enlever afin de protéger les ouvrages, non sans avoir la curiosité de regarder ce dont il s’agissait - il n’avait pas pu s’en empêcher, même s’il était difficile de ne pas voir une fois le paquet ouvert. Pendant que lui-même attendait, assis sur un large canapé, jambes croisées et caressant la tête de Selkie, les domestiques vinrent à ses ordres ré-emballer les livres dans un papier propre et sec et avaient fait préparer de quoi nettoyer ses blessures.

La chambre qu'occupait sa femme était juste à côté du bureau où les filles prenaient leur leçon, et il fallait passer devant pour s'y rendre, alors que la porte était certainement entre-ouverte.

Il ne pouvait s’empêcher de songer à quel point le hasard était étrange et jouait avec leur vie alors qu’il attendait, troublé et inquiet. Le thé ne serait servi qu’une fois la demoiselle revenue. Et bien sûr, une domestique resterait dans la pièce pour chaperonner la jeune femme.

Il se lèverait à son retour, probablement en rougissant de gène.
 
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Message() / Ven 18 Nov - 12:37
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@Alistair Graham & Cordelia Blooming
Into each life some rain must fall.


Elle était trop frigorifiée pour prendre le temps d’admirer les lieux, mais leur élégance et leur richesse (sans être pour autant ostentatoire) ne lui échappa pas. Surtout quand les flammes venant de la cheminée commencèrent à doucement la réchauffer et lui faire recouvrer quelques sensations dans les doigts. Elle eut alors le loisir de s’inquiéter de se trouver ainsi chez Lord Graham sans y avoir été préalablement invitée. Certes, ce n’était en rien sa faute, mais elle avait la sensation d’être particulièrement intrusive, d’autant plus après s’être immiscée dans sa vie privée comme elle l’avait fait en lui dévoilant le contenu des rumeurs qui couraient à son sujet.

Mais lorsque la porte s’ouvrit, ce ne fut pas le Marquis qu’elle aperçut, mais deux chiennes qui se précipitèrent dans la pièce. Cette vision eut pour effet d’illuminer le visage de la jeune femme comme rarement, alors que les deux animaux refusaient d’obéir à leur maître. Puis, ce fut lui qui entra et la reconnut bien sûr immédiatement. Malgré son état déplorable, elle reprit son paquet entre ses mains et se leva aussi vivement qu’un diable sortirait de sa boite, tout en s’inclinant respectueusement. « Lord Graham. » Elle n’eut cependant pas le temps de lui offrir de plus distinguées salutations, car il s’exclama de façon alarmée sur son état, qui devait être bien triste en effet. Cependant, elle ne cacha pas son agacement face à sa dernière remarque, faite d’un ton paternaliste qui eut le don de l’exaspérer. Elle avait déjà un père et c’était largement suffisant. « Voilà qui est en effet impardonnable de ma part. » Ironisa-t-elle, avant de se rasseoir. Il est vrai qu’elle avait manqué aux convenances en décidant de rentrer seule, et si elle avait respecté cette règle à la lettre durant ses premières semaines à Londres, elle en avait vite eu assez de toujours avoir quelqu’un sur ses talons et s’était montrée de plus en plus laxiste à ce sujet, tout en faisant attention à être bien sûre chaperonnée lorsque cela était nécessaire.

« Je vous remercie de votre sollicitude, mais je vous assure que s’alarmer ainsi n’est pas nécessaire. Je suis adulte et parfaitement capable de me déplacer seule. Il s’agit seulement de pluie et d’égratignures suite à une chute idiote. Rien de bien grave. » Elle avait tenu à conserver un ton aimable, mais néanmoins ferme qui n’aurait souffert aucune opposition. Pourtant son sérieux fut quelque peu ébranlé lorsqu’une sensation de chatouille la prit par surprise et ne put que la faire rire. Elle baissa les yeux sur ses mains qui avaient été prises pour cibles par l’une des deux chiennes tandis que l’autre était particulièrement curieuse de connaitre le contenu de son paquet. Elle eut à peine de le temps de les flatter rapidement avant qu’elles ne soient rappelées à l’ordre. « Il n’y a pas de mal, je vous assure. »

Elle leva les yeux vers lui, constatant qu’il restait debout, relativement éloigné. Lui en voulait-il après ce qu’il s’était passé ? Elle s’était attendue à une certaine rancoeur sur le moment, mais avait espéré que celle-ci ne dure pas si longtemps. Elle se pencherait sur cette question plus tard, car voilà que la gouvernante qui l’avait si aimablement secourue entrait de nouveau dans la pièce. « En effet Madame, mais je crains de lui avoir laissé un bien mauvais souvenir car le Marquis a perdu aux courses par ma faute. » Elle esquissa un sourire amusé avant de la laisser placer un linge sur ses épaules. Tous cependant, y compris elle, purent constater que ce ne serait pas suffisant. Elle pouvait sentir l’humidité s’infiltrer par tous les pores de sa peau. Voilà qu’à présent on parlait de lui prêter une robe, qui plus est appartenant à la défunte Marquise. « Oh ne vous donnez pas tout ce mal, je ne suis jamais malade. » Elle perdit cependant toute crédibilité en étant prise d’éternuement à peine ces paroles prononcées.

Il ne lui restait donc plus qu’à obéir, les remerciant bien sûr tous deux de leur générosité. Elle suivit Mrs Montgomery qui la conduisit à l’étage de cette immense demeure qui ne pouvait qu’impressionner et confirmait une fois encore à Cordelia que le Marquis serait sans aucun doute l’un des partis les plus courus de la saison prochaine. Alors que les deux femmes passaient dans le couloir, la brune aperçut une porte entrouverte, où deux enfants visiblement fort curieuses s’étaient précipitées pour la regarder de leurs grands yeux. La gouvernante s’en aperçut et les rappela à l’ordre d’un air sévère avant de laisser Cordelia entrer dans la chambre de la Marquise.

La pièce était bien sûr aussi belle que le reste de la maison et parfaitement entretenue. Si elle n’avait pas su que Lady Graham n’était plus, elle se serait attendue à la voir entrer d’un instant à l’autre. Il était étrange de se trouver dans le lieu qui l’avait accueillie et elle se demanda si elle ressentirait la même chose lorsqu’elle rentrerait sur le domaine des Blooming, dans la chambre de sa mère. Celle de Londres lui était déjà insupportable à traverser.

Une des bonnes qui avait été appelée par Mrs Montgomery vint les rejoindre, une toute jeune fille aux joues roses et aux boucles blondes. « Sara, venez m’aider un peu. » On lui lava d’abord les mains avant d’y apposer un onguent pour favoriser la cicatrisation. Puis, on lui retira son spencer et son chapeau, et enfin sa robe qui avait subi de nombreux dégâts. Son corset et sa chemise avaient été plutôt épargnés, mais le jupon et les bas devraient être changés. Tandis que la bonne la frictionnait avec une serviette pour la sécher et la réchauffer, la gouvernante jaugeait le contenu de la garde-robe. « Vous êtes plutôt grande… mettez donc celle-ci. Milady songeait à la faire raccourcir, elle devrait vous aller. Et la couleur mettra en valeur vos yeux. » Elle sortit une robe d’une riche teinte brique. C’était de toute évidence une tenue de jour, mais d’un tel raffinement que Cordelia osait à peine la toucher de peur de l’abimer. Elle avait bien sûr toujours porté des vêtements de grande qualité, mais cette robe était d’une toute autre catégorie.

Après lui avoir passé les bas et noué le jupon autour de la taille, les deux femmes l’aidèrent à enfiler la robe. Celle-ci était légèrement tendue au niveau des épaules et de la poitrine, et encore trop courte de quelques centimètres, mais elle conviendrait parfaitement pour l’usage qu’elle en aurait. « Elle vous va très bien, miss. » Et c’était vrai, la couleur était parfaite et le tissu d’une grande douceur sur sa peau. Cordelia n’était cependant pas certaine d’être tout à fait à l’aise avec le fait de porter les vêtements d’une morte, mais qu’aurait-elle pu dire ? On lui prêta une paire de chaussures d’intérieur le temps que les siennes sèchent, et on plaça en dernier lieu un châle sur ses épaules pour la maintenir au chaud.

Restait à savoir que faire de ses cheveux. Le mieux eut été de les laisser détachés à l’air libre afin qu’ils sèchent plus rapidement, mais il était hors de question pour la jeune femme de se promener les cheveux lâchés en public, et encore moins devant un homme. Ils furent donc séchés autant que possible à l’aide de serviettes, puis tressés et relevés. Malgré tous leurs efforts il fut impossible de discipliner les mèches rebelles qui ne cessaient de frisotter autour de son crâne. Tant pis, cela irait très bien. On ajouta un peu de rouge sur ses joues et ses lèvres afin de lui donner meilleure mine, ce qu’elle accepta après avoir constater en se regardant dans le miroir qu’elle avait davantage l’air d’un fantôme que d’une jeune femme.

Durant tout ce temps, elle aurait pu jurer avoir vu deux paires d’yeux les observer à travers l’interstice de la porte. De même qu’elle aurait pu jurer avoir entendu rires étouffés et des petits pas courir en sens inverse lorsque Mrs Montgomery l’invita à redescendre en compagnie de Sara afin de rejoindre le Marquis.

En entrant de nouveau dans la pièce, elle n’en menait pas large, consciente de ce qu’elle portait, qui plus est dans une maison si impressionnante où elle n’avait pas été invitée. La première chose qu’elle remarqua fut le paquet contenant ses livres, qui avait été refait et cette vue la fit immédiatement pâlir. S’il avait vu ce qu’elle lisait, qu’allait-il penser d’elle ? Le répéterait-il ? Les poèmes étaient acceptables, le reste beaucoup moins. D’ordinaire elle l’aurait laissé penser qu’il s’agissait d’une lecture destinée à son père, mais elle avait laissé le bon de commande à son nom à l’intérieur (avec de la chance la pluie avait effacé l’encre). N’osant rien dire sur le sujet de peur de se trahir sans raison, elle resta debout et se contenta de politesses usuelles. « Je vous remercie une fois encore Milord. J’espère que ma présence ne vous incommode pas trop. »

Une nouvelle fois, elle entendit cette agitation provenant de l’extérieur de la pièce et esquissa un sourire amusé. « J’ai bien l’impression, Milord, que nous sommes observés. »   
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Message() / Sam 19 Nov - 23:16
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Alors qu’il attendait le retour de la jeune femme, le Marquis eut bien le temps de méditer, puisque leurs robes étaient toujours si longue à enlever et à mettre, et il n’osait imaginer ce que cela donnait lorsque le tissu était trempé. Et il avait bien des choses à penser. Outre le fait d’avoir recueilli une jeune femme seule et si loin des siens, sans protecteur, ni chaperon, si vulnérable, et à la fois si… Entêtée ? Elle avait cette attitude un peu étrange. Il n’était pas idiot au point de ne pas entendre ses sarcasmes, mais il ne pouvait pas dire qu’il comprenait, ce qui ne le confortait pas dans son idée qu’il ne comprenait décidément rien aux femmes. Bien qu’il avait aussi tendance à la traiter davantage comme une gamine que comme une femme. Et puis cette jeune fille était présentement en train d’enfiler une robe qui appartenait à sa défunte épouse, ce qui était étrange à admettre, même s’il ne doutait pas qu’il ne reconnaîtrait jamais la robe en question s’il n’avait point été au courant... Cela aurait aidé si le Duc n’avait pas appelé la jeune femme par le nom de sa femme, ce simple fait avait créé une volonté de comparaison dont il ne voulait et qu’il s’efforçait de ne pas nourrir… Mais elle allait être dans une de ses robes désormais.

Le Marquis se rassura en songeant que si Maud avait été là, il se serait passé exactement la même chose. Il était hors de question de la laisser attraper la mort, et hors de question de faire enfiler une tenue de bonne à une jeune fille de la haute société. Il n’y avait aucune autre possibilité, et si ces robes pouvaient servir à aider autrui alors tant mieux. Il songerait à en faire don au plus vite, avec le reste des affaires de Lady Maud d'ailleurs.

Enfin, il y avait eu cette remarque accompagnée d’un sourire qui l’avait laissé bien dubitatif. Alors que la gouvernante avait renchéri dans le même sens, il n’était pas si sûr que cette taquinerie en était vraiment une. Certes il s’était mis en colère, s’était montré froid et sec, haussant légèrement le ton, mais il n’avait pas été irrespectueux pour autant, et cela n’avait duré que quelques minutes. Avait-elle une si piètre opinion de lui juste à cause d’émotions qui ne lui étaient pas destinés ? (Du moins en majorité, et là avait été son erreur.) Une petite part de lui se disait que si elle le jugeait pour si peu, elle ne méritait pas qu’il perde son temps quand l’autre voulait comprendre et se demandait si elle le pensait vraiment. A cause de Mrs Montgomery, il s’en était tenu à un sourire crispé, mais il n’avait oublié aucun des mots qu’elle avait prononcés.


Après un long moment à ressasser chaque mot, dans l’attente et par ennui, la demoiselle réapparut enfin et Alistair se leva et la salua à nouveau. Comme il l’avait imaginé, il ne reconnaissait pas cette robe, mais la demoiselle la portait très bien et sa gouvernante l’avait même recoiffée. Au final, il était heureux de constater qu’il ne voyait pas en elle un fantôme de sa femme, juste cette récente rencontre dont il appréciait la compagnie même si ça ne semblait pas réciproque, une jeune femme de caractère et au regard perçant. Selkie sortie de sa sieste pour venir quémander quelques caresses à la jeune femme et cette fois son maître ne dit rien, puisqu’elle avait semblé apprécier la première fois.

« Cette robe vous va très bien. » Fit-il le plus neutralement possible, chassant cette gêne qui n’avait pas lieu d’être. Et à nouveau, elle fit ce sous-entendu comme quoi il n’aimait pas sa compagnie, ce qui commençait sérieusement à l’agacer, bien qu’il ne le montrait pas - hormis son air bougon habituel. Il reprit place dans le canapé. « Je n’ai fait que mon devoir. » Il lui sourit, de façon un peu forcée, mais pas dénuée de sincérité. Il hésita à lui rappeler qu’il lui avait déjà expliqué que si quelque chose le dérangeait, il ne manquait jamais de prétextes pour s’éclipser mais il opta finalement pour une réponse plus en accord avec la façon dont Miss Cordélia lui répondait parfois. « Vous m’avez sorti de mon livre de compte, je ne suis pas certain de pouvoir vous le pardonner. Priez que je ne commette pas d’erreur en m’y replongeant. » Le Marquis était pince-sans-rire et ne rit pas lui-même, néanmoins ses yeux riaient pour le reste de son visage et ne trompaient personne. L’allusion à l’un des livres du paquet n’était même pas voulu, car il y avait à peine fait attention, même s’il avait bien que l’un d’eux parlaient d’arithmétique.

Et puis son visage s’illumina lorsqu’elle mentionna les enfants qui avaient semble-t-il suivi la demoiselle jusque là. Ce qu’il avait craint aussi, mais de ce qu’il entendait lui aussi, elles avaient plutôt l’air de s’en amuser plutôt que de s’offusquer. Cette robe ne devait simplement pas leur parler, et c’était tant mieux. Amusé, le Marquis se leva et s’approcha de la porte.

« Miss Deirdre, Miss Ceana, veuillez venir ici et montrer à notre invitée que vos leçons portent leur fruit. » Aucune réponse, ni réaction ne survint, alors il passa la tête dans l'entrebâillement de la porte pour les regarder avec une certaine fermeté. La plus jeune des deux et rouquine prit la main de son père et s’avança pour faire une petite révérence, une main sous le nez, alors que l’aînée, qui était le portrait craché de sa mère, mit plus de temps à présenter sa moue bougonne. Ce fut fugace et sans révérence, car Deirdre fit rapidement demi-tour pour s’enfuir en direction des escaliers, très vite suivie par sa sœur puis par Rona, la chienne et enfin les rappels à l’ordre de leur gouvernante. Alistair fit une petite moue, soupira, puis reprit place. Ce n’étaient que des gamines…

Un autre ballet les remplaça, celui du thé arrivant à leurs destinataires, accompagné de quelques biscuits. Un silence s’installa alors que le Marquis ne savait par quel sujet aborder en premier parmi la multitude qu’il avait identifier en l’attendant. Il y avait à dire, et certains pouvaient mettre le feu au poudre, sans aucun doute, d’où son hésitation.

« J’ai fait le détour par le Lake District en remontant en Ecosse. Les paysages sont en effet magnifiques, fit-il finalement, de façon assez pragmatique et alors que le silence devenait gênant, mais sans jamais affirmer qu’ils pouvaient concurrencer sa chère écosse. Il marqua une nouvelle pause et puis reprit encore plus sérieusement. Lorsque vous serez réchauffée et prête à rentrer, ma voiture vous attend pour vous ramener chez vous, Miss. Je ne voudrais pas que vous vous sentiez obligée de me tenir compagnie… Vous êtes libre de rentrer chez vous ou de rester aussi longtemps qu’il vous siéra. Simplement, je ne vous laisserais pas partir seule, ni à pied. »

Quand bien même il y aurait une éclaircie, le temps anglais savait honorer sa réputation et l’averse tantôt disparue pouvait revenir très rapidement.

 
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Message() / Lun 21 Nov - 17:01
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@Alistair Graham & Cordelia Blooming
Into each life some rain must fall.


Elle n’était pas tout à fait certaine de la conduite à adopter alors qu’elle avait été accueillie mais sans être invitée, et surtout sans savoir quelle était la disposition du Marquis à son égard. Il était pour le moins difficile à déchiffrer, plus que bien d’autres en tout cas. « C’est une très belle robe. » répondit-elle, de manière toute aussi neutre. Elle hésita à complimenter le bon goût de feue la Marquise, mais jugea que ce serait peut-être trop délicat. La perte était après tout très récente, trop sans doute pour évoquer ainsi une épouse et mère qui manquait très certainement à tous ici.

Son devoir. Elle le connaissait bien peu, mais avait pu entrevoir cette facette de son caractère, cette propension à vouloir agir selon ce qui lui semblait être juste. C’était là une qualité qu’elle respectait profondément, mais qui pouvait sous-entendre bien des choses, et pas forcément en sa faveur à elle. Ce n’est que lorsqu’il fit preuve de sarcasme (un langage qu’elle pratiquait et comprenait) qu’elle sourit, amusée, et se sentit plus détendue. « Je prierai bien sûr, je ne me pardonnerai jamais d’être à l’origine d’une erreur comptable. » répondit-elle avec un air faussement sérieux mais les yeux brillants. Elle choisit l’un des fauteuil sur lequel s’installer afin de se trouver face à Lord Graham mais assez proche de la cheminée pour profiter des bienfaits des flammes. Une douce chaleur l’envahissait, la réconfortant peu à peu après cet épouvantable froid humide. Elle resserra le châle autour de ses épaules.

Si elle devait être franche, Cordelia était aussi curieuse qu’inquiète de rencontrer les filles du Marquis. Elle n’était jamais certaine de la manière dont elle devait se comporter devant des enfants, et il faut dire que la plupart de ceux qu’elle avait rencontrés au cours de son existences étaient d’affreux garnements mal élevés qui ne pensaient qu’à tourmenter les animaux qui avaient le malheur de croiser leur route et jouer mille mauvais tours à leur gouvernante. Elle n’en regarda pas moins avec un sourire l’adorable rouquine faire une révérence et la plus grande, brune, se présenter avec un visage renfrogné qui l’amusa d’autant plus. Elle aurait presque pu croire se voir elle-même au même âge. Elle les salua également et un instant plus tard, elles avaient filé aussi vite qu’elles étaient venues. « Elles sont adorables. Elles vous ressemblent beaucoup. »

La seconde chienne posa sa tête sur les genoux de Cordelia, en quête de caresses que la jeune femme lui offrit très volontiers. Elle accueillit l’arrivée du thé avec un immense soulagement, pouvant se réchauffer d’autant plus à l’aide de la boisson fumante. Elle se rendait bien compte qu’un silence s’était installé et n’était pas certaine de comment le briser. Habituellement elle savait toujours quoi dire, mais à sa décharge il lui était difficile de se sentir totalement à l’aise dans la robe qu’elle portait. Elle ignorait si c’était parce que le vêtement avait appartenu à la défunte maîtresse des lieux (pourtant elle n’avait jamais été superstitieuse), ou bien si cela était dû au fait qu’elle privilégiait davantage de simplicité dans ses toilettes, mais elle avait bien du mal à s’empêcher de se tenir encore plus raide que d’habitude sur le dossier de son fauteuil.

Ce fut lui qui en premier brisa ce silence et elle devait bien admettre qu’elle ne s’était guère attendue à ce qu’il soit allé jusqu’au Lake District. Elle n’eut guère le temps de lui répondre puisqu’il continua, et cette fois-ci elle haussa les sourcils, surprise par le sous-entendu. Elle pensait pourtant avoir dit clairement lors de leur dernière rencontre qu’il lui était sympathique et qu’elle serait attristée que tout rapport cesse entre eux. Visiblement il lui fallait redire les choses. « Je vous remercie une fois de plus Milord, et croyez bien que je ne me sens obligée de rien du tout. »

Elle but quelques gorgées de sa tasse avec délice et la déposa sur sa soucoupe avant de poursuivre. « Je crois qu’une discussion sérieuse s’impose désormais. Je comprends qu’il vous est difficile d’admettre que les paysages du Lake District sont supérieurs aux terres Ecossaises, mais je vous assure que vous pouvez le dire à haute voix sans crainte. » Elle esquissa un sourire malicieux avant de porter de nouveau sa tasse à ses lèvres.

 
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Message() / Mer 23 Nov - 14:27
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Elles vous ressemblent beaucoup.
La demoiselle n’avait pas idée de la portée de ses mots, ou peut-être que si, ce qui jeta une légère ombre dans le regard du Marquis alors qu’il la remerciait d’un léger geste de menton et d’un sourire tendre. Parce qu’il repensa à ces rumeurs… La plupart peignait un portrait déplorable de sa personne, mais il redoutait toujours qu’il ose faire circuler des horreurs sur son aînée, ce qui serait le comble de l’ignominie. Son investigation ne l’avait d’ailleurs pas avancé à grand chose, il en avait trouvé la source mais peinait à le localiser, à moins de se rendre dans des lieux et des soirées dont il préférait ignorer l'existence. Et puis il avait promis à Maud de ne pas le provoquer en duel, soit de ne pas le tuer et il savait que la simple vision de cet homme pouvait le mettre hors de lui, alors autant ne pas se mettre dans une telle situation.
Bref, pour le moment il n’avait entendu que du mal sur lui-même et acceptait de vivre avec, en espérant que cela se taise et c’était aussi ce qu’on lui avait conseillé, mais le fait que la jeune femme parle de leur ressemblance le comblait comme elle le faisait douter… Avait-elle entendu quelque chose sur Deirdre ? Ceci étant, elle avait entendu qu’il avait tué et battu sa femme, et pourtant elle était là, à ne pas y accorder la moindre importance et avait eu le courage de lui en parler. Il ne ferait pas deux fois la même erreur et décida de laisser ce sujet de côté.

Néanmoins, il n’arrivait pas à se dire qu’il pouvait être considéré comme agréable pour une jeune femme, et les sous-entendus et les sarcasmes de Cordélia Blooming ne l’aidaient pas à avoir confiance en lui. Car le futur Duc n’avait aucune confiance en lui lorsqu’il s’agissait de la gente féminine, et pour cause, il pensait avoir fait de son mieux avec sa femme, ce qui était loin d’être le cas au final. Et en plus, elle en avait aimé un autre, avant même de lui laisser sa chance, et un homme qu’il trouvait pathétique, lâche et abject. Alors forcément, son égo en avait pris un coup.

Et puis il n’était qu’un homme qui avait besoin d’entendre les choses de vives voix pour les assimiler, et un homme plein de craintes.

« Bien. Très bien. »

Il bu alors lui aussi une gorgée de son thé et manqua de s’étouffer avec la boisson encore trop chaude qu’il reposa aussitôt. Elle lui fit peur avec la façon dont elle lança le sujet, puis il fut si surpris par son affirmation qu’il éclata de rire, timidement d’abord puis un peu plus franchement. Cela restait un rire d’écossais réservé et surtout d’homme bien éduqué.

« Vous êtes… Il ne pouvait pas nier qu’il appréciait tout ce qu’il avait pu voir d’elle. Elle ne manquait jamais de le surprendre, et de la meilleure façon. Une jeune femme qui avait de l’esprit, peut-être trop pour certains. S’il n’était pas très progressiste, il n’était pas complètement réactionnaire et ne voyait aucun mal à ce qu’une femme fasse preuve d’éloquence ou d’autres talents. Et en même temps, il était persuadé que ce livre d’arithmétique ne pouvait être que pour son père. Il ne savait pas finir sa phrase en tout cas.
Comme je l’ai dit, Mademoiselle, les paysages du Lake District sont magnifiques. Mais l’Ecosse est… magique. Vous viendrez voir par vous-même, je l’espère, et si vous restez convaincue que le Lake District est plus beau, alors je m’avouerais vaincu, fit-il sur un ton faussement ferme, mais visiblement amusé. »

Une promesse est une promesse, en tous les cas, pour le Marquis.

« Je l'avouerai même publiquement si vous y tenez. » Alistair la regardait dans les yeux, et oui, c’était un défi, mais un défi qu’il était tellement certain de gagner qu’il n’était pas inquiet le moins du monde et qu’il ne cillait pas. « Je compte sur votre honnêteté, évidemment. » Et en cela, il n’était pas inquiet, même si elle était aussi fière que lui, elle lui avait prouvé sa franchise.

En outre, l’idée d’inviter la famille Blooming à venir sur ses terres en automne se concrétisait dans son esprit, mais pour cela fallait-il encore qu’il rencontre Jonathan Blooming. Le changement de sujet fut donc tout naturel.

« Je n’ai pas encore eu l’honneur de rencontrer Sir Jonathan Blooming. Un notaire réputé de ce que j’ai entendu, et féru d’arithmétique ? Est-il présent aujourd’hui ? »

Alistair était curieux, quand même, et ce livre lui trottait dans la tête… Le recueil de poèmes, moins, il n’avait jamais été un grand amateur de poésie et ça ne s’était guère arrangé avec les années.

 
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Message() / Ven 25 Nov - 17:15
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@Alistair Graham & Cordelia Blooming
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Ce que sa remarque sur les filles du Marquis avait déclenché, elle n’en avait pas la moindre idée, pensant ses mots tout à fait spontanés et innocents. Le peu qu’elle avait entendu, elle le lui avait déjà dit. Et quant au reste, elle l’ignorait totalement. Elle espérait néanmoins l’avoir cette fois assuré de manière bien plus claire qu’elle appréciait sa compagnie. Et ce n’étaient pas là des paroles qui traversaient souvent ses lèvres. Il sembla le manifester en tout cas, et elle en fut soulagée. Si elle n’éprouvait que peu d’intérêt pour la plupart des individus qu’elle rencontrait, elle n’appréciait guère contrarier ou peiner ceux qu’à l’inverse elle estimait. Elle ne savait cependant que trop bien à quel point elle pouvait sembler froide et indifférente, et elle avait beau essayer de l’atténuer en sa présence, elle n’était pas certaine de bien y arriver.

Elle pouvait cependant se flatter d’avoir réussi à pleinement détendre d’atmosphère. Il avait un rire communicatif par lequel elle se laissa gagner, elle qui riait trop peu souvent, surtout ces derniers temps. Il ne termina pas sa phrase (ce qui fut bien dommage pour sa curiosité), parlant de nouveau de ses terres d’origine. Elle avait déjà remarqué lors de leur première rencontre qu’il s’animait tout particulièrement lorsqu’il évoquait l’Ecosse. « Je ne suis pas certaine de croire en une quelconque forme de magie, mais je ferais la comparaison avec plaisir. » Elle se tut, ayant peur d’aller trop loin, ne sachant si elle devait y répondre ou non comme à une invitation. Elle ne voulait être trop présomptueuse, et ce n’était pas à elle de décider ce genre de choses.

Elle esquissa un sourire amusé, les yeux brillants devant le défi qu’il lui lançait et surtout l’enjeu qui s’y rapportait. « Voilà qui est intéressant… » Elle avala tranquillement une gorgée de son thé, faisant mine d’être en pleine réflexion. « C’est d’accord. Et je vous promets de faire preuve d’honnêteté, bien que je déteste perdre. » Elle sourit de nouveau et reposa la tasse sur sa soucoupe. Elle se sentait bien mieux à présent et commençait même à avoir un peu plus chaud. Elle reposa sa tasse sur la table basse et fit glisser le châle plus bas sur ses épaules.

A la mention de son père, et surtout de sa prétendue passion pour l’arithmétique, elle se trouva de nouveau embarrassée. Et soulagée également, qu’il n’ait vu la carte à son nom à l’intérieur du livre. Bien évidemment qu’il ne pouvait que penser que le précieux volume n’était pas le sien. Dissimulant son trouble, elle joignit les mains sur ses genoux. « Il passe la journée à son club, mais il devrait être de retour sous peu. Il serait certainement ravi de pouvoir remercier de vive voix l’homme qui a secouru sa fille en pleine averse. » Il serait plus que ravi même, d’accueillir un Marquis et futur Duc. Sans doute penserait-il immédiatement qu’il ferait un parfait parti pour Juliet, comme toujours.

Elle pourrait ne rien dire pour le reste. C’était même le plus facile. Mais d’un coup, elle eut la vision de Lord Graham mentionnant à Sir Jonathan sa passion pour l’arithmétique. Et si jamais c’était un intérêt que le premier partageait, la supercherie serait très vite découverte. Elle soupira, avant de se confesser d’une traite. « Mon père n’est pas féru d’arithmétique, mais moi si, entre autres choses. C’est mon livre. » Elle pointa du menton le paquet minutieusement refait, presque d’un air de défi. Elle se tut quelques instants avant de reprendre, d’une voix plus calme. « Allez vous le lui dire ? » Elle se serait damnée plutôt que s’abaisser à lui demander de mentir pour elle, mais elle préférait le savoir et anticiper les dommages.

Particulièrement nerveuse, elle commença machinalement à gratter les écorchures de ses paumes. Inutile de dire qu’elle se sentait sérieusement humiliée en cet instant, obligée de rendre des comptes et de cacher la vérité comme une enfant au père dont elle dépendait encore (ce qu’elle détestait par-dessus tout). Du peu qu’elle connaissait le Marquis, elle avait pu constater qu’il était attaché à la bienséance, ce qu’elle trouvait dans l’ensemble louable mais qui jouait particulièrement en sa défaveur à présent. Et elle ignorait quel serait son avis sur la question, s’il désapprouverait ou non. Peut-être même qu’il refuserait de la croire, bien des hommes pensaient que l’intelligence féminine se limitait à la broderie et aux commérages.

 
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Message() / Sam 26 Nov - 8:49
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Voilà un bien drôle d’accord scellé entre les deux parties, mais à la dernière mention de la jeune femme, Alistair ne peut s’empêcher d’ajouter que lui aussi n’aime pas perdre, tout en lui souriant. Car il repense à la course de chevaux, et si dans ce cas, cela ne l’avait pas dérangé, ce n’était évidemment pas une généralité. Qui aime la défaite après tout ? Et s’il est généralement plutôt bon joueur, il peut dans certains cas se montrer mauvais perdant… Et cela pourrait être le cas dans ce cas précis d’ailleurs, car le sujet n’est peut-être pas aussi innocent qu’il y paraît. L’Ecosse est magnifique, ce n’est pas à prouver, mais elle est aussi dure pour les hommes et les femmes qui y vivent, et surprend bien des voyageurs, quitte à les en dégoûter. Il faut s’y sentir bien pour apprécier la beauté d’un lieu, et le Marquis aimerait savoir si les jeunes anglaises et galloises pourraient être capables de s’y faire.
Et c’est important.

Sans que ce ne soit voulu, Miss Cordélia n’imagine pas à quel point elle aide Alistair à se préparer pour la saison prochaine, sur bien des points et en particulier sur la confiance qu’elle lui apporte petit à petit, simplement en appréciant sa compagnie ou en riant avec lui. C’était exactement le genre de rencontre dont il avait besoin actuellement, et il ne la remerciera jamais assez pour son amitié.

« Dans ce cas, Mrs Montgomery devrait venir avec nous. » Ajoute-t-il humblement et aimablement, simplement pour rétablir la vérité. Il n’a pas fait grand-chose si ce n’est accorder les moyens de sa maison, ce dont elle ne manque pas.

L’écossais repose soudain sa tasse, quelque peu pris au dépourvu par la révélation qui suit. Il n’est pas choqué, simplement surpris, quoique de ce qu’il a vu de la jeune femme fait rapidement retomber l’étonnement. La question qui suit, par contre, le laisse interdit alors qu’il passe du paquet de livre à elle. « Je vois. » Il ne sait pas quoi dire, et lève les sourcils puis les fronce. Et il la voit se frotter ( gratter ?) les mains. Il l’observe dans cette attitude étrange. Aussitôt, il aurait envie de se rapprocher et de saisir délicatement son poignet pour l’empêcher de faire, comme un père avec son enfant ? Pas sûr, protecteur en tout cas. Mais cela sera inapproprié, et Il fait alors signe à la domestique de s’approcher et de venir l’aider. Il s’est quand même approché, prenant place sur le fauteuil à côté d’elle.

« Vos blessures vous font mal ? » Demande-t-il, visiblement inquiet. La domestique s’est agenouillée à côté de la jeune femme, tenant un mouchoir qu’elle a humidifié.
« Vous permettez, Miss ? »

« Est-ce pour cela que vous prenez autant de risques inutiles ? Pour cacher à votre père votre passion pour l’arithmétique ? Que craignez-vous exactement ? »

Si ce n’est évidemment pas ce qu’on attend d’une jeune femme, elle n’a pas commis un crime et il la juge largement assez accomplie pour se permettre d’avoir quelques passions autres si elle le souhaite. Il ne la comprend pas, ce qui n’est pas la première fois d’ailleurs, tant de choses chez elle lui échappent et éveillent sa curiosité. Néanmoins il essaye de se montrer doux et à l’écoute, ce qu’il n’a pas toujours été malheureusement…

« Je sais que je ne me suis pas toujours montré juste avec vous, Miss Cordélia, il y a des sujets sur lesquels il m’est difficile de garder mon sang-froid, mais cela n’avait rien à voir avec vous et je regrette amèrement ma réaction. Vous avez gagné toute mon estime, et j’ose espérer que vous vous sentez assez en confiance pour parler librement en ma présence. Et si ce n'est pas le cas, j'espère que vous me laisserez l'opportunité de vous le prouver. »

Il se détourne un instant vers la chienne couchée entre eux, et qui lève un œil vers elle puis vers lui. Ces animaux ont toujours un air si triste, pourtant elle bat de la queue, contente d’obtenir un peu d’attention, et relève la tête. Alors il tend le bras pour la caresser.

« Entre nous, je préfère savoir que vous remplissez votre esprit de problèmes mathématiques plutôt que de poèmes. » Cela aurait pu être dit avec humour, c’est pourtant parfaitement sincère. Un voile de tristesse recouvre son regard alors qu’il s’interdit de songer à certains souvenirs susceptibles de le mettre en colère. Alistair exècre la poésie, il la juge même dangereuse puisqu’elle met des rêveries dans la tête des jeunes gens, les rend vulnérables et trop susceptible de céder à leurs sentiments. Il en est l’opposé, lui qui n’y a jamais trop cédé, pour ce que cela lui a réussi… Il blâme le poète, il blâme la poésie, il blâme son épouse, il se blâme lui-même sans savoir qui a la plus grande responsabilité.

 
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Message() / Sam 26 Nov - 11:12
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@Alistair Graham & Cordelia Blooming
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Cordelia ne put qu’approuver cette suggestion à haute voix. Mrs Montgomery lui avait été d’un grand secours et elle comptait d’ailleurs s’enquérir plus tard de ce qui pourrait lui faire plaisir et le lui envoyer, avec ses remerciements. C’était bien la moindre des choses, après ce qu’il s’était passé.

Elle n’était en revanche pas certaine que son aveu était une bonne idée. Elle ne se rendit d’ailleurs compte que trop tard de ses gestes et posa immédiatement ses mains à plat sur ses genoux. Seigneur, elle était ridicule ! Elle accueillit non sans une certaine gêne l’aide de la domestique et se laissa faire lorsqu’elle apposa le tissu humide sur ses paumes. La fraîcheur lui fit le plus grand bien et elle se sentit une fois de plus idiote d’inquiéter tout le monde pour si peu. « Oh non, pas du tout, je vous assure. » Ce n’était pas totalement vrai, mais la sensation était très supportable et elle gageait que ses mains guériraient très vite.

Elle sut très vite qu’il ne comprenait pas, que son attitude lui semblait disproportionnée, et elle pouvait percevoir pourquoi, même si elle n’avait guère l’impression d’avoir pris de si grands risques, comme il le disait. « Il désapprouve fortement mes centres d’intérêts. » Comment lui expliquer ? Comment lui dire qu’elle n’avait jamais vu dans les yeux de son père qu’une amère déception (jusqu’à récemment), déception de constater chaque jour qu’elle était si différente de ses soeurs, de ce qu’il aurait attendue d’elle en tant que jeune fille bien éduquée ? C’est bien simple, elle ne le pouvait pas. Peu importait ce qu’elle pouvait éprouver, sa loyauté lui interdirait toujours de dénigrer les membres de sa famille et plus encore ses parents devant autrui. Elle aurait détesté que le Marquis ait une mauvaise image de Sir Jonathan, tout comme elle rechignait à causer du souci à ce dernier alors qu’il pleurait encore son épouse depuis ce tragique incendie. Elle esquissa un sourire, essayant de prendre un ton plus léger. « Il craint que ça me donne des idées. » Une phrase qu’il avait souvent eue. De quelles idées il s’agissait, elle ne l’avait elle-même jamais su.

Il était rassurant en un sens que Lord Graham ne comprenne pas. Elle songea que ses filles avaient cette chance et seraient sans doute bien plus heureuses et épanouies qu’elle ne l’avait été, malgré la perte tragique de leur mère. Elle n’était dans cette maison que depuis peu de temps, mais y sentait bien plus de chaleur que dans la sienne, où chacun semblait vivre son chagrin de son côté.

Elle fut surprise qu’il lui parle ensuite si franchement, mais agréablement et trouva légitime d’en faire de même en retour. « Je vous en prie Milord, votre réaction était tout à fait compréhensible et je ne vous ai jamais tenu rigueur, d’autant plus que je sais pouvoir manquer de tact. Je suis… naturellement méfiante je crois, mais je vous assure que cela n’est absolument pas contre vous. Je ne sais peut-être pas le montrer correctement, mais je vous fais confiance, et sachez que l’estime est partagée. »

Elle sourit avec plus de douceur qu’elle n’avait pu en montrer jusqu’à présent et baissa les yeux vers la chienne qui appréciait tant d’être flattée. Elle posa de nouveau son regard bleu sur le Marquis, quelque peu amusée et surprise de sa remarque. « Vraiment, vous désapprouvez la poésie ? » Elle balaya l’air d’un geste de la main. « En vérité j’ai longtemps partagé votre avis et c’est sans doute toujours le cas: je trouve la plupart des poèmes écrits de nos jours plats et d’une grande prétention. Des jolis mots bien agencés pour ne rien dire du tout. » Et s’il y avait bien quelque chose que la jeune Blooming désapprouvait, c’étaient les paroles creuses. « Mais récemment, je suis tombée sur un recueil que possédait ma mère et j’ai pu lire des poèmes qui arrivaient à exprimer ce que j’éprouvais sans le savoir, bien mieux que j’aurais pu le faire moi-même. » Elle laissa échapper un petit rire. « J’ignore si cela a du sens, mais ils ont réussi à toucher mon coeur de pierre. » ajouta-t-elle sur le ton de la plaisanterie (plaisanterie qui n’en était qu’à moitié une).

« Pardonnez ma curiosité, mais en quoi cela vous déplait-il ? » Elle souhaitait sincèrement connaître ses arguments, heureuse de discuter avec quelqu’un qui semblait la prendre au sérieux et sincèrement s’intéresser à ses opinions, bien loin qu’elle était de se douter que le sujet pouvait avoir une connotation si personnelle…

 
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Message() / Dim 27 Nov - 8:04
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« C’est dommage. »

Les sourcils légèrement froncés et le visage concerné, il ne chercha pourtant pas à insister car ce n’était pas sa place, ni sa nature. Si elle ne voulait pas s’étendre en explication, il n’allait pas lui forcer la main et si elle ne le faisait pas, c’est parce que cela ne le concernait pas. Au moins était-il rassuré que cela ne soit qu’un petit différend entre père et fille, à priori en tout cas.

« Des idées ? » Fit-il tout de même, purement rhétoriquement. Il ne voyait pas bien ce que les chiffres pouvaient donner comme idées qui soient peu louables pour un père de famille. Surtout qu’avec ce qu’elle lui donnait à voir, Miss Cordélia Blooming semblait avoir les idées tout à fait à la bonne place. Sans doute pourrait-il rassurer son père sur le sujet, subtilement, sans trahir la confiance de la jeune femme, car il n’avait eu nulle intention de lui parler de ses choix de lectures quoiqu’il en soit. Un peu abasourdi, il secoua la tête puis haussa les épaules, conscient qu’il n’en saurait pas plus pour le moment.

« Enfin, je n’ai nullement l’intention d’aborder ce genre de sujet avec Sir Blooming, soyez rassuré. »

Le Marquis se sentit alors le besoin de la mettre en confiance car il se savait un air si intransigeant, si ferme alors qu’il était capable d’écouter et de comprendre et qu’il était plutôt tolérant, dans une certaine limite. Il fut heureux d’entendre que l’estime fut réciproque, bien que le contraire l’aurait étonné. Et d’ailleurs il l’écouta défendre la poésie avec attention, quand bien même il n’en a qu’une très mauvaise opinion. Il se gratta la joue, puis se réinstalla au fond de son fauteuil, les jambes croisées.

« Les poètes mettent des mots sur ce que vous ressentez, là où vous n’y arrivez pas ? Je n'avais jamais vu les choses de cette façon, mais c'est... entendable. » Réagit-il, pensif. Évidemment, en exprimant une opinion aussi tranchée, il appelait à la curiosité de la jeune femme et ce fut à son tour de se retrouver embarrassé. Il ne savait pas vraiment quoi répondre, sans trop en dire, car il ne voulait pas mettre sur le tapis toute cette histoire tragique et personnelle. Pas encore en tout cas. Et en même temps… Il était partagé entre la pensée que c’était son fardeau à porter, et celle qu’il devrait pourtant le faire le jour où il considérerait une jeune femme comme une potentielle future épouse.

« Je ne crains pas l’aspect prétentieux et superficiel de la poésie… C’était un début. Il se gratta la gorge cette fois, du bout des doigts. Je l’ai toujours vu à l’inverse de ce que vous venez d’en dire, pour moi les poèmes font ressentir des sentiments néfastes et donnent de mauvaises idées. » Un rire nerveux s’échappa de ses lèvres alors que cela faisait écho à la discussion sur son père et qu’il comprit donc tout de suite l’avis de Sir Blooming.

« Ces poèmes parlent d’amour la plupart du temps, n’est-ce pas ? D’amours tragiques même... J’ai vu de mes propres yeux ce que cela peut faire sur un jeune cœur influençable… Je crois qu’ils vous donnent à rêver d’amour, alors que c’est un luxe dont nous ne pouvons nous permettre. Notre bonne naissance ne nous donne pas tous les privilèges, et pour faire notre devoir, nous ne pouvons céder à des sentiments qui causeraient trop de dégâts. Je ne sais pas si cela vous parait clair… Mais je crois que les poèmes peuvent effectivement nourrir des idées qui ne sont pas bonnes pour tout le monde. Peut-être que je prends le problème à l’envers, cependant, que c’est le sentiment amoureux qui est dangereux et non les poèmes qui ne font que mettre des mots dessus comme vous le dites si bien. Je ne saurais le dire moi-même, ni le comprendre, pour n’y avoir jamais cédé. »

Le Marquis s’était fait un peu pâle, mais au moins avait-il contourné le sujet avec brio tout en se trouvant juste et pertinent dans ses propos. Pourtant, cela ne lui semblait pas suffisant… Car comment justifier qu'il juge ce sentiment dangereux là où tout le monde affirme qu'il est magnifique sans en donner un exemple concret ? Et puis s'il veut connaître son avis sur la question, il se doit d'éclairer sa compréhension du pourquoi d'une opinion si tranchée. Un peu hésitant, il se décida finalement à en dire un peu plus, pesant chacun de ses mots avec attention.

« Trop nombreux sont les jeunes gens qui souhaitent connaître l’amour, alors que j’ai vu les ravages que cela peut causer… Jusqu’à vous ôter toute envie de vivre. » En avait-il trop dit maintenant ? Il espérait qu'elle ne ferait pas tout de suite le lien avec son épouse, même s'il la savait bien assez perspicace. Son regard bleu glacier transperçait celui de la demoiselle, son visage était dur alors que sa voix était douce et grave. Il n’arrivait pas à comprendre, alors que partout dans les lectures, dans les poèmes, dans les couples heureux qui se promènent au parc, on vante l’amour comme un sentiment puissant et bénéfique, comme un sentiment ultime. Lui n’en a vu que le pire et ne peut pas prétendre avoir aimé lui-même, encore moins souhaiter que cela lui arrive.

 
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Message() / Lun 28 Nov - 12:34
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@Alistair Graham & Cordelia Blooming
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Une fois de plus, elle eut l’occasion d’apprécier sa discrétion. Elle voyait bien à ses paroles, à l’expression de son visage, qu’il s’interrogeait mais pourtant il n’insista pas et elle en fut soulagée. Elle se contenta de hausser les épaules avec un sourire, bien que le sujet ne soit guère heureux pour elle. « Je vous remercie. » Elle sentit ses épaules libérées d’un poids en comprenant qu’elle éviterait un énième conflit avec son père, du moins pour le moment. Elle aurait détesté que cela se produise, surtout à présent qu’il semblait mieux disposé à son égard qu’il ne l’avait jamais été.

Elle était à présent plus détendue en constatant le tour que prenait la discussion. Elle parvint enfin à davantage reposer son dos sur le fauteuil qu’elle occupait, à oublier le raffinement de la robe qu’elle portait à présent. Elle acquiesça d’un signe de tête, heureuse qu’il ait compris où elle voulait en venir. Puis, elle l’écouta attentivement, son regard restant fixé sur lui, même au moment où elle reprit un peu de son thé. Elle trouvait sa perspective intéressante, jusqu’aux dernières paroles qu’il prononça. Il ne fallait pas être un génie de perspicacité pour réaliser alors que le sujet avait une consonance personnelle. Peut-être même très personnelle. Elle décida de ne pas l’interroger pour autant, c’était là bien trop intime pour deux êtres qui au fond se connaissaient encore trop peu. Elle lui laisserait le loisir de se confier s’il en ressentait l’envie.

« Cela va peut-être vous surprendre Milord, mais je suis dans l’ensemble parfaitement d’accord avec vous. Sur le sujet de l’amour, du moins. Je trouve ce sentiment tout aussi dangereux, en particulier sur les plus influençables. En tant que jeunes filles puis femmes, c’est comme si tout dans la littérature, la musique, les histoires que nous nous racontons, nous encourageait à y aspirer et pour autant rien ne pourrait être plus loin de la réalité. Peut-être que certains auront la chance de nouer de tels sentiments dans des conditions favorables, mais cela doit être bien rare. » Elle se tut un instant, souhaitant rassembler ses idées et en profita pour terminer sa tasse de thé. « Ces derniers temps j’ai pu avoir quelques conversations qui m’ont cependant faire réfléchir sur la question, moi qui étais pourtant bien décidée à ne pas laisser le sentimentalisme entrer dans l’équation. Et je serais curieuse d’avoir votre avis… »

Elle posa sa tasse et joignit de nouveau ses mains sur ses genoux. « Voyez-vous, je constate que tout ce dont on nous parle, c’est d’une sorte de passion irrépressible, voire même violente, qui emporterait tout sur son passage. Mais je me demande depuis, est-il seulement possible d’aimer, de réellement aimer quelqu’un qu’au fond on ne connait pas vraiment, ou si peu ? L’amour n’est-il pas plus profond, plus réel lorsque l’on connait par coeur une personne, jusqu‘à ses plus sombres défauts ? Lorsque l’on vit ensemble et partage les joies comme les épreuves ? Bien que je ne sois pas certaine qu’un tel sentiment puisse se développer de la sorte dans la vie conjugale. »

Pas de ce qu’elle en avait vu en tout cas, pas là où l’un dirigeait tandis que l’autre devait obéir. Peut-être en avait-elle une vision sombre au fur et à mesure que son tour approchait et elle ne savait que trop bien qu’elle devait s’y préparer. Après tout, elle avait toujours dû obéir à son père, ce ne serait peut-être guère différent. Mais il lui était difficile de concevoir qu’un sentiment tel que l’amour puisse naitre dans de telles circonstances, alors que chaque jour elle devrait abandonner des petites parts d’elle même, peut-être jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de consistant.

Elle sourit et secoua la tête. « Sans doute est-ce une conception quelque peu naïve de ma part. Je ne peut prétendre avoir une grande expérience en la matière. » Ou même une expérience tout court, elle qui avait été si peu accoutumée à côtoyer les hommes en général, les hommes célibataires plus encore. Il aurait très certainement un avis plus pointu sur la question, bien qu’elle ne s’attende certainement pas à ce qu’il s’épanche sur sa propre expérience conjugale, d’autant plus après le tragique décès de son épouse. Il avait pourtant dit n’avoir lui-même jamais éprouvé ce sentiment.

« Pour en revenir à la poésie, les poèmes traitant d’amour me sont plutôt indifférents, même s’il est vrai qu’ils sont nombreux. Mais certains explorent d’autres sentiments, d’autres expériences et certains m’ont touchée, allez savoir pourquoi. » Le deuil notamment, la perte, le chagrin, la douleur et la violence. Tout ce qu’elle ne parvenait pas à exprimer, qu’elle se refusait à laisser sortir, parce qu’elle n’était pas certaine de ce qui en ressortirait, persuadée que cela ne pourrait rien donner de bon. « Peut-être les aimerez vous davantage également. »  
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Message() / Mar 29 Nov - 11:50
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Lorsque la demoiselle commença à lui répondre, Alistair fut bien soulagé de la tournure que prit sa réponse et du ton neutre qu’elle gardait, ne lui posant pas plus de question personnelle. C’était juste parfait, et il se détendit, puis prit sa tasse tout en l’écoutant avec attention. Il y aurait bien mis du whisky plutôt que du thé vu le sujet de discussion mais il dû se contenter de finir sa boisson devenue tiède. Le whisky attendrait ce soir, seul ou en compagnie de son père, ainsi le voulaient les convenances. La conversation restait d’un ordre général et c’était mieux ainsi, même s’il était satisfait d’avoir évoqué ce qui alourdissait son cœur depuis trop longtemps, aussi parce que cela pouvait être utile en prévention, il n’était pas prêt à tout lui raconter. Et puis elle partageait son avis, alors il se sentait un peu moins vieux et rabat-joie. Il lui sourit doucement et sincèrement.

« Vraiment ? Il serait bien curieux de savoir quelles conversations avaient pu lui donner envie de s’ouvrir aux sentiments. Je ferai de mon mieux pour satisfaire votre curiosité. »

Lui aussi reposa sa tasse et alors la domestique vint les reremplir avant d’aller se rasseoir, sachant parfaitement se faire discrète. Mais le Marquis avait croisé les jambes, et, le coude sur l’accoudoir, il écoutait et regardait la jeune femme, ne s’intéressant guère à autre chose. Il était concentré sur ses paroles et le choix de ses mots et prit le temps d’y réfléchir dès qu’elle eut fini. Il n’était pas du genre bavard, d’ordinaire, et ce n’était pas non plus un sujet qu’il évoquait régulièrement, même s’il s’y retrouvait confronté actuellement et que cela le concernait autant qu’elle. Mais il eut à cœur de lui offrir une réponse complète et sérieuse, comme il voudrait pouvoir le faire dans une quinzaine d’années avec ses filles. Même si la comparaison avec ses filles commençaient à devenir gênantes. Enfin c’était un sujet important, et si elle lui faisait l’honneur de poser ces questions, il ne pouvait prendre cela à la légère, ni se montrer paresseux dans sa réponse.

« Ce n’est pas une conception naïve, plutôt pragmatique. L’amour est un sentiment complexe et il semble en effet prendre des formes différentes selon la personne qui le vit. Quoique pour certains, l’unique définition de l’amour soit cette forme fulgurante et passionnelle, capable de rendre fou. C’est difficile à comprendre lorsque l’on ne l’a pas vécu, mais pour en avoir été témoin à plusieurs reprises, il n’y a simplement pas d’explication rationnelle. Cela semble prendre deux êtres d’un simple regard et leur faire instantanément perdre toute clairvoyance, ou bien se développer très rapidement après quelques discussions, telle une attirance inexplicable… Nous en avons déjà évoqué les dangers, mais parfois, la chance fait que cela va jusqu’au mariage et que cela se passe bien… Ma plus jeune sœur a fait un tel mariage et je n’ai jamais vu deux jeunes gens aussi rayonnants le jour de leur mariage. Et puis, elle a quelque peu déchanté - il rit doucement - mais il semblerait qu’ils s’aiment toujours et avaient simplement besoin d’apprendre à vivre ensemble. J’insiste sur sa chance cependant, car tant de choses auraient pu mal tourner. L’homme était honnête, avait un titre et des richesses qui convenaient au Duc… »

Il fit une petite moue. Le garçon n’aurait pas convenu qu’ils auraient été forcés de les séparer, et il aurait fallu consoler cette sœur, puis lui trouver un époux plus convenable mais qu’elle n’aurait certainement jamais aimé. Bref, bien des tourments l’auraient attendu si cet amour n’avait pu être assouvi et il valait sans doute mieux ne pas connaître ça. Il se frotta la mâchoire avant de répondre.

« Pour répondre à votre question, je suis tout à fait persuadé qu’un tel sentiment peut naître dans la vie conjugale. Peut-être pas avec la même passion, mais voyez-vous, vous apprenez à connaître votre conjoint par cœur quoiqu’il arrive et si vous êtes honnête l’un envers l’autre, si vous discutez et faites l’effort de tolérer les défauts de l’autre et de travailler sur les vôtres… Alors tout est possible. Et puis il y a l'amitié, la tendresse, le respect et bien d'autres sentiments... Je crois que c'est ce tout qui s'harmonise et finit par devenir de l'amour, même si la quête est bien difficile.
Finalement, sur le long terme la problématique est la même que vous épousiez quelqu’un que vous aimiez ou non, car la vie conjugale est un travail de chaque instant. Et si vous y parvenez, alors oui, vous pourrez vous vanter de partager un amour profond et solide, là où la passion a vite fait de s’évaporer au moindre problème.
Pour ma part, mes jeunes années sont loin derrière moi et j’aspire à davantage de calme que de folie, néanmoins j’espère trouver une partenaire de confiance et peut-être connaître cet amour plus profond dont vous parlez si bien. Enfin, je ne peux que vous conseiller de prendre le temps d’apprendre à connaître vos prétendants. Ce n’est pas une tâche aisée, car tous ne seront pas sincères dans leur démarche, mais vous avez le temps Miss Cordélia, et vous êtes méfiante, ce qui est une bonne chose… Même s’il vaut mieux être prudent que méfiant.
Vous pourrez aussi compter sur moi pour démasquer les plus malhonnêtes.
»

A ces mots, le Marquis ressentit un léger pincement mais il n’en montra rien. Il reprit plutôt sa tasse et en but une gorgée pour se réhydrater après ce monologue, un brin pensif. Il avait fortement apprécié cet échange très pragmatique sur un sujet pourtant complexe, et alors qu’il allait se laisser dévorer par ses émotions, elle avait su le faire revenir à une certaine neutralité et il ne pouvait que l’en remercier et admirer cet aplomb dont elle faisait preuve quel que soit le sujet. Il ne faisait aucun doute qu’elle aurait de nombreux prétendants car il se saurait très rapidement combien sa compagnie est agréable, en plus d’être une belle femme, et il voyait sa situation comme un avantage pour elle : elle attirerait assez peu d’opportunistes.

Assez parlé d’amour et de mariage avant que cela ne devienne trop gênant cependant, la jeune femme en prit l’initiative et il la salua. Pouvait-il être touché lui aussi par de la poésie ? Revenir sur son avis très catégorique, et même colérique et personnel ? Quoiqu’il en soit, il était Marquis, fils d’un Duc et Lord, et sans en avoir le titre, il s’occupait déjà de toutes ses futures fonctions. Alors il n’avait guère le temps de partir à la recherche de poèmes dans on-ne-sait quel recueil, sans même savoir quoi chercher. Il avait peu de temps libre et à moins de les lui mettre sous les yeux, il était impensable qu’il se mette à la poésie. Quand bien même il était prêt à faire l’effort.

« Peut-être. Si vous me partagez les poèmes qui vous touchent le plus, alors je promets de mettre mes à priori de côté pour les découvrir. »

Et pourquoi pas maintenant ?


 
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Message() / Mer 30 Nov - 13:50
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@Alistair Graham & Cordelia Blooming
Into each life some rain must fall.


Il lui fit l’honneur de lui faire une vraie réponse, comme elle le lui avait demandé, ce qu’elle apprécia sincèrement. Tout comme lui, elle l’écouta à son tour attentivement, les mains jointes sur ses genoux, le regard fixé sur son visage tandis qu’il parlait. Et le contenu de son discours était pour le moins intéressant, en particulier alors qu’il témoignait avoir vu l’existence de cet amour passion. Elle se rappela alors le visage d’Adrian Mountbatten alors qu’elle était toute jeune fille et qu’il avait dans les yeux ce qui ressemblait très clairement à de l’adoration pour son aînée. Elle ne saurait probablement jamais si l’affection était retournée, mais quand bien même ce serait le cas, elle était à peu près persuadée que Juliet n’éprouvait pas cette passion en retour. Elle devait bien admettre être curieuse vis à vis de ce sentiment qui semblait si puissant, se demandant ce que cela faisait de l’éprouver, et plus encore de l’inspirer chez un autre. Mais elle préférait tout de même s’en tenir éloignée, elle avait pu voir à quel point l’ancien fiancé de sa soeur était aveuglé lorsqu’il parlait de cette dernière, lui dressant le portrait d’une Juliet qui n’existait que pour lui. Et puis, elle était au fond persuadée d’être immunisée, comme tant d’autres ne l’ayant jamais connu.

Elle écouta la suite avec tout autant d’attention et ne pouvait cacher que cela la faisait réfléchir. Plus elle en apprenait sur la vie conjugale et plus elle prenait conscience de l’ampleur de la chose, du travail qu’elle aurait à accomplir après le mariage. Et si elle était honnête, cela la décourageait d’avance. Peut-être serait-ce différent si elle parvenait à trouver un partenaire pour lequel elle éprouvait une réelle affection, une grande estime. Elle continuait cependant d’en douter.

Ce n’était pas la première fois qu’on lui conseillait de prendre le temps de connaitre ses prétendants, conseil qu’elle n’était pas certaine de pouvoir suivre: elle était déjà âgée et le serait plus encore à la prochaine saison. Et puis, elle était persuadée que mieux vaudrait pour elle ne pas trop hésiter si un bon parti venait à se présenter. « Je vous remercie pour votre offre, je ne suis pas certaine qu’elle sera nécessaire. Je suis lucide sur mes chances et il est fort probable que je doive épouser un homme choisi par mon père, ou par le futur fiancé de ma soeur. » Elle savait depuis bien longtemps qu’il n’en serait certainement pas autrement: elle ne venait d’une famille ni hautement titrée, ni fortunée. Elle n’avait pas de réelle beauté, ni un caractère plaisant (on le lui avait suffisamment répété). Lord Graham se rendrait bien vite compte, à la saison prochaine, qu’elle était loin d’être aussi agréable avec tout le monde et qu’il était l’exception plutôt que la règle. Et elle n’était pas certaine qu’il l’apprécie autant lorsqu’il constaterait à quel point elle pouvait être épouvantable.

Elle aurait bien évidemment souhaité lui poser davantage de questions sur la vie conjugale, à lui qui en avait l’expérience, mais avait bien conscience que c’était un terrain miné. A la place, elle décida de s’exprimer de manière plus générale. « Votre opinion est des plus intéressantes, et cela me donne à réfléchir. Je vous avoue éprouver certaines craintes malgré tout. Voyez-vous, on m’a toujours appris que mon devoir serait d’obéir à mon époux, et si je peux suivre les convenances et faire preuve de loyauté, j’ai bien peur d’avoir trop mauvais caractère pour accepter une telle chose sans finir par éprouver un profond ressentiment… » Elle sourit, consciente qu’il avait pu avoir un petit aperçu de ce fameux caractère lors de leur première rencontre. Il ne lui était pourtant pas facile d’en dévoiler autant, d’admettre avoir de telles craintes, mais elle était curieuse de l’avis qu’il aurait sur la question. Peut-être désapprouverait-il (il était un homme après tout), mais elle sentait qu’elle pouvait malgré tout l’évoquer.

Elle eut envie de lui demander également ce que lui attendait, mais préféra s’abstenir pour le moment, d’autant plus que par ses paroles il lui semblait lui en avoir donné un petit aperçu. La poésie était sans doute bien moins dangereuse, du moins le croyait-elle. Elle ne se voyait pas lui partager celle du recueil qu’elle venait d’acheter, ne la connaissant pas encore mais à la place choisit son auteur préféré, dont elle avait pu mémoriser quelques oeuvres à force de les parcourir. « Je crois que la plume qui me touche le plus est celle de John Keats. Il évoque aussi l’amour, mais d’une manière… différente. Je peux vous en dire un, si vous le souhaitez. »

Après avoir eu confirmation, elle se redressa sur son siège et choisit le premier qui lui vint en tête, pas trop long afin de ne pas ennuyer le Marquis qui était plutôt réfractaire à cette littérature.

« Can death be sleep, when life is but a dream

And scenes of bliss pass as a phantom by?

The transient pleasures as a vision seem,

And yet we think the greatest pain’s to die?

How strange it is that man on earth should roam,

And lead a life of woe, but not forsake

His rugged path; nor dare he view alone

His future doom which is but to awake. »*




L’exercice lui sembla d’abord facile, puis de plus en plus ardu au fil des vers qu’elle prononçait, les yeux rivés sur Lord Graham, alors que sa tristesse refaisait surface sans qu’elle s’y attende. Elle sentit sa voix dérailler vers la fin et dut prendre sur elle pour terminer avant de baisser les yeux pour attraper sa tasse et avaler une gorgée de thé rapidement. Elle se brûla la langue, mais au moins cela l’aida à retrouver un peu de contenance.

« Je pourrai vous prêter un recueil si vous le souhaitez. Et si vous n’aimez toujours pas, je vous promets de ne plus le mentionner. » Elle sourit avant de reprendre une gorgée de son thé.


****


*Qu’est-ce, mourir, quand la vie n'est qu'un songe
Et le bonheur, un fallacieux décor ?
Tout passe et fuit, les plaisirs sont mensonge,
Et nous craignons le sommeil de la mort ?
 
Étrangement, l'homme mène sur terre
Des jours de peine, errant, toujours soumis,
Sans oser voir qu'au-delà des ornières,
Par son destin, l'éveil lui est promis.

 
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Message() / Jeu 1 Déc - 15:16
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En tant que Marquis et futur Duc et Comte, il lui semblait qu’il était de son devoir de protéger les jeunes femmes des hommes sans foi, ni honneur. Il avait déjà sorti plusieurs jeunes nobles, ou non d’ailleurs, sous sa juridiction de situations délicates, soit en forçant des pourceaux séducteurs à les épouser, soit en empêchant des mariages bien plus tristes. Et à chaque fois qu’il entendait qu’un homme avait abusé de son épouse, surtout sur son territoire, il s’en voulait de ne rien avoir su et de n’avoir rien pu faire. Aussi il était naturel pour lui d’intervenir au chevet de ses proches, qu’ils soient de sa famille ou non. Miss Cordélia en faisait partie désormais, qu’elle le veuille ou non, et qu’elle le lui demande ou non, il le ferait quand même. Car c’est son devoir de protéger les plus faibles.

Il savait aussi très bien qu’ils devaient tous porter le poids des attentes de leurs aînés. Lui l’avait embrassé bien avant de songer à trouver une épouse, il avait fait ce qu’on attendait de lui, ce qu’on lui disait de faire. Il avait toujours rempli ses devoirs sans jamais chercher à y échapper. Mais au moment de chercher une épouse, il s’était senti perdu et confus. Son père avait alors proposé un arrangement avec la famille Aetheling et Alistair avait accepté de demander la main de cette jeune femme qu’il connaissait à peine. Et pour quel résultat ? Bien sûr, il aurait pu passer bien plus de temps avec elle pour apprendre à la connaître, il aurait aussi pu ne pas partir à la guerre juste après le mariage. Le Duc n’avait pas voulu d’ailleurs à l'époque, puisqu’il n’avait pas d’autre fils. Le devoir l’avait emporté, encore et toujours le devoir... S’il y avait bien un sujet sur lequel il avait mûri et évolué quant au devoir, c’était sur le mariage. Car personne ne lui dirait qui épouser cette fois, puisque c’est lui qui devrait vivre avec cette femme, et ses enfants l’avoir comme mère, et non ceux qui iraient de leurs avis. Alistair avait déjà fait son devoir en épousant un titre et une richesse, désormais, il épouserait une femme qu’il admirerait, qui le rendrait heureux, qu’elle soit fille de chevalier ou princesse, peu lui importait. Et il était bien assez riche pour deux.
Même si bien sûr, il n’irait jamais faire un mariage qui ne soit pas convenable, c'était une évidence.

« Je suis certain que votre père est un homme pragmatique et qu’il saurait s'accommoder d’un mariage avec un baron peu fortuné mais honorable si tel serait votre souhait. N’épousez personne que parce qu’on vous invite à le faire, Miss, car c’est vous qui vivrez avec.»

Et il ne cacha nullement la consonance personnelle de ce conseil. Pour le reste il ne comprenait pas vraiment, car de ce qu’il avait compris, l'aînée était partie pour faire un excellent mariage et il lui semblait qu’en tant que fille de baronnet et puinée, elle avait à subir moins de pression que d’autres jeunes femmes de rangs plus élevés. Mais peut-être que Sir Blooming avait d’autres attentes… Il commençait certainement à avoir quelques aprioris à son égard.

Ses craintes lui semblaient parfaitement naturelles et saines, car c’était un changement de vie assez radicale et en cela, il n’était guère étonnant que les hommes attendent de longues années avant de s’y jeter. Lui-même avait attendu. Le rapport à l’âge entre hommes et femmes était bien différent, mais il trouvait qu’il faisait sens. Les hommes avaient besoin de temps pour faire leur place dans le monde à la suite de leurs parents et apprendre à gérer leur foyer, alors qu’aux femmes on demandait d’être au mieux de leur fécondité, et non de subvenir aux besoins de toute une famille. Même si des demoiselles de vingt-cinq ans qui se voyaient considérées comme des vieilles filles, ça non, ce n’était ni sérieux, ni juste, ni justifié.

Par contre il tiqua sur cette histoire d’obéissance qui lui semblait normale et évidente, mais il n’eût pas envie d’ouvrir le débat. Pour lui, une épouse n’était obligée de rien tant qu’elle se comportait convenablement et remplissait ses devoirs d’épouse. C’était aussi simple que cela, et ce qui était source de conflit relevait de limites qui n’auraient pas dû être dépassées. Mais il ne se considérait pas assez comme exemplaire pour faire la leçon à qui que ce soit. D’ailleurs, comme lors de leur première rencontre, elle dit des choses qu’il aurait pu penser sur lui-même, ce qui l’amusa un peu - mais plutôt jaune - et lui fit faire une légère moue.

« Qu’à mon âge, je dise une telle chose soit compréhensible. Mais vous… Miss Cordélia... Cela m'ennuie que vous ayez une si piètre opinion de vous-même. » Jusqu’à maintenant, elle ne lui avait donné aucune raison de croire en son mauvais caractère. Le peu qu’il avait entrevu, c’est lui qui était en tort. Mais peut-être était-il chanceux, ou privilégié. Quoiqu’il en soit, il reprit une gorgée de thé bien chaud, tout en songeant à ce verre de whisky dont il rêvait de plus en plus. Peut-être que Sir Blooming lui en proposerait, et voilà qui serait pour le faire remonter dans son estime.

Et cette envie ne fit que devenir plus forte alors que la discussion revint sur la poésie.

« John Keats est en effet très réputé. Je vous écoute, mademoiselle. »

Il inversa ses jambes et s’installa bien confortablement après avoir reposé sa tasse, pendant qu’elle se mettait en place. Sa voix changea pour gagner en profondeur et en gravité, dévoilant toutes ses nuances suaves et rauques. Une voix magnifique songea-t-il avant de se concentrer sur les mots, au-delà de leur musicalité. Il fut touché immédiatement, profondément, sans savoir si cela venait vraiment du poème, ou si c’était parce qu’il la regardait dans les yeux et parce que cela parlait de la mort quand elle avait perdu sa mère, et qu’il avait perdu sa femme. Soudain, ce n’était plus elle qu’il entendait. C’était Maud exprimant sa peine et sa souffrance et souhaitant y mettre fin. Il avait décroisé ses jambes, serrait son poing sur le tissu au niveau de sa cuisse. Il sentait les larmes monter, ses yeux humides toujours plongés dans les siens. Plus sa voix tremblait, et plus son cœur s'emballait. Tous les deux défaillaient, emportés par leur tristesse et leur deuil. Mais il n’arrivait pas à savoir si c’était une bonne chose, ou au contraire, particulièrement dérangeant. Avait-il aimé ou avait-il détesté que ce poème provoque tout cela ? C’était presque de la sorcellerie, et il n’était pas certain de vouloir être ensorcelé. Il était perturbé...

Il se leva promptement dès qu'elle eut fini, tendit la main pour la poser sur son épaule, bien malheureux d’avoir insisté, mais il avorta son geste, jugeant que cela serait inapproprié, même s’il aimerait la réconforter et se réconforter. Il s’éloigna alors, mains dans le dos et regarda par la fenêtre, le temps de repousser ses émotions et de se ressaisir. Alors que de sa peine naissait souvent la colère et que cette fois n'y échappa pas. Il commença à se demander si Maud lisait ce genre de poème, si c’était ces lectures qui lui avaient donné envie de… de voir au-delà des ornières. Malheureusement, il n’était pas encore prêt à comprendre la poésie, même si une part de lui avait trouvé ce moment sublime, tout le reste le révulsait et le mettait hors de lui. Son poing frappa sèchement le buffet contre lequel il était appuyé, sa chienne restée au pied du fauteuil leva la tête et aboya. Le bruit, le geste… Il s’en voulait déjà. Il inspira profondément, puis expira, comme un refus de laisser ses émotions guider sa conduite. Elle n’avait rien fait de mal.

Néanmoins, c’était si dur…


Le visage peiné et contracté, exprimant trop de choses à la fois, il se retourna et chercha la voix la plus calme qu'il puisse trouver :

« Sans doute est-il l’heure de vous raccompagner. »

 
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Message() / Ven 2 Déc - 12:35
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@Alistair Graham & Cordelia Blooming
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Il lui donnait une fois de plus ce conseil qu’elle avait déjà entendu à plusieurs reprises, faire attention à qui elle allait épouser, bien choisir. Le problème étant que pour cela il allait lui falloir du choix justement. Elle n’était pas ses soeurs et elle savait déjà que les jeunes prétendants ne courraient pas à sa porte. « En effet, il s’en accommoderait très certainement. » C’était bien l’avantage de la place qu’elle occupait au sein de la famille: Sir Jonathan en attendait moins d’elle que Juliet, et peut-être même d’Ophelia, la considérant sans doute bien plus difficile à marier que les autres. Autant dire qu’il se satisferait très bien de n’importe quel mariage, du moment bien évidemment qu’elle ne contractait pas une totale mésalliance ou toute autre union peu convenable. Il ne lui échappa cependant pas que le Marquis semblait parler d’expérience et elle commençait peu à peu à voir un portrait un peu plus clair se dessiner de lui, de sa relation avec feue son épouse.

Elle sourit, songeant qu’il changerait certainement d’avis sur son caractère dès la prochaine saison, ou du moins dès l’instant où ils se trouveraient en société. Elle était persuadée d’avoir la plus grande lucidité sur ce qu’elle était, sans réaliser que sa famille (son père en premier lieu) avait joué un grand rôle dans l’opinion qu’elle avait d’elle-même. Elle souriait également en remarquant qu’il persistait à parler de lui comme s’il était presque un vieillard, alors qu’en tant qu’homme il était encore considéré dans la fleur de l’âge. « Il ne s’agit pas de piètre opinion, je vous assure, mais vous êtes bien aimable de le dire. » Elle ne put s’empêcher de repenser à ce groupe de gentlemen qu’elle avait surpris faire des commentaires particulièrement désobligeants sur son compte. Seigneur, la saison prochaine promettait d’être ardue et plus le temps passait, plus elle réalisait qu’il serait bien difficile de trouver un époux qui l’accepte telle qu’elle était. Et paradoxalement voilà qu’on ne cessait de l’enjoindre à ne pas baisser ses exigences. Un véritable casse-tête.

Comme il l’avait promis, il l’écouta prononcer ce poème. Mais le résultat fut bien loin d’être celui qu’elle attendait. Rien qu’elle aurait pu imaginer, en fait. Les mots sortaient de sa bouche et elle aurait dû s’arrêter plus tôt, mais quand elle sentit l’émotion du Marquis, il était trop tard. Elle même n’aurait su décrire ce qu’il s’était passé exactement, mais elle comprit rapidement, lorsqu’il se leva, qu’elle avait commis une énorme erreur.

Elle n’aurait pas dû et elle ne savait que faire pour réparer. Elle sentit son émotion, puis sa brusque colère, ce coup contre le buffet qui la fit violemment sursauter et écarquiller les yeux. Les mots de Lord Graham, qu’elle prit pour une sentence, ne tardèrent pas à s’élever. Elle songea à s’excuser, mais renonça rapidement tant cela lui semblait inapproprié, d’autant qu’elle n’était pas certaine de ce qui avait pu générer une réaction si brusque. Alors elle se composa un visage neutre, malgré sa pâleur soudaine et se leva puis s’efforça de parler d’une voix la plus calme possible. « Bien sûr Milord. Je vais aller chercher mes affaires si vous le permettez. » Elle inclina la tête et sortit de la pièce d’un pas plus rapide qu’elle ne l’aurait voulu, la domestique sur ses talons. Cette dernière prit la tête et la reconduisit dans la chambre de Lady Maud. « Si vous voulez bien attendre une minute Miss, je reviens avec vos habits. »

Cette fois-ci, Cordelia avait l’estomac si noué qu’elle fit à peine attention à l’endroit où elle se trouvait. Par deux fois elle avait rencontré le Marquis, par deux fois leur entrevue s’était terminée de manière toute aussi désastreuse. Si la première fois n’avait pas été entièrement sa faute, cette fois-ci elle ne pouvait que s’attribuer le blâme. Comme un poison, elle pouvait faire ressortir le pire de ceux qu’elle côtoyait. Et il lui était souvent indifférent d’offenser, de vexer, mais lui ne méritait certainement pas une chose pareille. Peut-être vaudrait-il mieux pour lui désormais qu’elle se tienne éloignée. Ce ne serait sans doute guère difficile, la saison s’achevait et nul doute qu’il serait un des partis les plus courus à la prochaine. Autant dire qu’il aurait bien mieux à faire, bien que cela la peinait, malgré elle.

Elle en était là de ses réflexions lorsque la domestique revint avec ses vêtements. « Votre spencer et vos chaussures sont encore un peu humides, mais si vous souhaitez attendre encore quelques minutes… En revanche, j’ai bien peur que le reste soit encore trop mouillé. » Cordelia s’efforça de sourire, bien que le coeur n’y soit pas. « Cela ira très bien comme ça, merci. Je ferai bien sûr renvoyer la robe de Lady Graham au plus vite. » Il lui tardait d’ailleurs de pouvoir la retirer, tant elle se sentait mal à l’aise de la porter à présent après ce qu’elle avait fait. Elle s’habilla et laissa là les chaussures d’intérieur qu’on lui avait prêté, puis pris le paquet qui avait été fait contenant sa robe, ses bas et son jupon.

Elle redescendit, l’estomac une fois de plus noué à l’idée de se trouver de nouveau face au Marquis, ignorant quelle attitude adopter exactement, si elle avait le moyen d’atténuer ce qu’elle avait pu faire. Décidément, ses facultés sociales étaient déplorables. Juliet s’en serait certainement sortie comme une reine à sa place, et ne se serait sans doute d’ailleurs jamais retrouvée dans une telle situation en premier lieu. Ce qui était certain, c’est qu’elle y réfléchirait à deux fois avant de parler de poésie désormais. Elle entra de nouveau dans la pièce avec cette même sensation d’angoisse, dont elle s’efforça pourtant de ne rien laisser paraitre. « Je suis prête à partir Milord. Je vous remercie une fois encore de votre accueil. » Elle ignorait s’il comptait toujours l’accompagner, mais ne posa pas la question. Nul doute qu’il saurait le lui dire lui-même. Dans le cas contraire elle s’assurerait que Sir Jonathan lui envoie ses remerciements. 
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Message() / Sam 3 Déc - 23:12
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« Bien sûr. »

Sa réponse semblait avoir été murmurée dans un souffle court, Il était perdu de la voir lui demander son autorisation pour une chose aussi évidente, de la voir aussi blême, abattue, déçue ? Il ne savait pas exactement à quoi elle pensait et ce qu’elle ressentait mais même s’il était en colère - contre lui-même - il s’en voulait. S’il lui avait fait peur, il ne se le pardonnerait pas. Depuis sa naissance, le Marquis s’était préparé à bien des choses, il s’était conduit avec autant d’exemplarité que possible, il n’avait pas toujours réussi à être fidèle à ses principes, mais il avait toujours tout fait pour se rattraper ou pour ne pas recommencer. Ce n’était pas facile d’être aussi exigeant avec soi-même, et cela ne faisait pas de lui quelqu’un de facile à vivre, il en avait bien conscience. Même s’il avait ainsi obtenu l’estime et la loyauté de nombreuses personnes. Maud avait choisi qu’elle préférait ne pas vivre plutôt que de poursuivre sa vie à ses côtés et aux côtés de ses filles, même si ce n’était pas la bonne façon de voir les choses. il n’avait jamais compris ce geste mais surtout il n’avait jamais réalisé jusque là à quel point il en était blessé, meurtri. Il avait l’impression de couler avec elle, de se battre pour atteindre la surface et survivre.

Et quand elle avait lu ce poème… Il s’était noyé, et le retour à la réalité avait été comme la toute première inspiration de son existence : douloureuse et profonde.

Il la regarda quitter la pièce avec empressement, portant sur ses traits cette mixité d’émotions qu’il peinait à démêler et qu’il voulait surtout enfouir, et subitement il ressenti une énorme inquiétude pour la jeune femme, faisant le lien entre son deuil, la poésie et le décès de sa femme. Il eut alors l’envie irrépressible d’aller fouiller dans les affaires de son épouse pour voir si un recueil de Keats s’y trouvait, mais il se réfréna ; il s’était assez donné en spectacle comme cela. Au lieu de cela, il fit sonner son majordome - pour qu’il aille lui chercher son manteau et son chapeau - et sa gouvernante qui vint l’aider à enfiler son gilet de costume.

- Je suis invivable, n’est-ce pas ? Il regarda sa gouvernante avec le plus grand sérieux, lui faisant comprendre qu’il ne rigolait nullement. La femme le regarda avec toute la bienveillance qui la caractérisait, même si elle ne cachait ni sa surprise, ni son incompréhension.
- Vous savez combien votre personnel vous est loyal, Mylord. Je suis moi-même à votre service depuis de nombreuses années et je ne voudrais en changer pour rien au monde.
Vos qualités sont bien plus visibles que vous ne le pensez.
N’importe quelle jeune femme censée aurait envie de vivre à vos côtés, si c’est ce qui vous inquiète.

- Si les Lady les laissent approcher… Le nom de Montrose ne suffira pas à compenser les rumeurs.
- Des mois seront passés d’ici là, personne ne s’en souviendra Mylord.

Le Majordome revint et aida le Marquis à enfiler son manteau cette fois. Celui-ci continua à l'intention de la gouvernante qui s’était reculée.
- Je souhaiterais que vous veniez avec nous Mrs Montgomery. Sir Blooming sera certainement ravi de vous remercier en personne.
- Y-a-t-il autre chose que je puisse faire Mylord ?
- En effet. J’aimerais que vous trouviez un moyen d’être seule avec Miss Cordélia et que vous lui fassiez comprendre qu’elle peut compter sur vous en toutes circonstances. Lady Blooming est décédée récemment, comprenez-vous ? Est-ce que cela vous semble possible ?
- Vous voulez que je la surveille Mylord ?
- Je ne vous demande pas de m’en faire un rapport. Je veux simplement qu’elle ait quelqu’un sur qui elle peut compter et ne pouvant être cette personne pour des raisons évidentes de bienséance - et d’incompatibilité de caractère songea-t-il avec amertume - je vous demande si vous pouvez l’être.

Mrs Montgomery inclina la tête pour montrer qu’elle avait compris, alors qu’Alistair boutonnait ses manches et attrapait son chapeau. La jeune Blooming entra à cet instant, suffisamment tôt pour qu’elle ait pu entendre la fin de leur discussion. Mais le Marquis n’avait rien à cacher de toute façon et il connaissait assez sa gouvernante pour savoir qu’elle lui dirait probablement qu’il le lui avait demandé. Malheureusement. Elle avait bien des qualités, mais la subtilité n’en faisait pas partie. Il prit le chapeau des mains de son majordome puis s’inclina, affichant un air neutre et indéchiffrable. Au moins avait-il réussi à se calmer.

« Si vous me permettez un instant. »

Alors il s’éclipsa quelques minutes, le temps que la voiture soit devant l’entrée, fin prête à les emmener. Le Majordome en profita pour demander l’adresse de la jeune femme ; quant au Marquis, il n’avait pas vraiment quelque chose à faire, si ce n’est laisser la jeune femme en compagnie de sa gouvernante. Il en profita pour embrasser ses filles et pour aller voir son père, qui tint alors à venir saluer leur invitée. Tout le monde se retrouva devant la porte, le temps que le vieil homme ne descende les escaliers de marbre à son rythme.

« Miss Cordélia, vous nous faites le plaisir de votre visite et personne ne me dit rien ! »

« Je n’ai pas voulu vous réveillez Père. Et la visite était impromptue. Bien que tout autant plaisante, s’empressa-t-il d’ajouter de peur de paraître encore plus rustre qu’il ne l’est déjà. »

Les salutations furent suivies d’au revoir, les chapeaux et les gants trouvèrent crânes et mains, puis enfin ils rejoignirent le coche sous un ciel relativement clément en cette journée orageuse. Le Marquis offrit sa main à Miss Cordélia puis à Mrs Montgomery pour les aider à monter, comme tout bon gentilhomme, regardant dans les yeux la première. Puis il monta à son tour, prenant place aux côtés de la jeune femme. Il tapa contre la paroi et les chevaux se mirent en marche. Quand dans l’habitacle le silence s’installa. Le trajet durerait un bon quart d’heure, selon l’estimation du Marquis, même si d'ordinaire cela ne le dérangeait pas de ne pas parler, il sentait bien que l’ambiance était trop pesante pour que le silence ne perdure. Quelqu’un le briserait.

Mais Alistair ne savait quoi dire, ni quoi faire, toujours profondément persuadé de n’avoir donné que le pire portrait possible de sa personne.

Quelqu’un le briserait, mais ça ne serait pas lui.
Au lieu de ça, il se mordait la lèvre et regardait par le petit hublot.

 
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Message() / Dim 4 Déc - 19:56
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Les voix lui parvinrent avant même qu’elle rejoigne le Marquis, et si elle s’efforça de ne pas écouter ce qui s’était dit, il fut très claire qu’elle était la principale concernée. Elle ne laissa cependant rien paraitre, et au moment où elle entra la conversation semblait bel et bien terminée. Il sortit à son tour, et elle confia son adresse au Majordome qui la lui demanda, puis ce dernier alla la transmettre afin qu’on la ramène à bon port. Elle avait compris à la tenue de Lord Graham qu’il allait bel et bien l’accompagner et elle ignorait si elle en était heureuse ou non, s’il agissait par pur devoir ou parce qu’il avait décidé de ne pas lui en vouloir. Elle se tourna vers Mrs Montgomery, désormais seule avec elle et la gouvernante ne tarda pas à lui confier ce qui s’était dit. « Ma chère, je suis si désolée de la perte de votre mère. Sachez que le Marquis est réellement soucieux de votre situation »

Cordelia haussa les sourcils, surprise. « Vraiment ? »
- Mais oui, bien sûr. Il m’a d’ailleurs chargée de veiller sur vous et je le ferai avec grand plaisir.

- Je vous remercie de votre sollicitude, mais je vous assure que ce n’est en rien nécessaire. Tout va bien.

Elle vit immédiatement que Mrs Montgomery n’était absolument pas convaincue et cette dernière lui tendit une carte comportant ses coordonnées. « Bien sûr, bien sûr. Mais au cas où, sachez que vous pourrez m’écrire à tout moment, pour quoique ce soit. » Cordelia prit la carte, sachant pertinemment qu’il y avait bien peu de chance qu’elle l’utilise. Et pourtant, elle ressentit une certaine chaleur face à cet acte de pur bienveillance envers elle. « Je vous remercie, je n’y manquerai pas. » Elle la rangea soigneusement dans son réticule. Nulle autre parole ne put être prononcée puisqu’il fut temps de se retrouver devant la porte. Cordelia enfila son chapeau et ses gants, puis récupéra le paquet de livres qu’un domestique lui tendit.

Elle devait bien admettre être perturbée. Décidément, elle ne comprenait pas le Marquis. Il était certes un homme de devoir, mais requérir de sa gouvernante qu’elle veille sur elle lui semblait aller un peu loin. Elle l’avait cru définitivement fâché contre elle, mais ce ne devait pas être le cas, n’est-ce pas ? Ou bien se sentait-il responsable pour une quelconque raison ? Il y avait chez cet homme une énigme et cela l’ennuyait profondément de ne pas réussir à la résoudre. Elle était cependant toujours décidée à l’éviter désormais, à éviter de lui causer plus de mal qu’elle ne l’avait déjà fait.

Elle eut alors la surprise de voir le Duc lui-même se présenter. Pour une raison qu’elle ignorait, il semblait l’apprécier, alors qu’ils se connaissaient à peine. Elle sourit et s’inclina respectueusement. « Votre Grâce, quel plaisir de vous revoir. » S’en suivirent quelques salutations et promesses de revenir qu’elle n’aurait probablement pas l’occasion de tenir, avant que le moment soit venu de se quitter et de sortir. L’air frais lui fit bizarrement du bien après les événements survenus plus tôt et elle était soulagée que la pluie semble s’être calmée. Elle monta à bord de la voiture, suivie de la gouvernante et du Marquis, dont le regard lui avait semblé toujours aussi indéchiffrable. Le tout dans un silence passablement pesant.

Le trajet était court mais risquait de sembler bien long si personne ne se décidait à ouvrir la bouche. Elle regarda un temps vers l’extérieur, sentant pourtant la présence de Lord Graham à ses côtés, la tension qui émanait de lui. Et elle se décida à agir la première. Par chance, Cordelia avait bénéficier d’une éducation anglaise la préparant justement à ce type de circonstances. Comme bien d’autres jeunes femmes et membres de la haute société, parler pour ne rien dire était quelque chose qu’elle maitrisait à la perfection, ou presque. « Quelle chance que la pluie se soit arrêtée ! Je crois que je n’aurais pas supporté une autre averse. » Mrs Montgomery approuva avec vigueur, sentant probablement elle aussi le lourd poids de cette atmosphère. « Mon père sera ravi de votre visite, c’est certain. J’espère néanmoins que vous excuserez le désordre qui règne en ce moment chez nous, nous sommes en plein préparatifs de départ. »

Elle espérait en avoir fait assez pour relancer la conversation, au moins sur le peu de temps de trajet qu’il restait. En effet, Sir Jonathan serait enchanté d’accueillir un Marquis et futur Duc dans sa demeure et Lord Graham pouvait être certain qu’il aurait droit au meilleur traitement. Elle espérait en tout cas que les deux hommes s’entretiendraient de leur côté, et surtout que son père ne lui demanderait pas de jouer et chanter un morceau de musique pour leurs invités (il en était capable, ne serait-ce que pour faire la meilleure des impressions). Sa voix avait déjà fait bien assez de dégâts comme ça pour aujourd’hui.

Elle pouvait déjà reconnaitre les rues non loin de la maison des Blooming. Elle n’allait pas tardé à être fixée…  
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Message() / Lun 5 Déc - 9:16
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Il eut un léger rictus qui s’apparentait à un petit sourire à la remarque de la jeune femme sur la météo. Il commençait à la connaître un peu, et savait donc que ce type de conversation n’était pas son genre. Cela l’aurait certainement amusé, voire fait rire, s’il avait été d’humeur. Mais elle devrait se contenter de sa moue pour cette fois, et du soupir de Mrs Montgomery qui se relâcha. Il fit de même, et trouva un sourire un peu plus franc, bien que toujours très discret. Était-ce lui qui était à l’origine de toute cette tension ? Il le pensait et en était peiné, même s’il n’avait plus le droit de se laisser aller en compagnie de la jeune femme.

« Je ne suis pas si exigeant. » S’il refit la même moue que précédemment, tout en la regardant cette fois, il n’était pas heureux de la façon dont sa réponse sonnait, soit comme si elle l’accusait de quelque chose, ce qui lui fut confirmée par les yeux ronds de la gouvernante, visiblement surprise, mais pas dans le bon sens du terme. Le Marquis était vraiment confus, il avait mis les pieds dans un espèce de bourbier et il ne savait plus comment s’en sortir. Il n’avait aucune idée, en plus, de ce qu’il aurait dû faire ou dire pour que cela se passe autrement.

« Pardonnez-moi. Ce n’était pas… Cela ne sonnait pas comme ça dans mon esprit. » Mrs Montgomery approuva, et lui fit un petit signe encourageant qu’il ne comprit guère. Encore une fois, il aurait pu en dire plus, expliquer, mais il fit le choix de se taire, point par facilité mais parce qu’il jugeait que ce n’était pas important. De toute façon, ils arrivaient, les chevaux étaient repassés au pas. Et il était déçu de ce voyage durant lequel il avait espéré pouvoir parler et s’expliquer avec la demoiselle… Mais c’était dur pour lui, il s’était reposé sur l’espoir qu’elle pose les bonnes questions, ce qui n’était pas arrivé. Il ne lui en voulait nullement, il la comprenait même plutôt bien. Il avait été grossier et désagréable… Et sans doute ne voudrait-elle jamais le revoir, cette fois, et pour de bon.
Néanmoins il aurait aimé avoir une chance de s’expliquer, son problème étant qu’il ne savait par où commencer, ni ce qu’il était nécessaire de raconter, ni vraiment sur quoi il devrait se justifier. Il avait besoin d’être aiguillé.

Il fut le premier à descendre, et comme pour la montée, il offrit sa main aux deux femmes qui l’accompagnaient, en véritable gentleman. Les accompagnant tour à tour en sécurité jusqu’au trottoir. Mrs Montgomery avait pris les affaires de la demoiselle et se tenait derrière eux, alors que le Marquis s’arrêta, appuyant avec délicatesse sur le bras de la demoiselle pour qu’elle s’arrête avec lui et le regarde.

« Mademoiselle. Je comptais inviter votre famille à venir visiter l’Ecosse, et c’est toujours le cas. Cependant, je me doute que votre père ne refusera pas l’invitation d’un Marquis, encore moins d'un futur Duc, et je ne souhaite pas vous l’imposer. Vous n’avez qu’un mot à me dire, et je serais votre obligé. »
Il s'apprêtait alors à monter les marches jusqu’à la porte, sa main (gantée) ayant glisser jusqu’à celle de la demoiselle pour l’emmener avec lui, un peu inconsciemment, mais il se tourna à nouveau vers elle pour ajouter : « Je puis aussi faire en sorte de ne pas être présent lors de votre séjour. Montrose et le Kincardineshire sont à l’autre bout du pays, et il y a toujours fort à faire. Encore une fois, vous n’avez qu’un mot à dire… » Alors il s’inclina, pressa doucement ses doigts et lui lâcha la main. Gêné, non pas de la lui tenir, mais d'apprécier ce maigre contact.

Il ne savait pourquoi ils en étaient arrivés là, loin de ce qu'il avait imaginé lui demander. Alistair avait une si piètre opinion de lui qu’il concluait si vite au pire. Pourquoi voudrait-elle revoir un homme dont on disait qu’il avait tuer et battu sa femme ? Pourquoi voudrait-elle revoir un homme colérique et si peu avenant ? Pour une raison qu’il ignorait, il tenait énormément à son opinion et à son estime, alors qu’il la connaissait si peu. Si elle ne souhaitait pas le revoir, peut-être ne passerait-il même pas le pas de cette porte. Il accepterait tout, tant qu'il s'agissait de la vérité.

 
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Message() / Mar 6 Déc - 9:44
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@Alistair Graham & Cordelia Blooming
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La fin du trajet fut une libération, tant elle avait l’impression que tout ce qui sortait de sa bouche sonnait de travers. Au moins, une fois chez elle, elle n’aurait nul besoin de faire beaucoup de conversation. Son père s’en chargerait lui même, et si Juliet était présente Cordelia pourrait tout aussi bien être invisible. Elle songea d’ailleurs que cette dernière aurait su en un instant ramener la joie et la bonne humeur entre eux et regretta pour la énième fois ne pas avoir de telles dispositions (même si elle ne le lui avouerait jamais). L’atmosphère avait cependant fini par s’alléger quelque peu, à son plus plus grand soulagement et sans doute aussi celui de Mrs Montgomery qui devait supporter leurs échanges (ou absence d’échanges).

Si habituellement Cordelia faisait peu de cas de ce que l’on pouvait penser d’elle, elle devait bien admettre que cette fois-ci faisait exception. Elle détestait l’idée d’avoir fait de la peine au Marquis d’une quelconque manière, mais ignorait comment s’excuser ou réparer sa faute sans remuer une fois de plus le couteau dans la plaie et empirer la situation. Elle avait la désagréable impression de ne pas parvenir à s’exprimer correctement en sa présence, ce qui l’agaçait profondément. Elle fut donc quelque peu surprise en sentant un léger contact sur son épaule et se tourna vers lui, l’interrogeant du regard.

Elle ne sut ce qui la surprenait le plus: les paroles du Marquis, ou la sensation de sa main qui avait glissé dans la sienne. Et une fois n’est pas coutume, elle se trouve un instant à court de mots pour s’exprimer. Jusqu’à ce qu’il brise ce bref contact et qu’elle semble retrouver ses esprits. « J’ignore ce qui pourrait vous faire penser que je refuserais votre invitation, après tout c’est moi qui vous ai contrarié. » Pour ne pas dire bouleversé, mais elle préférait passer sur les détails. Peut-être aurait-elle dû faire preuve de davantage de douceur, mais cela n’était malheureusement pas dans sa nature et moins encore alors qu’elle était si coupable. De plus, elle sentait la présence de la gouvernante, même si celle-ci s’efforçait d’être discrète. « Voilà qui est ridicule, pourquoi irions-nous jusqu’en Ecosse si ce n’est pas pour vous voir ? De plus, vous m'avez promis d’annoncer publiquement votre défaite, n’est-ce pas ? » Ajouta-t-elle en faisant référence à leur petit défi sur leurs terres natales. Elle esquissa un sourire, bien qu’elle ne fut certaine que ses paroles aient eu la portée voulue. Pourquoi ne pouvait-elle être réconfortante, alors que Lord Graham se montrait devant elle si vulnérable et qu’elle avait tant envie de le rassurer ? Pourquoi ne pouvait-elle montrer son appréciation autrement que par le cynisme et des commentaires sarcastiques ? Elle n’aurait su le dire et le regrettait profondément. Elle pouvait seulement espérer qu’il ne se méprendrait pas.

« Allons-y. » Conclut-elle avant de grimper les quelques marches qui les séparaient de la porte d’entrée. Porte qui s’ouvrit d’elle même, laissant paraitre le majordome de la maison, l’air à la fois surpris et inquiet. « Miss Cordelia, vous voilà ! Tout le monde se demandait où vous étiez passée avec cette épouvantable averse. » Tout en commençant à rassurer le domestique, elle entra, laissant le Marquis et Mrs Montgomery faire de même. Elle n’eut cependant guère le temps de s’étendre en explication puisque son père survint à son tour. « Cordelia ! » Il semblait prêt à la réprimander, et pour tout dire après la perte qu’ils avaient vécu elle n’aurait pu le lui reprocher. Mais il s’arrêta net en avisant leurs invités.

« Père voici, Lord Graham, Marquis de Graham et de Buchanan, et sa gouvernante Mrs Montgomery, qui ont eu l’immense bonté de me secourir lors de l’averse en me permettant de m’abriter et de me réchauffer. » Puis elle se tourna vers ces deux derniers. « Lord Graham, Mrs Montgomery, je vous présente mon père Sir Blooming. » Maintenant que les présentations étaient faites, il lui sembla que son plus grand rôle était terminé. Bien sûr, le Majordome s’empressa de débarrasser tout ce beau monde des chapeaux, manteaux et autres paquets et vêtements d’extérieur alors que le visage de Sir Jonathan exprimait la plus profonde sympathie. Il s’inclina bien sûr le plus respectueusement du monde. « C’est un immense honneur de vous recevoir, et je vous remercie infiniment de l’aide que vous avez apportée à ma fille. Vous resterez bien un moment avec nous ? J’ai un fameux whisky qui ne demande qu’à être dégusté. »

Il s’apprêtait à les guider jusqu’au salon, puis se tourna vers elle. « Cordelia, va donc chercher tes soeurs. » Elle acquiesça d’un hochement de tête et ne se fit pas prier pour grimper à l’étage. Elle en était sûr, il allait faire parader Juliet comme un paon, et elle ne se ferait probablement pas prier. La brune put même entendre alors qu’elle grimpait les marches. « Mes filles sont de merveilleuses musiciennes, elles pourront certainement nous chanter quelque chose. » Cordelia leva les yeux au ciel avant d’aller frapper à la porte de chacune des filles Blooming. Et d’aller se changer pour enfiler des vêtements parfaitement secs et plus adaptés à la soirée. 
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Message() / Mer 7 Déc - 13:55
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Alistair ne pourrait se vanter encore une fois de comprendre quoi que ce soit aux femmes, mais au moins une partie du problème venait de se préciser grâce à sa réponse. Elle pensait l’avoir contrarié, et il comprenait bien qu’elle ait pu croire cela. Ce n’était pas vraiment faux, il avait été contrarié, il l’était toujours un peu et même si elle n’y était pas pour rien, ce n’était pas contre elle.

« Vous ne… Il soupira. Si j’avais été plus franc avec vous, vous auriez certainement porté votre choix sur un autre poème. Il serait injuste de ma part de vous en vouloir alors que je vous en ai si peu dit et que je vous ai encouragé. »

Ils en avaient déjà parlé, et ils avaient en commun de croire que leur caractère faisait fuir autrui. Alistair avait pleinement conscience de ce qu’il était : irascible, mystérieux et même colérique. Notamment parce qu’il ne savait pas comment parler librement de son histoire sans salir la mémoire de feu son épouse. Le pire c’est qu’il en avait parfois envie, quand il laissait sa colère contre elle ressurgir… Il n’était même plus sûr de se rappeler de ses nombreuses qualités, tant sa haine l’aveuglait toujours, ce qui ne lui apportait que de la déception envers lui-même. Dans les pires moments, il s’efforçait de regarder ses filles, de la voir en elles et de sourire. Et peut-être un jour arriverait-il à lui pardonner, même s’il aurait davantage aimé le faire de son vivant.
Le fait est qu’elle avait été malheureuse avec lui, et malheureuse en Écosse, et qu’il pensait parfois qu’il ne pourrait en être autrement avec aucune femme. Que le duché ait besoin d’un héritier ne justifiait pas de ruiner la vie d’une autre jeune femme. Ou bien, il se disait qu’il devrait simplement épouser la fille d’un petit lord écossais, une fille aux hanches fertiles qui lui donneraient de nombreux enfants et qui lui obéirait. Tout ce que Miss Cordélia redoutait de devenir.

Bref, il voulait qu’elle voit l’Écosse, mais pas qu’elle se sente obligée de le supporter. Cela se faisait très souvent, les lords n’étant que rarement dans leur demeure principale, ils accueillaient de nombreux invités en l’absence de leur seigneur. Le ton de sa réponse le blessa, il avait voulu bien faire, mais il n’en fit pas cas. Pas plus qu’il ne releva sa tentative d’humour qui ne le fit pas sourire ; il n’était pas d’humeur et préféra se concentrer sur la première partie de sa réponse. Car après tout, le fond était plutôt positif et aimable et c’était certainement tout ce qu’il fallait retenir.

« Pour juger des paysages, non ? Cela n’a rien de ridicule, néanmoins, je suis heureux de savoir que ce ne serait pas la seule raison de votre visite. » Il inclina doucement la tête et s’efforça de sourire. Il aurait bien voulu prolonger ce moment seul (ou presque) avec elle, maintenant qu’ils arrivaient enfin à se parler, mais ils se trouvaient sur le pas de la porte et elle avait raison, il était temps de rencontrer toute la famille Blooming, se plier aux règles d’usages et rendre l’excès de politesse qu’on lui réservait lorsque la différence de rang était si grande. Ce qu’il avait toujours fait avec humilité et pragmatisme, sans jamais s’en plaindre car il faisait partie de cette société aux règles si strictes et il l’encourageait même.

Il sortit sa carte et la tendit au majordome, afin qu’il l’ajoute à la collection de la famille, et ce même si la jeune femme se chargea de faire les présentations. Il enleva son chapeau, ses gants et son manteau puis les tendit au domestique. C’était tout un cérémonial qui rassurait les personnes timides comme lui,

« Sir Blooming, tout l’honneur est pour moi. Et je vous en prie, il n’y a rien de plus normal. Je vois que vous savez prendre un écossais par les sentiments, et j’accepte, évidemment. A vrai dire, j’espérais pouvoir m’entretenir en privé avec vous. »

Alistair eut un regard pour Miss Cordélia, accompagné d’un sourire discret et fugace, puis il revint vers le père de famille, le suivant dans les couloirs de cette petite demeure londonienne. Celui-ci envoya sa fille chercher ses sœurs, et Alistair eut alors une pensée émue pour son cousin par alliance puisqu’il venait de s’engouffrer lui-même dans un véritable traquenard, au milieu de trois filles célibataires, même si la troisième n’était pas en âge, dieu merci. Tristement, il aurait volontiers supporté Lady Blooming si cela avait voulu dire qu’elle était encore de ce monde. Il jouerait le jeu jusqu’au bout en accordant de l’attention aux trois jeunes femmes, et sans doute un peu plus à l’aînée, par respect des convenances.

« Je les écouterais avec plaisir. » Rien d’extraordinaire à cela, le Marquis ne s’attendait à rien de particulier et considérait cela comme tout à fait normal, même si c’était sans doute plus aisé dans une soirée mondaine que dans un cercle aussi privé et inconnu..



A l’étage, Juliet coiffait les longs cheveux d’or de sa cadette lorsque Cordélia pénétra dans la pièce pour leur annoncer la présence d’un invité et leur demander de se préparer. La blonde la regarda des pieds à la tête, sa coiffure, cette robe cousue dans un tissu riche et magnifique, même si la couleur ne lui plaisait pas. Elle ne put s’empêcher de tirer légèrement là où la robe était trop serrée, comme pour pointer l’évidence, mais ne posa point de question, pour le moment en tout cas.

« Lord Graham ? Le grand roux à l’air si renfrogné, néanmoins charmant avec qui tu as discuté le jour de la course ? Célibataire et futur Duc ! Oh, Cordélia, je ne sais pas ce que tu as fait pour finir dans cette robe et nous le ramener jusqu’ici, mais tu es un génie du mal ! Et il s’entretient en privé avec Père en ce moment-même ? » Le regard de Juliet en dit long, puis elle caressa la joue d’Ophélia, tout en lui offrant un sourire aimant, avant de sautiller de joie, sa cadette avec elle, persuadée qu’elle venait d'acquérir un nouveau prétendant.

« Sortez vos plus belles robes et vos plus beaux sourires, mes chères ! Margaret ! Je vais avoir besoin de ton aide pour enfiler la robe améthyste. »



Jonathan Blooming le fit s'installer dans le salon et, bien vite, le fameux verre de whisky fut dans sa main. Pendant ce temps, Alistair ne tarda pas à lancer la discussion avant que ses filles ne reviennent. Il souhaitait évoquer le fait qu’il avait déjà eu l’honneur de rencontrer Miss Blooming et Miss Cordélia lors d’une course, et le féliciter pour l’éducation qu’avait reçu ses filles, comme cela se faisait très souvent. Après les échanges qu’il avait eu avec la seconde, il espérait rendre son père un peu plus fier d’elle, cependant, il ne se doutait point qu’en incluant son aînée dans le sujet, il occultait la puînée dans l’esprit de Sir Blooming. Il évoqua également ses inquiétudes concernant le Vicomte Pennbridge, ce qui lui donna également l’air, sans le vouloir, de s’intéresser à Juliet, bien qu’il ne fit aucune allusion sur la possibilité de la courtiser. Enfin, il invita la famille à venir visiter l’Écosse, comme il l’avait promis, chez lui à Buchanan et puis à Montrose pour voir la côte. Jonathan Blooming lui fit comprendre que l’intersaison promettait déjà d’être très chargée, mais il lui promit de lui envoyer au plus vite des dates, alors qu’Alistair insista un peu, tout en soulignant particulièrement la venue de Miss Cordélia. Il avait certainement très envie de l’entendre avouer sa défaite, et il comptait bien tout mettre en œuvre pour lui faire voir les plus beaux lieux d’Écosse. Dans le même temps, il sirotait le précieux liquide ambré. Loin d’être le meilleur whisky qu’il avait pu goûter, celui-ci ne déméritait pas. De toute façon, il ne s’attendait jamais à trouver les meilleures bouteilles dans les maisons des anglais ou des gallois. D’ailleurs c’est peut-être là qu’il eut Sir Jonathan, en lui promettant une dégustation des meilleurs whisky issus de sa cave personnelle.

Les demoiselles firent leur retour, joliment apprêtées pour le dîner. C’est en voyant leur tenue que le Marquis réalisa qu’il était certainement bon pour rester jusque tard. Les hommes se levèrent, et Alistair alla saluer d’un baise-main chacune des jeunes femmes.

« Miss Blooming. » La plantureuse blonde avait opté pour un décolleté à faire frissonner les frileux, et même Alistair, pourtant peu enclin à se laisser déconcentrer par ce type d’arguments, en fut troublé, bien qu’il s’en cacha. « Miss Cordélia. Miss Ophélia, enchanté. » Il s’efforça de sourire pareillement aux trois sœurs.

« Mylord, je suis heureuse de vous recroiser. J’espère que nous aurons le temps de faire plus ample connaissance cette fois. »

« Je n’en doute pas mademoiselle. Comment se porte ce bon Lord Pennbridge ? »

Oh, Alistair n’était pas peu doué lorsqu’il s’agissait de botter en touche. Pour autant, il ne pouvait pas nier que Juliet Blooming était non seulement sublime, mais que son sourire éclairait la pièce à lui seul. S’il avait du mal à le trouver sincère, il avait aussi promis à Miss Cordélia de ne pas la juger trop durement. Les demoiselles faisaient de leur mieux pour s’assurer un bon avenir, et elle était la seule des trois qui avaient fait ses débuts, ce qui la plaçait dans un état d’esprit différent. Il n’avait rien à perdre à lui laisser sa chance, d’autant qu’il avait grand besoin de soleil dans sa vie.

« Je crains de ne pouvoir vous répondre, Mylord, je n’ai pas revu le vicomte depuis la dernière fois. S’agit-il d’un ami à vous ? »
« Je ne le connais guère que de nom. » Il était avisé de ne pas plus commenter, il ne manquerait plus qu’il se retrouve associé à un homme comme lui, ou pire, qu’il ait l’air jaloux de l’attention qu’il avait reçu de la part de la jeune femme. D'autant qu'il ne pouvait s'empêcher d'être sincèrement satisfait pour leur famille qu'elle ait coupé tout lien avec lui.

Juliet vint prendre le bras du Marquis, pour lui faire prendre place sur un des canapés, à côté d’elle. Jonathan s’installa dans un fauteuil, alors que les verres d’alcool avaient été retirés, privilèges des hommes uniquement. Tout le monde fut rapidement assis.

« Lord Graham nous convie chez lui, au château de Buchanan, à l’automne, » annonça alors Jonathan, avec une certaine fierté, comme s’il y était pour quoi que ce soit.

« En effet, Miss Cordélia m’a confessé ne jamais avoir vu les splendides paysages écossais, et je me devais de vous offrir la possibilité de corriger cela, en bon défenseur de ma patrie. » Son accent parlait pour lui après tout, et il sourit, en repensant au défi qu’il partageait avec la demoiselle et qui resterait leur secret.

« C’est une merveilleuse nouvelle Père, Mylord. J’ai toujours rêvé de visiter l’Écosse. Buchanan se trouve à proximité du Loch Lomond n’est-ce pas ? Il parait qu’il y a des montagnes qui dominent le lac, avec leurs sommets enneigés l’hiver, cela doit-être somptueux ! » Depuis quand Juliet rêvait-elle de visiter l’Écosse ? Nul ne le savait et Alistair était loin de se douter du mensonge.  En tout cas, elle avait fait son travail et s’était renseignée.

« C’est exact, Miss Blooming, bien que le lac ne soit pas visible depuis le château. Pour la sommets enneigés, on peut espérer les avoir dès l’automne, d’ailleurs. Avez-vous déjà vu la neige, Mesdemoiselles ? » Voilà qu'il avait oublié leur séjour en Norvège.

 
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Message() / Jeu 8 Déc - 12:04
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@Alistair Graham & Cordelia Blooming
Into each life some rain must fall.


Il aurait été difficile de décrire le profond malaise qu’elle ressentit aux paroles de Juliet, avant la très nette et désagréable impression d’avoir malgré elle piégé le Marquis. Sa soeur était évidemment aux anges et c’était prévisible, cependant elle ne posa aucune question et c’était pour le mieux car la puinée n’était pas certaine de ce qu’elle aurait pu répondre. Cordelia les voyait toutes deux sautiller de joie et pressentit que la soirée allait être longue. Elle leva les yeux au ciel à l’exclamation de sa soeur, qui évidemment allait enfiler sa plus belle robe et après avoir adressé un sourire tendre à la benjamine alla elle même se changer.

Elle eut besoin de l’aide de leur camériste pour retirer la robe de Lady Graham de crainte de l’abimer et fut soulagée de s’en défaire, même si elle devait bien admettre qu’elle était plus belle que tout ce qu’elle avait jamais possédé. Elle confia également les sous-vêtements qu’on lui avait prêtés aux bons soins de la domestique et recommanda de les laver avec le plus grand soin. Ils ne seraient certainement pas prêts à temps pour le départ de Lord Graham, mais elle les ferait renvoyer au plus vite. Elle enfila l’une de ses robes du soir, faisant tout de même un plus grand effort que d’ordinaire sur son apparence étant donné le prestige de leur invité. Mais bien sûr, elle n’égalerait en rien la beauté de son aînée, elle le savait à l’avance. C’était toujours ainsi et ça ne changerait probablement jamais. Et elle en eut la confirmation en la voyant au salon. Etait-elle toujours obligée d’en faire autant ? Voilà qu’elle se pavanait devant lui et Cordelia aurait voulu disparaitre sous terre tant elle était gênée. Mais le Marquis ne sembla nullement en prendre ombrage. Peut-être même appréciait-il le spectacle. Comment aurait-il pu ne pas l’aimer ? C’était un homme après tout. Et pourtant elle eut un pincement au coeur à cette pensée.

La conversation démarra et elle se trouva sur le banc de touche, se demandant pourquoi diable Lord Graham évoquait Lord Pennbridge. Alors qu’il se laissait guider par la blonde, elle prit place aux côtés de Mrs Montgomery, que tous semblaient avoir oublié mais qui paraissait habituée à la situation et plutôt heureuse d’être présente parmi tout ce beau monde. La maison était bien loin de la taille et du raffinement de celle du Marquis, et elle était persuadée que Juliet s’imaginait déjà emménager dans de plus beaux quartiers.

Cordelia savait ce qui était requis d’elle: demeurer silencieuse et la plus effacée possible, afin de laisser toute la place à sa soeur. Néanmoins ses yeux brillèrent à l’annonce de son père. Malgré ce qu’elle prétendait devant le Marquis, elle était toute prête à admettre devant lui la supériorité de l’Ecosse pour un peu qu’on lui permette de visiter ces contrées. Elle sourit à ce dernier, songeant également à ce petit défi. Et manqua d’éclater de rire en entendant Juliet soudain exprimer un enthousiasme débordant pour la région. Fort heureusement, elle parvint à déguiser cette soudaine hilarité en une quinte de toux. Son père lui jeta un regard sévère et elle s’efforça de se reprendre. « Pardonnez-moi, j’ai la gorge sèche. » Elle prit le verre d’eau qu’une domestique lui tendit avant de répondre à la question de leur invité. « Nous avons vécu quelques années en Norvège, mais les sommets enneigés d’Ecosse doivent être un fabuleux spectacle. »

Elle ignorait encore les dates décidées entre les deux hommes, mais peut-être cela tomberait-il au moment de son anniversaire ? Après la mort de Lady Tora, elle imaginait bien que tous oublieraient, à l’exception peut-être d’Ophelia, mais si elle pouvait avoir droit à ce spectacle, elle en serait plus qu’heureuse.

Sir Jonathan se tourna alors vers elle, avec un sourire. « Cordelia, et si tu nous jouais quelque chose pendant que nous attendons le dîner. Vous resterez bien avec nous Lord Graham ? » Le message était clair: elle devait se taire et laisser toute la place à sa soeur aînée. Parce qu’il était évident que son père avait déjà tout prévu dans son esprit, en voyant l'amabilité du Marquis envers son aînée et le fait qu'il parla ainsi de Lord Pennbridge. Il n’avait pas la subtilité de Lady Tora qui aurait su au moins faire preuve de finesse. La jeune femme ignorait si c’était cela qui la dérangeait le plus, ou le fait que le Marquis semble adhérer aux charmes de sa soeur. Elle avait cru, lors de leur rencontre, qu’elle lui était absolument indifférente. Mais peut-être était-ce là une mauvaise interprétation de sa part. Avait-il simplement été jaloux de Lord Pennbridge ? Avait-il montré de l’indifférence pour mieux exciter l’intérêt de Juliet ? Il n’était encore une fois qu’un homme après tout. Et elle ne pouvait en vouloir à sa soeur de mettre toutes les chances de son côté face à lui. Il était tout ce qu’on pouvait rechercher dans un parti. Et pourtant ce qu’elle ressentait n’avait rien de plaisant. Elle rendit à son père un sourire amer. « Bien sûr. »

Juste avant de se lever, elle sentit la main de Mrs Montgomery presser la sienne, brièvement, mais suffisamment pour lui donner au moins un peu de baume au coeur. Elle alla s’asseoir derrière l’instrument et entama un morceau qu’elle connaissait, tandis que des bribes de discussions lui parvenaient.

Cordelia n’avait jamais été une pianiste exceptionnel, son niveau était bon mais sans plus. Pourtant, le ressentiment semblait faire des merveilles sur son jeu et ses mains s’envolaient presque malgré elle. Elle réalisa que c’était là un aperçu de ce qui l’attendait, à la saison prochaine: quel que soit l’homme qui l’intéresserait, ou qui s’intéresserait à elle, jamais elle ne ferait le poids face à Juliet, même lorsque celle-ci serait mariée. C’était sans fin. Aucun homme ne la trouverait belle et son aînée quelconque, inutile de rêver. C’était à se demander s’il valait la peine de faire le moindre effort.

Bien sûr, elle avait été loin de nourrir de tels espoirs concernant le Marquis, cela lui semblait absurde, elle le connaissait bien peu encore et elle n’était même pas entrée dans le monde. Mais elle commençait à avoir une étrange sorte d’affection pour lui et elle l’avait cru différent. Elle n’aurait sans doute pas dû lui en vouloir pour quelque chose de si naturel, mais elle ne pouvait s’en empêcher. Parce qu’il avait eu l’air de sincèrement s’intéresser à elle et se soucier de son bien être et qu’à l’instant où sa soeur entrait dans la pièce, elle en devenait tout de même invisible. Malgré elle, elle en était blessée.

« Cordelia. » Etant donné le ton de son père, ce n’était pas la première fois qu’il essayait de l’interpeller. Elle s’arrêta et releva la tête, de nouveau présente à ce qu’il se passait. « Pourrais-tu jouer moins fort je te prie ? Il nous est bien difficile de nous entendre. » Elle savait qu’il adoucissait ses paroles uniquement à cause de leur prestigieux invité. Elle prit un ton et un sourire particulièrement mielleux, celui qu’elle avait lorsqu’elle était en colère et que beaucoup prenaient à tort pour de l’amabilité. « Mais bien sûr, veuillez m'excuser. » Son regard les engloba tous, puis s'appuya brièvement sur Lord Graham avant qu'elle baisse de nouveau les yeux. Elle reprit une ballade plus douce. 
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Message() / Dim 11 Déc - 9:58
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Le regard inquiet d’Alistair se porta sur la demoiselle. Avait-elle attrapé froid sous l’averse ? Et puis à sa réponse il se souvint qu’elle lui en avait déjà rapidement parlé et il se sentit bien bête, s’excusant auprès d’elle d’un sourire et d’un regard tendres.
« Effectivement, vous me l’aviez déjà dit. »

L’avait-il regardé avec trop d’insistance ? Car il eut l'impression qu'elle fut puni pour avoir attiré de trop son attention.
Après ce qu’elle avait évoqué sur son père, sur ses attentes, sur ce qu’elle ne voulait pas qu’il sache, bien qu’il n’en ait pas le détail, Alistair fut navré de la façon dont il envoya sa puînée leur jouer de la musique. C’était surtout le visage de la jeune femme, si fermé soudain qui le lui fit comprendre, car en soit la demande n’avait rien d’anormal. Et le Marquis l’observa prendre place derrière le pianoforte en ignorant bien le reste de la famille, mais sans trouver comment lui apporter son soutien. Il ne faisait qu’essayer d’être poli et correct, et Sir Blooming n’avait pas tort, même si sa fille avait passé la vingtaine, contrairement à la cadette, elle n’avait pas fait ses débuts et la coutume voulait que se soit l’aînée de la famille qui soit le centre de l’attention. Même si c’était maladroit de la part du Lord, qui venait cependant de perdre sa femme et se voyait donc en charge de marier ses trois filles à sa place. Une tâche peu aisée et avec laquelle il compatissait. Il espérait bien que les siennes auraient une belle- mère bienveillante pour les aider dans cette entreprise complexe.

A l’invitation à dîner, Alistair n’eut qu’une envie : fuir. Toute cette situation le mettait mal à l’aise, et ce n’était pas correct de donner de faux espoirs au baronnet, d’un autre côté, autant apprendre à mieux connaître la famille qu’il avait invité à séjourner chez lui. Il regarda Mrs Montgomery qui l’encouragea d’un sourire chaleureux et il finit par forcer un sourire et accepter.

« Bien sûr. » Les mêmes mots, l’amertume en moins. Et puis il s’efforcerait de se montrer un peu moins… Moins quoi ? Il n’avait pas eu l’impression d’avoir été autre chose que poli, ce qui avait nourri des espoirs bien malgré lui. Il aurait pu être le pire des rustres que cela n’aurait sans doute rien changé, quand la famille voyait en lui un célibataire. Mais lui-même était bien décidé à attendre l’année prochaine avant de songer à quoique ce soit, comme s’il refusait de se poser la question. L’anniversaire du décès de son épouse approchait, puisque c’était durant le mélancolique automne, une date qui ne se fêtait pas bien sûr, et il avait décidé d’attendre symboliquement qu’elle soit passée, par respect pour sa mémoire. Alors le deuil aurait été assez long pour qu’il s’autorise à être heureux à nouveau, du moins sur le papier, car dans les faits, cela semblait bien plus compliqué.

Sa voisine toussa, tentant d’étouffer cela discrètement dans un mouchoir.

« Vous êtes malades, Miss ? » Peut-être ne devrait-elle peut-être pas porter de robe aussi ouverte sur la poitrine, mais ce n’était pas le genre d’Alistair de se faire ce genre de réflexion.

« Juliet a les poumons fragiles depuis… Depuis quelque temps. » Le regard de Sir Jonathan devint sombre et triste, alors que Juliet termina la phrase.

« Depuis l’incendie du marché. »
« J’ai entendu que votre famille avait été particulièrement touchée, je ne savais pas que vous y étiez vous même mademoiselle. Toutes mes condoléances. Et j'espère que vous rétablirez bien vite »

« Merci Mylord, je me porte déjà bien mieux. »
Jonathan se força à sourire, même le regard de Juliet fut traversé par un fantôme tragique, même s'il était évident qu'elle était celle qui cachait le mieux sa peine, quant à Ophélia, elle regardait le plancher. Le Marquis quant à lui aurait volontiers évité le sujet, et à voir le visage de chacun, cela se comprenait. D’autant qu'évidemment, il ne tarderait pas à recevoir lui-même des condoléances.

« Veuillez également recevoir nos condoléances pour votre femme, Mylord. »
« Je vous remercie, mais cela fait bien longtemps désormais. Parlons de sujets plus joyeux, voulez-vous. » De temps en temps, l’écossais regardait en direction de Cordélia, dont il trouvait la musique magnifique, même s’il n’était pas un fin connaisseur, ou bien adressait un sourire aimable à la jeune Ophélia. Il regrettait de ne pas pouvoir écouter pleinement, d’autant que la discussion délicate lui demandait de prendre sur lui.

Et comme si Jonathan Blooming ne lisait pas dans ses pensées, ou le contraire, celui-ci demanda à sa fille de jouer moins fort. Il est vrai qu’ils avaient dû hausser le ton par moment, ou bien que le Marquis s’interrompait régulièrement pour la regarder, mais ce dernier trouva cela bien dommage.

« Votre fille joue divinement bien, Sir. » Et il sourit à la demoiselle, désolé qu’elle se voit brimée ainsi dans son art. Le divinement était peut-être exagéré, mais encore une fois, il n’y connaissait pas grand chose, et le fait qu’il l’appréciait jouant fortement en sa faveur.

« Il paraît que vous avez des enfants, Mylord. Quel âge ont-ils ? Sont-ils à Londres avec vous ? » Reprit Juliet, qui savait effectivement toujours entretenir ou relancer une conversation.
« J’ai deux filles, en effet, qui sont à Londres avec moi. Deirdre a cinq ans et Ceana, trois ans. »
« Elles sont si jeunes ! » fit la discrète Ophélia, compatissante et empathique. Alistair lui sourit. Si jeune oui, pour perdre leur mère... Mais ce n'était pas plus triste qu'à leur âge.
« D’ailleurs, Mrs Montgomery, peut-être voulez-vous que la voiture vous ramène auprès d’elles ? »
« Oui, Mylord, je n’osais vous interrompre, mais je ne voudrais pas m’imposer pour le dîner et les filles doivent avoir besoin de moi. Puis-je rester encore un peu pour écouter Miss Cordélia ? »

« Bien sûr. Sir Blooming, ne m’aviez-vous pas parlé de musiciennes au pluriel ? Vos filles forment-elles un joli trio ? » Joli, il n’en doutait point. Musicalement joli peut-être ? Mrs Montgomery voulait de la musique, lui voulait libérer quelque peu son espace personnel, discuter avec le père peut-être et donner un peu plus d’espace à la cadette. Et enfin se sentir libre de regarder celle avec qui il avait apprécié échanger jusque là et qu’il découvrait sous un regard différent : celui du célibataire, rôle dans lequel la famille Blooming le poussait bien malgré lui. S'il devait montrer de l'intérêt pour une des filles du baronnet, comme celui-ci semblait le pousser à le faire, son choix lui semblait arrêté depuis longtemps. Malgré le côté solaire de l'aînée, il n'arrivait pas à la trouver sincère, là où Cordélia avait brillé par son honnêteté, ne rendant pas toujours les choses faciles, certes. Mais ils se connaissaient peu et avaient déjà eu des discussions profondes et intéressantes.

 
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Message() / Lun 12 Déc - 19:52
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Elle se savait déraisonnable. Elle savait que si le Marquis avait porté la même attention à Ophelia, elle en aurait été attendrie. Mais parce que c’était Juliet, tout en elle s’emballait à une vitesse vertigineuse et sa raison n’avait plus le même poids. D’un coup, elle en voulait à la terre entière et sa jalousie la mordait de manière cruelle, alors même qu’elle aurait dû encourager cet intérêt, comme elle avait promis de le faire. Aussi, lorsqu’il accepta leur invitation à dîner, elle ne sut si elle devait s’en réjouir ou non. Elle aurait aimé poursuivre leur conversation, mais savait qu’elle risquait davantage d’assister aux prolongations de cet affligeant spectacle. Le Baronnet quant à lui était aux anges. « Formidable ! » Il ordonna immédiatement qu’un couvert supplémentaire soit prévu à la table.

Et pourtant, malgré l’animosité qu’elle éprouvait si facilement envers son aînée, l’entendre tousser lui était toujours aussi douloureux. Car non, elle n’éprouvait aucune joie à la savoir souffrante, c’était bien tout le contraire, même si elle ne le montrait guère. Elle continua à jouer de manière presque automatique malgré l’ombre qui traversa son visage. Sans doute les deux soeurs avaient elles loupé le coche, ce malheur infini qui aurait pu les rapprocher. Mais peut-être était-il déjà trop tard. Trop de rancoeur entre elles, bien trop de rivalités et d’amertume. Elle ne le saurait très certainement jamais.

Elle écouta en partie la conversation, jusqu’au compliment du Marquis. Elle savait celui-ci fortement exagéré, et pourtant il eut l’effet escompté et elle se radoucit quelque peu. Elle sourit, amusée et même un peu flattée malgré tout. « Vous êtes bien aimable Milord, mais j’ai peur que mon jeu soit tout juste acceptable. » Comme toujours, elle était particulièrement exigeante envers elle-même: tout ce qui n’était pas l’excellence était forcément médiocre. Mais en l’occurence, elle n’avait pas tort. Elle jouait plutôt bien, certes, mais ses talents en la matière avaient de fortes limites. Elle avait le niveau de bien des jeunes filles éduquées, ni plus ni moins. Elle continua néanmoins, tandis que Juliet relançait la conversation comme elle savait si bien le faire. Elle se rendit compte qu’elle était parvenue à se calmer, fort heureusement, même si l’attitude de la blonde avait le don de l’agacer prodigieusement. Elle la savait prête à tout pour garantir une union et craignait qu’elle n’aille trop loin avec le Marquis, qui était visiblement encore marqué par le décès de son épouse. De nouveau elle se sentait animée de cet instinct de protection et d’autant plus réfractaire à l’attitude de sa soeur. Etait-elle obligée de se donner ainsi en spectacle devant tous les hommes qui croisaient sa route ?

La demande de Mrs Montgomery la fit sourire de nouveau, heureuse qu’elle était de faire plaisir à cette généreuse femme. Mais la demande de Lord Graham un peu moins. Et bien sûr, Sir Jonathan ne put que s’empresser d’approuver la requête du Marquis. « En effet, mes filles chantent merveilleusement bien et se feront un plaisir de se produire pour vous Milord. » Il fit immédiatement signe à Juliet et Ophelia de rejoindre la puinée derrière l’instrument. Cette dernière aurait souhaité que son père ne soit pas si élogieux, craignant que leur invité ne s’attende maintenant à une performance des plus exceptionnelles. Enfin, s’il le fallait…

Elle prit quelques minutes pour choisir le morceau. Elle sélectionna une chanson qui lui sembla la plus inoffensive possible, une éloge à la beauté de la campagne anglaise. Elle osait espérer que cette fois-ci, rien ne viendrait tourmenter le Marquis ou lui rappeler de sombres souvenirs. Elle pouvait sentir déjà les regards interrogateurs de ses soeurs, car si toutes trois avaient des goûts différents, elles s’accordaient sur le fait que ce morceau était loin d’être leur favori. Elle devrait aviser plus tard quelle explication leur donner si jamais elles l’interrogeaient.

Cordelia chanta les premières notes afin d’accorder le rythme de l’instrument, puis leurs voix s’élevèrent dans la pièce, tantôt à l’unisson, tantôt l’une ou l’autre seule. Elles avaient tant et tant pratiqué ensemble que chacune s’accordait parfaitement aux deux autres. Dans ces moments là il aurait été bien difficile de deviner que la plus grande discorde régnait entre deux des soeurs.

Régulièrement elle leva les yeux, brièvement, pour rencontrer le regard du Marquis. Sans savoir ce qu’il pensait, si c’était réellement sur elle que ses yeux se posaient, ou sur toutes les trois, ou sur Juliet (peut-être plus vraisemblablement). Elle s’efforça de se concentrer malgré tout et de continuer sans trop se laisser distraire, sans se demander ce qu'il pouvait penser de leur performance, jusqu’à la toute dernière note. 
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Message() / Mar 13 Déc - 22:55
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Tout juste acceptable lui convenait parfaitement, voilà ce que son sourire disait. Aimable, poli, point trop expansif. Néanmoins, s’ils avaient pu en discuter un peu plus, le Marquis aurait alors compris son exigence, puisqu’il n’était guère plus tendre avec lui-même et peut-être que cela l’aurait attendri sur sa propre personne. Une leçon qui lui serait fort profitable. Car si l’excellence est admirable, elle n’est pas toujours nécessaire, surtout dans un domaine qui, selon lui, n’est pas utile au fonctionnement du monde. Tout comme la poésie.

Le baronnet accéda à sa demande, et Alistair espérait profiter de cet intermède pour échanger quelques mots avec lui et lui faire comprendre, quitte à exagérer un peu, qu’il n’était pas disposé à courtiser ses filles, pas encore du moins. Comme tout le monde, lorsqu’il entendait un parent vanter les mérites de ses enfants, il s’imaginait que c’était sans la moindre objectivité. Après tout, qui ne s’était pas déjà retrouvé forcé d’écouter une jeune femme qui chante faux ou ne maitrise pas son instrument ? Alistair lui-même en frissonnait rien que de repenser à l’une de ces soirées. Beaucoup avaient trouvé le spectacle hilarant, mais lui en avait été mortifié. Pour cette fois, il avait confiance en la franchise de Cordélia et se doutait bien que ces trois demoiselles ne se ridiculiseraient pas devant lui.

Tout le monde se tût, les regards rivés sur les demoiselles. Dès la première note, le Marquis fut impressionné par la confiance qui émanait des jeunes femmes. L’on sentait déjà leur expérience et leur travail. Puis il fût tout bonnement happé par le spectacle, par ces trois voix sublimes qui s’accordaient merveilleusement bien ensemble : la voix suave de l’ainée, celle légèrement écorchée de la seconde puis celle plus aiguë de la cadette. Il fallait être sourd pour ne pas déceler le talent des trois sœurs et la qualité de ce trio. Jonathan Blooming n’avait pas menti. Le Marquis ne cherchait pas à se concentrer plus sur l’une que sur les autres, il regardait celle qui avait la mélodie, ou bien les trois en même temps, mais son regard finissait toujours pas s’attarder un peu plus sur la jolie brune. Peut-être parce que le sujet de la chanson la rappelait à lui, qu’il ne pouvait s’empêcher de croire que ce n’était pas un hasard. Ou peut-être parce qu’il ne l’avait jamais vu ainsi, aussi lumineuse. Sa si belle voix lui remémorait le poème qu’elle lui avait déclamé, avec cette élocution si plaisante, mais il resta ici, présent parmi eux et ne se laissa pas gagner par ses tristes souvenirs cette fois. Pas dans ce contexte.

La dernière note résonna longtemps dans ses oreilles, alors que le maigre public applaudissait, il mit un peu plus de temps à émerger, le regard perdu dans celui de la jeune femme, indéchiffrable. Puis il lui sourit avec tendresse, de tout son visage et jusque dans ses moindre ridules, avant de se détacher d’elle. C’était Sir Blooming qui l’en avait sorti, bien qu’il ne saurait jamais ce que celui-ci avait dit. Il rejoignit alors les applaudissements.

« Vous n’avez pas menti, Sir, vos filles ont un vrai talent et forment un magnifique trio. »

Et puis, pendant que les filles rangeaient leurs partitions, Jonathan Blooming annonça le dîner, emmenant son invité avec lui en direction de la salle à manger. Le Marquis reconduisit d’abord Mrs Montgomery, une fois que celle-ci eut dit au revoir à tout le monde Devant la porte, il lui demanda de le faire quérir s’il y avait le moindre souci, notamment concernant sa Grâce. Ce qui attisa la curiosité du baronnet, et alors qu’il marchait dans le couloir, le Marquis lui fit donc part de ses inquiétudes et l’avisa de la maladie du Duc. Et puis une fois dans la salle à manger, Sir Blooming lui demanda comment il avait trouvé ses filles, en insistant sur Juliet - attendue et sans grande subtilité - mais Alistair ne s’en offusquait pas, et lui répondit simplement que ses filles étaient charmantes et bien éduquées, qu’elle lui faisait honneur. La discussion se poursuivit ainsi, et Jonathan Blooming se montrait quelque peu insistant, tout en tournant autour du pot bien sûr, tandis qu’Alistair ne voulait rien lâcher. Si bien que tout cela commençait fortement à l’agacer et qu’il finit par dire, un peu sèchement bien que plein de bonnes intentions :  

« Sir Blooming, avec tout le respect que je vous dois, et même si d’un veuf à un autre, je vous comprends et imagine très bien à quel point vous devez vous sentir démuni, il vous faut vous rendre à l’évidence : je ne courtiserais pas vos filles et votre insistance ne leur rend pas service. »

Evidemment, lorsqu’il se retourna, les trois demoiselles se trouvaient à la porte. Le Marquis fit une moue à la fois gênée et crispée, puis s’en alla prendre place, le visage fermé, alors que Jonathan Blooming en faisait de même en bout de table.

***

Dans le salon, Juliet avait attendu le départ des hommes et de la gouvernante pour afficher sa mauvaise humeur, n’ayant visiblement pas eu assez d’attention à son goût, elle se vengea sur sa cadette brune, tout en essayant d’épargner la plus jeune.

« Évidemment, tu as choisi la chanson qui me met le moins en valeur. Tu as décidé de te garder le Duc pour toi ? Je ne suis pas idiote Cordélia, j’ai vu tes petits regards. Bien joué le coup de l’averse près de chez lui, je ne te pensais pas aussi… calculatrice. Profite de ta longueur d’avance, mais souviens-toi que je suis celle qu’il faut marier en premier lieu avant de te montrer si égoïste. » Sa version des choses changeait en fonction des regards qu’elle attirait, et si ce n’était pas pour lui convenir, c’était forcément que quelqu’un avait comploté quelque chose, et elle ne craignait pas de se montrer mesquine. Car Juliet ne supportait pas de ne pas être le centre du monde. Même si elle avait pour habitude de détourner la réalité quand cela l’arrange, cette fois il aurait été impossible de ne pas remarquer que c’était Cordélia que le Marquis avait regardé avec le plus d’insistance à la fin de la chanson. Mais seulement à la fin.
« Ceci étant...Il m'a offert un si beau sourire sur mon solo, fit une Juliet qui s’était reprise et qui était bien décidée à faire enrager sa sœur. Cet homme a un regard si doux et si mélancolique… Et il était si captivé par notre performance. Il a définitivement besoin d'une épouse lumineuse et qui saurait rendre sa vie meilleure. »  Juliet se recoiffa pendant que ses sœurs rangeaient, puis elle recoiffa également la douce Ophélia et échangea quelques mots bienveillants avec elle, la poussant à participer un peu plus.

Alors qu’elles arrivèrent au moment fatidique dans la salle à manger, Juliet lança un sourire en coin à Cordélia. C’était bien la seule qui semblait se réjouir de la situation, bien qu’elle le faisait loin du regard du Marquis et de son père. Elle prit place à côté du premier. C’est Ophélia, contre toute attente, qui relança la discussion, en demandant au Marquis s’il avait des animaux de compagnie, puis en parlant de son gros matou qu’elle adorait particulièrement. Alistair évoqua ses chiens, chiens de chasse avant tout, mais aussi de salon pour certains, et son cheval. Et puis Juliet poursuivit en parlant de leur voyage à venir chez le Marquis de Berkeley. Alistair répondit qu’il n’avait pas eu la chance de rencontrer le Marquis, tout en leur souhaitant un bon séjour chez celui-ci. Petit à petit, Jonathan semblait se détendre, le Marquis non, mais il savait se montrer poli en toutes circonstances visiblement... Ou presque.

 
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Message() / Mer 14 Déc - 18:44
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La musique était peut-être le seul moment où les trois soeurs se retrouvaient en parfaite harmonie. Elle soigna son interprétation au pianoforte autant que possible, jusqu’à la toute dernière note, et leva les yeux pour rencontrer le regard du Marquis, qui s’accrocha au sien. Doucement, ses lèvres esquissèrent un sourire en réponse au sien, apportant une rare douceur à son visage avant que l’on ne vienne interrompre ce moment. Elle détourna les yeux et inclina la tête en direction du petit public avant de se lever afin de saluer Mrs Montgomery  qui était alors sur le départ. Celle-ci lui fit promettre une fois de plus de lui écrire en cas de besoin et ils quittèrent la pièce, laissant là les trois soeurs.

Alors qu’elles rangeaient leurs partitions, Juliet eut l’opportunité d’exprimer toute sa mauvaise humeur. Cordelia se sentit quelque peu prise de cours par de telles accusations, tout en éprouvant un malin plaisir à l’idée que sa soeur se soit sentie négligée, pour une fois. Elle afficha un sourire quelque peu moqueur. « Je tâcherai de m’en souvenir, ma chère Juliet. » Néanmoins, cela posait question: car si même la jolie blonde avait remarqué quelque chose, c’était peut-être qu’il y avait en effet quelque chose à remarquer, aussi difficile à croire que cela fut. Elle estimait qu’il faisait le plus grand bien à sa soeur aînée d’être un peu ignorée, mais cette dernière semblait ne pas l’entendre de cette oreille. Cordelia avait suffisamment l’habitude de ses remarques pour l’ignorer la plupart du temps. Mais parfois, Juliet parvenait à faire mouche. Et la puinée ne trouva rien à lui rétorquer, car elle ne pouvait qu’admettre qu’elle avait raison. C’était exactement le type de femme dont le Marquis avait besoin. Et bien sûr tout ce qu’elle n’était pas. « Je sais… » souffla-t-elle pour elle-même.

Elle termina de ranger en silence tandis que l’aînée recoiffait la benjamine, puis toutes trois sortirent de la pièce pour rejoindre les deux hommes. Juste à temps pour être témoins d’un coup d’éclat pour le moins surprenant. Les yeux de Cordelia s’arrondirent, tandis qu’elle voyait la jolie blonde jubiler. Elle secoua la tête. Sa soeur la surprendrait toujours tant elle était incapable de lire une situation correctement. Car elle n’en voulait pas le moins du monde au Marquis, elle le comprenait même, sachant à quel point son père pouvait se montrer poussif. Plus que jamais, elle avait l’impression de l’avoir mené dans un traquenard. Elle était également soulagée qu’il n’ait pas de prétention envers Juliet, ou même envers elle, même si elle avait encore du mal à ne pas trouver l’idée absurde. Elle n’était pas prête à ce genre de choses. Il lui restait des mois pour se préparer à se trouver dans un rôle de débutante. Elle ne le pouvait pas, pas encore.

Pourtant, elle ne pouvait cesser de penser aux paroles de son aînée, qui s’étaient insinuées dans son esprit comme du poison. Elle se savait parfois manipulatrice pour obtenir ce qu’elle souhaitait. Avait-elle manipulé le Marquis d’une façon ou d’une autre, même sans l’avoir voulu ? Car sa soeur avait raison, même si elle détestait l’admettre: lorsqu’elles étaient côte à côte, nulle comparaison n’était possible. Aucun homme ne l’aurait davantage regardée elle, sans y avoir été aidé, sans que cela lui soit suggéré d’une manière ou d’une autre.

Assise face à Lord Graham, elle suivait à peine la conversation, la plupart du temps plongée dans ses pensées. De temps en temps, elle intervenait vaguement afin de ne pas être impoli, pour retourner ensuite à l’examen de son assiette qu’elle toucha à peine. Lorsque le sujet dériva sur les parties de chasse, elle entendit à peine et perdit l’occasion d’avoir l’un de ses habituels éclats de colère envers ce sport qu’elle jugeait barbare. Elle détestait Juliet de parvenir ainsi à entrer dans son esprit, de la laisser avoir ce pouvoir sur elle à certains moments.

Elle leva les yeux vers leur invité, qui se montrait parfaitement poli. Mais à croire qu’elle commençait un peu à le connaitre, elle ne le sentait pas aussi à l’aise qu’il le prétendait. Sa mâchoire était plus contractée, de même que l’emprise de ses mains autour des couverts. Et parce qu’elle s’en sentait responsable, elle décida de lui ouvrir une porte de sortie. Elle but une gorgée de son verre et commença à mimer une quinte de toux. Une toux qui ne s’arrêtait plus. « Pardonnez-moi, je reviens. » Articula-t-elle avec difficulté, avant de se lever et de sortir, toujours en toussant. Elle aurait la voix fortement enrouée le lendemain pour avoir fait une chose pareille.

Une fois dans le couloir, elle se rendit dans le petit salon, où se trouvait le secrétaire de sa mère. Elle y prit un morceau de papier sur lequel elle griffonna au crayon:

« Si vous souhaitez vous éclipser, prétendez  qu’avec ce billet on vous fait chercher. Je vous attends dans l’entrée. »

La famille étant en plein dîner, on le laisserait sans doute partir facilement s’il insistait pour qu’on ne l’accompagne pas jusqu’à la porte. Et s’il souhaitait rester, elle retournerait se rasseoir comme si de rien n’était. Elle alla trouver l’une des domestiques qui s’apprêtait à servir le prochain plat et lui confia le morceau de papier plié en lui recommandant de le donner à Lord Graham, sans dire à personne qu’il venait d’elle, évidemment. 
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Message() / Jeu 15 Déc - 9:03
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Le dîner ne se déroulait pas mal, loin de là, la compagnie n’était pas désagréable non plus. Pourtant, pourtant il était crispé, malheureux que les mots lui aient échappé alors que Sir Bloomin et ses filles ne méritaient pas ça. Et il continuait de jouer le jeu, de discuter de choses et d’autres. Il fallait bien avouer que les discussions étaient plus légères et que lui et Jonathan avaient fini par se trouver un sujet en commun : la chasse. Il ne put s’empêcher de remarquer que Miss Cordélia participait peu et qu’elle avait à peine touché son assiette, et il se sentait concerné. Qu’il l’ait blessé, ou qu’elle soit malade, il s’en voudrait.

Et d’ailleurs, voilà qu’elle fut prise d’une quinte de toux et quitta la table en s’excusant, ne le laissant qu’encore plus inquiet.

Un instant plus tard, c’est un mot qui lui parvint. La délicate écriture aurait pu le faire sourire, mais le contenu était bien étrange, à la fois intrigant et déplacé. Il n’aimait guère la manœuvre et n’avait pas envie de mentir au Blooming, mais il devait bien avouer qu’il était las pour aujourd’hui, que le sauvage écossais reprenait le dessus, quand bien même son invitation tenait toujours. La famille Blooming n’était pas une mauvaise fréquentation, elle vivait seulement des temps difficiles et ne la gérait pas au mieux. Et il comprenait quelque part que l’ainée, pourtant ravissante, n’ait pas encore trouvé son époux, bien qu’il ignorait tout de son histoire et s’en moquait car son père pouvait faire fuir les prétendants de la même manière qu’il l’avait poussé à se montrer grossier… Ou plutôt implacable. C’est lui qui avait été grossier et il ne se le pardonnait pas. Il était aussi intrigué par le fait qu’elle l’attendait, avec probablement quelque chose à lui dire. Il méritait certainement quelques réprimandes, et désirait tout autant avoir l’occasion de s’excuser.

A ses côtés, Miss Blooming tenta de lire discrètement par-dessus son épaule, ce qu’il ne remarqua pas, mais elle, cependant, devait bien avoir reconnu l’écriture de sa sœur. Elle tendit le bras et reprit un peu de vin. Le Marquis se leva, s’excusa et les abandonna, les priant de ne pas se déranger alors qu’ils étaient en plein dîner. Il était rappelé chez lui, et il ne donna pas plus de précision.

C’est avec un air neutre et indéchiffrable qu’il rejoignit la jeune femme dans l’entrée, rassuré de voir qu’une domestique attendait à ses côtés. Il s’arrêta devant elle, le visage si partagé entre plein de choses contradictoires.

« Vous n’auriez pas dû faire ça… Et je ne vous recommande pas de le reproduire. Cela ne vous donnerait pas une bonne image, même si je vous connais assez maintenant pour croire que vos intentions soient autres choses que louables. » Ce genre de manœuvre était généralement réalisé par des jeunes femmes souhaitant piégés un célibataire, c’était bien trop retors à son goût. Lui qui donnait tant de crédit à l’honnêteté et à la rectitude d’esprit. C’était d’autant plus vrai que cela l’avait conduit à mentir à sa famille et qu’il n’aimait pas ça, même s’il ne remettait la faute que sur lui-même. Il avait choisi la curiosité, et l’option de discuter avec la demoiselle avant son départ. Il espérait réellement qu’elle ne referait jamais une telle chose, ou que c’était parce que c’était lui, qu’ils s’estimaient l’un l’autre et qu’elle le pensait suffisamment honorable. Néanmoins, il n’était qu’un homme, aussi droit fût-il dans ses bottes, il n’était pas à l'abri de commettre un geste déplacé si on l’y poussait.

« Et je n’aurais pas dû accepter, non plus, je le sais fort bien. Cependant, je souhaitais vous parler. D’abord pour vous faire part de mon inquiétude concernant votre santé, je m’en voudrais si vous aviez attrapé quoique ce soit sous cette averse. Donnez-moi de vos nouvelles, je vous prie. Ensuite, afin de m’excuser pour mes propos extrêmement déplacés à votre égard et à celui de vos sœurs. Votre père est dépassé et angoissé, et je l’entends très bien ; il ne pourra vraisemblablement prendre soin de lui que quand vous serez mariés, ou au moins votre aînée. Il a été insistant, certes, mais rien qui ne justifie mes propos. J’ai été incorrect et j'ai manqué de patience et de tolérance. Si je puis faire quoique ce soit pour aider votre famille, votre sœur, je le ferai.
Sachez que cela n’avait rien de personnel, ni rien à voir avec vous ni avec vos sœurs. J’ai fait une promesse à la Reine, tout en ne pensant pas complètement mes propos : je ne souhaite simplement pas penser à l’idée de me remarier avant le début de la prochaine saison.
»

Et Alistair était particulièrement réfractaire à l’intervention de tierces personnes, cela avait tendance à le bloquer complètement. Il ne voulait pas qu’on le pousse ou qu’on l’influence, d’une quelconque manière et en réponse, il pouvait être un brin excessif visiblement. C’était quelque chose qu’il découvrait finalement.

Le majordome les interrompit pour apporter son manteau, son chapeau et ses gants, l’aidant à enfiler le premier.

« Nous avons encore quelques minutes devant nous, si vous souhaitez parler de quelque chose… » Poser quelques questions…

 
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Message() / Jeu 15 Déc - 14:15
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Elle avait décidé d’attendre quelques minutes. Si jamais il ne venait pas, elle en conclurait qu’elle avait tout simplement mal interprété la situation, ou bien qu’il était trop poli pour quitter la table, ce qu’elle respecterait tout à fait. Elle n’était bien évidemment pas restée seule afin de ne leur causer d’ennui ni à l’un, ni à l’autre. Même si sous ce toit, nul ne penserait certainement jamais qu’il puisse avoir ce type d’intention envers quelqu’un comme elle, Juliet le lui avait bien assez fait comprendre.

Il ne tarda pas à apparaitre cependant et elle quitta le mur contre lequel elle s’était appuyée pour lui faire face. Pourtant, ses premières paroles furent loin d’être plaisantes. Seigneur, il était si rigide, cet homme avait sérieusement besoin de se détendre ! Et le simple fait que ce soit elle qui le pense était déjà une preuve en soi. En la matière, elle avait définitivement trouvé son maître, et de loin. Or, plus elle le connaissait, moins elle était réticente à rétorquer et sa réaction ne se fit pas attendre (mais bien sûr à voix basse) tandis qu’elle le fusillait du regard. « Croyez-vous que je passe mon temps à envoyer des mots aux hommes pendant les dîners ? Vous sembliez… fatigué et je me sentais coupable de vous avoir mis dans cette situation. Je ne vous ai forcé en rien, que je sache. » Ou en tout cas elle doutait fortement que les mots griffonnés par une demoiselle d’une vingtaine d’années aient pu avoir un quelconque pouvoir de persuasion sur lui. Elle ne put s’empêcher d’ajouter. « Et si vous pouviez cesser de me réprimander comme une enfant, c’est extraordinairement agaçant. »

Ce fut étrangement alors qu’elle le rabrouait à son tour qu’elle prit conscience qu’elle avait commencé à développer une forme d’affection pour lui. Elle avait cette tendance paradoxale à laisser son mauvais caractère s’exprimer naturellement envers ceux qu’elle appréciait et se dissimuler sous des dehors mielleux dans le cas contraire. Pour autant, son agacement n’était pas feint. Le Marquis avait bien des qualités, mais le simple fait que l’on s’adresse à elle de manière si condescendante et autoritaire pouvait la mettre absolument hors d’elle, et elle espérait bien qu’il finirait par entendre raison sur ce point.

Pour cette raison, elle décida de ne pas s’attarder sur le sujet de sa santé. Si elle avouait qu’elle avait fait exprès de tousser, nul doute qu’il trouverait encore le moyen de lui faire des reproches. Cependant, elle apprécia sincèrement ses excuses, et même si elle se doutait qu’il avait dû être poussé à bout par l’insistance de Sir Jonathan, elle aurait détesté qu’il reparte sur une mauvaise impression de sa famille. Son visage se radoucit, de même que le ton de sa voix, et elle acquiesça d’un signe de tête. « Ne soyez pas désolé, je vous en prie. Je connais mon père, je sais qu’il peut parfois être… pressant. Et il a dû l’être pour que vous vous emportiez. J’espère seulement que la soirée ne vous a pas été trop pénible. » Elle était touchée, oui, et également qu'il ait ainsi proposé de leur offrir son aide. Elle resta un instant silencieuse avant de reprendre. « Je vous comprends, vous savez. Moi non plus je n’ai pas envie d’y penser pour le moment. Après tout ce qu’il s’est passé… je crois que je ne suis pas prête, pas encore du moins. » Elle avait cru l’être pourtant, si impatiente de rentrer en Angleterre et de faire ses débuts, d’être à son tour au centre de l’attention. C’était il y a seulement quelques mois, mais cela lui semblait déjà une autre vie.

Elle se tut lorsque le majordome vint apporter les vêtements de Lord Graham, s’attendant à ce que leur bref entretien s’achève ici, mais ce dernier semblait avoir une autre idée en tête. A vrai dire, elle n’avait pas eu de motif autre que celui de le sortir d’une situation qui lui paraissait pénible, mais à présent qu’il ouvrait cette porte…

Cordelia avait toujours eu pour principe de se mêler le moins possible des affaires d’autrui. Si on lui faisait une confidence, ce n’était jamais sur sa demande. Mais elle n’avait pas oublié les paroles du Marquis avant qu’ils n’entrent dans la maison, à un moment où elle n’avait pas eu l’opportunité de lui demander davantage d’explications. Alors, elle osa. « Tout-à-l’heure… vous avez mentionné quelque chose que vous vouliez me dire, à propos du poème… quelque chose que je ne savais pas. » Elle joignit ses mains au niveau de sa taille et entremêla ses doigts, quelque peu nerveuse. « Vous n’avez pas besoin de me dire quoique ce soit, bien sûr. Mais si vous le souhaitez, sachez que je vous écoute. »  
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Message() / Ven 16 Déc - 9:12
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Encore une fois, le Marquis se retrouvait remis à sa place, surpris par l’aplomb de la jeune femme, ce qu’il admirait. Cela le laissa quelque peu sans voix, et lorsqu’il se reprit, il répondit simplement : « Je… Il est vrai. » Elle n’était en effet pas une enfant, mais bel et bien une jeune femme. Une jeune femme pour qui il nourrissait de l’affection, et il était sans doute plus simple pour lui de la voir comme une autre jeune fille qu’il devait superviser, plutôt que pour ce qu’elle était vraiment. Il en prit bonne note et ferait plus attention à l’avenir.

Elle l’écouta s’excuser, et quoiqu’elle ait à dire, il n’en pensait pas moins que son attitude avait été inacceptable. S’il n’avait pas été Marquis et futur Duc, le baronnet l’aurait certainement mis à la porte, et il aurait eu raison de le faire, pensait-il. Même si pour lui, le rang ne devait  pas justifier de tolérer l’impolitesse.

« Cela n’excuse rien. Et je sais que vous en doutez, mais j’ai tout de même passé une agréable soirée et cela ne change évidemment rien à mon invitation. » Avait-il l’air toujours si grognon qu’elle le pensait si souvent malheureux ? Sans doute, mais il était bien assez capable de dire le fond de sa pensée et de s’esquiver tout seul d’une situation pénible. Certains aspects de la soirée avaient été pénibles, cela ne voulait pas dire qu’il avait passé un mauvais moment de manière générale. Il avait juste voulu recadrer certaines choses, en s’y prenant très mal certes, mais n’avait aucun grief à l’égard de Jonathan Blooming. Les gens avaient souvent tendance à confondre, là où lui n’y voyait rien de personnel. Il mettait juste un frein à certains comportements afin que leur relation se poursuive dans de meilleures conditions.

Une fois rhabillé, le Marquis attendit la réponse de la jeune femme. Peut-être n’y aurait-il aucune question, ce qui le décevrait un peu, pas qu’il eut envie de répondre de quelque chose en particulier, simplement qu’il ne se sentait pas pressé de partir, sans trop savoir pourquoi. Non sans hésitation, la jeune femme se décida et il ne fut pas vraiment surpris par le sujet choisi ; il avait lancé assez de perches pour éveiller la curiosité de n'importe qui, même si ce n'était pas son but.

Avait-il envie d'en parler ? Pas vraiment. C’était quelque chose de délicat à dire à voix haute, il ne savait même pas comment s’y prendre, de quelle façon l'annoncer. Néanmoins, il devait bien admettre que toutes les conditions étaient réunies pour ce genre d’aveu et qui pouvait dire quand elles le seraient à nouveau ? Alors qu’il avait effectivement envie qu’elle le comprenne un peu mieux, ou du moins qu’elle ne se sente plus visée par ses humeurs. Et puis ne devait-il pas être fidèle à ses propres paroles ? Il prit une profonde inspiration, mais sa gorge se noua rien que d’y songer. Il sentait l’émotion reprendre possession de lui, même s’il la repoussait autant que possible. Malgré tout, sa voix se fit plus tremblante et moins assurée que d’ordinaire.

« Mon épouse a… Elle a… » C’était si complexe à dire, si tragique. Elle avait préféré mourir que de vivre avec lui, comment est-on censé annoncer cela tout en ayant la prétention de se remarier ? De quel niveau d’hypocrisie cela relevait ? Quel genre d'homme fuit-on au point d'abandonner ses enfants chéris, d'abandonner la vie ? Certes, il y avait un chagrin d'amour dans l'équation, mais c'était quelque chose qu'il comprenait encore moins et il était hors de question de révéler cela pour le moment, de salir sa mémoire. Il déglutit et se concentra sur un objet quelconque de son champ de vision afin de pouvoir poursuivre. « Elle a choisi de préférer le monde des morts à celui des vivants. » Il avait dit cela d’une traite et préférait ne pas la regarder, par politesse et pour lui laisser le temps d’accuser la nouvelle. Mais il ne pouvait pas ne rien ajouter, il fallait honorer la mémoire de cette femme, d’une façon ou d’une autre. « Maud était d’une grande sensibilité et aimait tant la poésie. » Il sourit doucement, humblement, les yeux humides puis osa enfin la regarder, dans l’attente de sa réaction.

Il était temps de partir, de se retourner et de rentrer chez lui. Mais pas tant qu’elle n’aurait rien dit. Le majordome était parti bien avant heureusement, et il ne restait comme témoin que la chaperonne qui n’avait guère pu se contenir. Main devant la bouche, elle était horrifiée. Bien sûr, qui ne le serait pas ? Quant à Alistair, il ne cherchait plus vraiment à cacher sa peine, même s’il ne bougeait pas et qu’il ne s’autorisait évidemment pas à pleurer ou quoique ce soit qui ne serait pas approprié. Son expression suffisait amplement à trahir sa douleur.

« Vous devez avoir une bien piètre opinion de moi désormais. Je suis désolé. » S’excusait-il auprès d’elle ou auprès de son épouse décédée ?

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Message() / Ven 16 Déc - 15:42
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Quoi, c’était tout ? Loin de s’attendre à ce qu’il cède si facilement, elle s’était attendue à voir son visage se fermer de nouveau, exprimer de la colère même, à l’entendre lui répondre sèchement. Mais non, il avait eu à la place l’attitude la plus choquante qui soit: il lui avait donné raison. Et elle en fut totalement déstabilisée. « Oh… parfait dans ce cas… » Elle ne trouva rien de plus à répondre face à la surprenante efficacité de son coup d’éclat.

Elle était rassurée, il est vrai, que sa famille n’ait pas réussi à totalement le repousser. Et que l’invitation tienne toujours. Elle nota tout de même de souffler quelques mots à son père discrètement, et surtout à sa soeur. Elle imaginait bien que c’était cette dernière qui lui donnerait le plus de fil à retordre. Quoiqu’elle pourrait aussi bien laisser le Marquis se débrouiller, il semblait très bien s’en sortir lui-même et un peu de rejet ferait à Juliet le plus grand bien (si tant est qu’il ait envie de le faire).

Mais bien rapidement, ce fut un tout autre sujet qui occupa ses pensées. Et une question qu’elle regretta rapidement d’avoir posée, lorsqu’elle constata le malaise qu’il exprimait. Il resta silencieux un moment, hésitant, voire même bouleversé. Elle eut alors la conscience d’être peut-être allée trop loin. « Vous n’êtes pas obligé… » commença-t-elle doucement. Mais elle s’interrompit immédiatement en voyant qu’il s’apprêtait à parler. D’une voix qu’elle ne lui connaissait pas encore. Elle se figea, le regardant intensément, consciente qu’il s’apprêtait à lui avouer quelque chose de grave. Elle sentit sa respiration s’accélérer, son corps se tendre, mais ne prononça pas le moindre mot, ne fit pas le moindre geste. Jusqu’à ce qu’elle entende les paroles fatidiques.

Elle savait que cela existait. Mais on n’en parlait pas bien sûr, jamais ou alors comme d’un immense péché. Pour elle, c’était l’un de ces faits éloignés, bien loin de son quotidien et qui ne la concernerait probablement jamais. Et voilà que subitement cela devenait beaucoup plus réel. Et les conséquences se trouvaient là, juste devant elle. Elle écarquilla les yeux et sentit ce coeur qu’elle aimait à clamer ne pas avoir, se briser. Pour l’homme face à elle, pour cette femme qui n’avait vu d’autre choix que cesser de vivre, laissant derrière elle deux petites filles. Elle ne put s’empêcher d’imaginer Tora, à sa place. Et c’était insoutenable.

Elle sentait les larmes lui monter aux yeux, mais se refusait à pleurer. Il était hors de question de le mettre dans une situation où il se sentirait obligé de la consoler, certainement pas maintenant. Elle ne détourna pas le regard pour autant. Sa gorge était nouée et elle ne pouvait que s’en vouloir d’avoir récité ce maudit poème, comprenant à présent bien mieux la réaction qu’il avait pu avoir. Mais ce furent peut-être les derniers mots du Marquis qui lui firent le plus de peine et elle réagit immédiatement. « Comment ? Bien sûr que non… pourquoi cela changerait l’opinion que je peux avoir de vous ? » Sa voix tremblait, si peu assurée qu’elle ne la reconnaissait presque plus et son visage s’était contracté sous le coup de l’émotion. Doucement, elle posa sa main sur son bras. C’était là le seul geste qu’elle pourrait se permettre, que la chaperonne lui pardonnerait aisément étant donné les circonstances. Fallait-il vivre dans une société malade pour qu’il lui soit impossible de réconforter la personne qui souffrait face à elle, sans les mettre tous deux dans une situation plus qu’embarrassante, pour ne pas dire désastreuse.

Ces derniers mois, Cordelia s’était sentie plus proche de la mort qu’elle ne l’avait jamais été, plongée dans des ténèbres qu’elle n’avait pas connues jusqu’alors. Dans ses lectures, dans ses écrits, elle flirtait, dansait avec, s’y plongeait, mais il s’agissait davantage d’exprimer ce qu’elle ressentait, d’apprendre à être plus familière avec ses peurs et ses angoisses. Même au plus mal, jamais elle n’avait été proche d’envisager un tel acte. Ce que la Marquise avait dû endurer, elle ne pouvait même pas l’imaginer. « Je suis si désolée pour vous… pour elle… Si ses tourments étaient suffisamment forts pour… tout quitter ainsi, je ne crois pas que qui que ce soit aurait pu l'empêcher... » Elle se tut, craignant soudain d’avoir dit quelque chose qui n’aurait fait qu’empirer sa douleur. Elle aurait tant aimé savoir avec exacte certitude quelles paroles prononcer pour soulager au moins un peu sa peine. Mais en la matière, même son talent pour les mots ne suffisait pas. Elle baissa les yeux un instant et secoua la tête.

« Je devrais me taire, pardonnez moi si j’ai dit quelque chose de mal… Pardon... » Elle bredouillait, incertaine. Elle le regarda de nouveau. « Je suis là… si jamais vous avez besoin de quoique ce soit… Je sais que ce n’est pas grand chose. » Elle n’avait rien de mieux à lui offrir que son écoute et son épaule, malheureusement, en plus de la promesse intérieure de ne plus jamais parler de poésie en sa présence.  
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Message() / Sam 17 Déc - 9:32
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Il n’était pas obligé, mais une part de lui souhaitait qu’elle sache pourquoi il avait tapé sur ce meuble, pourquoi il s’était tant énervé à la découverte de ses rumeurs, pourquoi il lui était si compliqué d’en parler. Il avait envie qu’elle sache, mais pas envie de le dire, la nuance était subtile, néanmoins importante. Peut-être la considérait-il comme une amie ? Cela ne pouvait être que cela pour qu’ils s’autorisent ainsi à parler de choses si personnelles, et ce même s’il ne la connaissait pas depuis très longtemps. Sa franchise, son regard dénué de jugement, le fait qu’elle semble l’apprécier malgré son mauvais tempérament… Elle lui faisait du bien.

Le plus dur c’était de le dire… Et une fois dit, ce n’était pas si pire. Et il se mit à penser : Et si elle savait qu’elle était amoureuse, qu’elle avait eu un amant ? Que ce même amant était à l’origine des rumeurs ? Et si elle savait à quel point ses sentiments étaient partagés et contradictoires. S’il n’était en rien heureux de l’avoir perdu, surtout ainsi, car il en était immensément triste, l’idée de retrouver une épouse, de chercher quelqu’un avec qui il s’entendrait vraiment, tout cela le rendait éperdument heureux. Inquiet aussi certes, mais elle lui avait offert une deuxième chance et en cela il était redevable, même s’il s’interdisait bien souvent de le penser.

Et puis il chassa tout cela, car ce n’était pas correct. C’était à lui de porter son propre fardeau. Néanmoins il ne regrettait pas de lui en avoir dit un peu, car cela lui avait fait du bien.

Il s’était mis en tête qu’elle serait tellement sous le choc et… déçue, qu’elle ne répondrait probablement pas, et qu’il finirait par se détourner et par rentrer. Et alors peut-être regretterait-il de s’être ouvert et se jurerait-il de ne plus jamais en parler à qui que ce soit.
Au lieu de cela, elle réagit immédiatement et son visage se transforma en un étrange mélange de peine et de tendresse. Pourquoi ? Il pouvait lui faire une liste de questions que le choix de sa femme soulevait et elle serait bien longue. Pourquoi avait-elle choisi de se donner la mort ? Pourquoi n’avait-elle pas choisi de continuer de vivre avec lui ? Pourquoi était-elle si malheureuse avec lui ? Pourquoi y avait-il des rumeurs l’accusant d’avoir maltraité et tuer sa femme ? Pourquoi… C’était ce que Maud avait laissé derrière elle pour toujours, et il pouvait continuer ainsi encore longtemps. Il secoua la tête, plus ému que jamais, tout en refusant de lui dire les milles pourquoi qui feraient qu’elle devrait changer d’opinion sur lui. N’était-ce pas évident ?

Au lieu de ça, elle posa sa main sur son bras et il l’engloba de la sienne, gantée évidemment, sinon il ne se serait jamais permis. Ce n’était pas les envies qui manquaient soudain, alors qu’il la regardait dans les yeux, bouleversé de bien des façons. C’était ce qui lui manquait le plus depuis le décès de Maud : les contacts physiques, la proximité, des petits gestes de tendresse du quotidien. L’on ignorait cela tant qu'on n'était pas marié, et puis pendant des années il n’avait plus eu à penser à ses gants… Même si pourtant ce n’était pas un mariage d’amour, ni le plus heureux, ni le plus tendre, les gestes étaient là, les sauvant de bien des situations. Oh, il n’était pas celui qui remettrait en cause les règles de la bienséance, il avait juste hâte de ne plus être seul.

Grâce à sa main, il trouva le courage de lui sourire. Toujours ému, il ne craignait pourtant plus de se laisser happer par une émotion trop forte ; elle était passée.

« Ne soyez pas désolée. Je ne vous ai pas partagé cela pour vous accabler, ni pour vous faire porter mon propre fardeau. Simplement pour que vous compreniez pourquoi ce poème m’a… touché. »

Et puis il hocha doucement la tête pour lui signifier qu’elle n’avait rien dit de mal. Ah, s’il existait un poème qui puisse lui expliquer les raisons de son geste alors il se jetterait sur le recueil, sans aucun doute. Comme quoi il n’était même pas définitivement fâché avec la poésie.
Puis il acquiesça doucement. « C’est très bien. »

Alors sa gorge se noua à nouveau. Il posa sa main sur son épaule pour la forcer à le regarder, et il parla, le ton grave, bien que toujours tremblant.

« Promettez-moi que si un jour vos tourments vous semblent insupportables… Promettez-moi que vous viendrez me voir. Moi. Ou Mrs Montgomery. Ou n’importe qui. S'il-vous-plaît. »

Elle n’aurait rien à dire, il le devinerait rien qu’à son visage. Et il la porterait aussi longtemps que nécessaire jusqu’à ce qu’elle retrouve goût à la vie, s’il le fallait. Ne pas avoir eu une chance de la sauver était aussi insupportable que l’incompréhension.
La domestique se racla la gorge et Alistair recula d’un pas, rompant tout contact. Il n’y avait pas eu de gestes réellement déplacés, mais elle avait raison, cela n’avait que trop duré et il ne voulait certainement pas mettre en péril la réputation de la jeune femme.

« Bonne soirée, Miss Cordélia. »

Et il devait bien admettre qu’il lui tarderait de recevoir sa visite en Écosse et de lui faire visiter les plus beaux coins de son pays.

La porte se referma derrière lui et il inspira longuement l'air frais du soir avant de monter dans sa voiture.

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Message() / Sam 17 Déc - 14:54
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Rarement elle avait tant craint de faire quelque chose de travers, de dire quelque chose de mal. Et elle ne pouvait s’empêcher de se remémorer certains actes et paroles qu’elle avait eus et qui n’avaient pu que blesser le Marquis, à raison. Notamment cette horrible rumeur, qui lui sembla alors plus répugnante que jamais… Certes, elle ne pouvait pas savoir, mais tout de même.

Le contact de sa main, même à travers l’épaisseur du gant, lui fit du bien alors que pourtant elle n’était pas celle qui avait besoin de réconfort en cet instant. Il disait ne pas lui en vouloir, mais elle se blâmait malgré tout. « Votre réaction était tout à fait compréhensible. » Elle parvint à son tour à trouver la force de sourire, rassurée également de ne pas lui avoir fait davantage de peine malgré elle, d’avoir peut-être pu le soulager un peu de son tourment. Elle se doutait qu’il devait avoir plus de questions que de réponses, car elle qui n’avait pourtant pas connu Lady Maud ne pouvait que s’en poser. Et elle craignait que le Marquis ne puisse jamais réellement savoir si elle n’avait pas laissé de lettre pour expliquer son geste. Peut-être ne lui disait-il pas tout, et ce serait là son droit le plus strict (il en avait en effet dit fort peu, tout juste suffisamment pour lui faire comprendre la situation).

Elle aurait tant aimé pouvoir faire plus, mais elle ne voyait pas quoi. Plus que jamais elle se sentait impuissante face à l’immensité de cette douleur, de cette absence qu’elle pouvait à peine imaginer. Et ses filles… étaient-elles au courant ? Cordelia ne comptait pas poser la question, pas maintenant en tout cas, mais dans tous les cas les enfants pouvaient sentir certaines choses. Un fardeau bien lourd à porter pour eux tous. Et elle n’avait rien d’autre à offrir que sa présence en cas de besoin, car elle se serait bien gardée de donner le moindre conseil tant elle se sentait ignorante en la matière et dépassée par les circonstances.

Sentant le contact de sa main sur son épaule, elle leva les yeux vers lui, écoutant avec gravité ses paroles, comprenant bel et bien pourquoi il avait fait une demande si singulière à Mrs Montgomery un peu plus tôt. Par réflexe, elle commença à spontanément répéter ce qu’elle disait à tous. « Mais je assure… » Elle s’arrêta soudainement, prenant conscience de l’absurdité d’un nouveau mensonge de ce genre. Après ce qui venait d’être dit, l’émotion qui avait été partagée, prétendre devenait ridicule. Alors elle acquiesça d’un signe de tête. « D’accord. Je vous le promets. » Elle était plus touchée qu’elle n’aurait su le dire et sut à cet instant que quoiqu’il arrive, il était désormais pour elle quelqu’un auquel elle tenait. Comment cela était arrivé si vite, elle ne se l’expliquait pas.

Le toussotement de la chaperonne vint interrompre ce moment et Cordelia en sursauta presque, se raidissant et ramenant ses bras contre elle. Il était en effet temps qu’il parte avant qu’on les surprenne. Elle s’inclina plus maladroitement que d’ordinaire. « Bonsoir, Milord. »

Une fois la porte refermée, elle resta là un instant, prenant le temps de retrouver son calme, de calmer l’intensité de sa respiration. Elle essuya rapidement l’humidité qui avait commencé à transparaitre dans ses yeux avant de se tourner vers la femme qui l’observait en silence. « Pas un mot de tout ça. A quiconque. Il s’agit de la vie privée du Marquis, comprenez-vous ? » Son ton était devenu froid, son regard s’était empreint de sévérité. Sans doute était-elle moins impressionnante que d’ordinaire, mais le message était clair: il y aurait des conséquences. La domestique se raidit, l’expression neutre, bien loin de l’air catastrophé qu’elle avait eu plus tôt. « J’ai compris Miss Cordelia. Je n’en dirai pas un mot, vous avez ma parole. »

Cordelia lui signifia son approbation d’un signe de tête. Elle avait eu l’intention de retourner à table comme si de rien n’était, mais à présent elle ne s’en sentait plus la force, encore bouleversée par ce qui venait de se passer. « Je vais monter me coucher, dites à tout le monde que je ne me sentais pas bien. » Ce qui était vraisemblable après l’averse qu’elle avait reçue. La chaperonne signifia qu’elle avait compris et tourna les talons avant de s’arrêter et la regarder de nouveau. « Mademoiselle, ce que vous avez dit… c’était vraiment gentil de votre part. » Son expression restait neutre. Cordelia ne sut si c’était un simple compliment ou une expression de surprise, mais elle ne répondit rien. Elles se regardèrent une seconde, avant que la domestique ne retourne dans la salle à manger.

La brune soupira et se dirigea vers l’escalier, quelque peu soulagée de pouvoir se retrouver seule et peut-être essayer de dormir. Loin d’imaginer que sa soirée n’était pas tout à fait finie… 
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Message() / Ven 23 Déc - 9:29
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Cordélia avait mystérieusement filé avec une toux des plus mal jouées, le Marquis était partie avec une note écrite par sa cadette, même si elle n’avait pas pu lire le contenu et Juliet avait fini le repas en ne se privant pas d’afficher sa mauvaise humeur. D’ailleurs, le ton finit même par monter entre l'aînée et le père de famille.

« Excuse-moi, Juliet. Je me suis montré trop… trop… pas assez subtile. Je n’ai pas le talent de votre mère pour tout ça… »
« Clairement pas. » Il fit mine d’ignorer l’insolence de son aînée.
« Je t’enverrais lui porter mes mots d’excuses demain. S’il était resté, j’aurais pu le faire après le dîner… » Juliet le coupa sèchement.
« C’est pourtant si simple, Père. Vous n’avez rien à faire d’autres que de nous, de me présenter. Laissez-moi faire pour le reste, c’est tout ce que je demande. Ensuite, vous n’avez qu’à discuter de paperasse, de chasse, ou de ce que bon vous semble… Je n’ai pas besoin de vous pour pousser un homme à me courtiser. Et je ne suis pas là pour porter des mots d’excuses à des hommes qui nous ont offensées. Bon sang Père, le Marquis est veuf, tout le monde le sait. Vous devriez être bien placé pour comprendre ce qui lui traverse l’esprit ! »
« Juliet, ça suffit ! Tu iras porter le message d’excuse que tu le veuilles ou non. Maintenant, quitte la table, il y a encore deux personnes ici qui tentent de ne pas complètement gâcher ce dîner. »
« Il est bien trop tard pour ça, vous l’avez gâché vous-même. Et je m’en vais parce que je n’ai plus faim. Bonne nuit. Père. Ophélia. »
« Bonne nuit Juliet, » fit la cadette, toute peinée. Juliet s'efforça de lui sourire, l'encourageant à rester avec leur père et à ne pas suivre l'exemple de ses deux sœurs.

Jetant sa serviette sur la table, Juliet se leva et remonta à l’étage, contrariée. Elle demanda au passage à une domestique où était passée Cordélia, des fois qu’une idée folle, du genre promenade nocturne, lui soit passée par la tête. Elle fut rassurée de savoir qu’elle était dans sa chambre et se dirigea donc vers celle-ci. La blonde toqua à la porte puis entra sans attendre de réponse, un droit qu’elle s’offrait régulièrement. Et Cordélia lui devait bien un certain nombre de réponses. Trouvant sa sœur assise devant sa coiffeuse, elle se plaça derrière elle et s’occupa de défaire les dernières tresses puis elle attrapa la brosse pour démêler la chevelure brune. Juliet avait beau être contrariée, elle traitait la chevelure avec une grande douceur, respectant son cuir même s’il était brun. Elle ne le trouvait pas laid, pas plus qu’elle la trouvait laide. Cordélia était très différente, mais elle avait quelque chose, elle ne faisait juste aucun effort…

« A quoi tu joues avec le Marquis ? » Contrairement au doux mouvement de son poignet, son ton, lui, était tranchant.

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Message() / Dim 25 Déc - 20:27
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C’est avec le plus intense soulagement qu’elle ferma la porte de sa chambre derrière elle. Elle s’assit sur son lit, portant la main à sa poitrine afin d’espérer calmer les battements de son coeur, encore bouleversée par l’échange qui venait de se produire. Elle ne savait encore qu’en faire, qu’en penser. Elle avait besoin de resonger calmement à ce qu’il venait de se passer, et surtout, à ce qui avait été dit. Mais pas ce soir. Pour le moment, elle souhaitait simplement se coucher, dormir si possible. Bien qu’elle puisse pressentir que le sommeil serait difficile à atteindre tant elle se sentait encore fébrile.

Elle se releva et se dirigea vers sa coiffeuse, devant laquelle elle s’assit. Elle aurait sans doute pu appeler la camériste de la maison et être débarrassée bien plus rapidement de son attirail de la soirée, mais une fois encore, elle était bien incapable de subir la présence d’une autre personne. Son esprit était ailleurs et c’est non sans une certaine difficulté qu’elle entreprit de défaire ses tresses. Ses cheveux étaient pour ainsi dire secs, mais l’humidité les avaient rendus emmêlés et plus indomptables que d’ordinaire. Tant pis, cela prendrait le temps qu’il faudrait.

A moitié plongée dans ses pensées, ou plutôt ses souvenirs récents, elle sursauta presque en entendant des coups frappés à la porte, avant de voir la tête blonde de sa soeur aînée apparaitre. Soeur qui entra sans lui demander son avis, comme elle se permettait un peu trop souvent de le faire.

La puînée sut immédiatement que ce n’était pas bon signe. Elle n’avait pas oublié les reproches absurdes que lui avait lancé Juliet un peu plus tôt. Elle se mura dans le silence tandis que son aînée libérait le reste de sa chevelure avant d’entreprendre de la brosser avec la plus grande douceur. Ce n’était pas si souvent que la blonde avait ce genre de geste attentionné envers elle, et pourtant Cordelia sentit son ventre se nouer. Maintenant, plus que jamais, elle ne voulait pas de sa présence, de ses questions, de ses reproches. Elle n’avait pas le courage d’un autre duel verbal. Pourtant, elle n’aurait peut-être pas le choix, car la voix de Juliet s’exprima bientôt, tranchante comme un couperet.

Cordelia ne répondit pas immédiatement, mais son regard bleu se durcit comme la pierre. « Je ne vois pas de quoi tu parles. » Asséna-t-elle d’un ton neutre. Et elle était sincère, elle ne voyait pas à quoi sa soeur faisait référence: à ce qu’il s’était passé pendant qu’elles chantaient ? Ou encore autre chose ? Elle poussa un soupir, excédée. « Je ne me sens pas bien Juliet, je n’ai pas envie de discuter. Je ne sais pas de quoi tu m’accuses encore, mais cela attendra demain. » En vérité, elle n’avait que peu d’espoir que sa soeur entende raison. Juliet était aussi têtue qu’elle, et quelque chose lui disait qu’elle n’abandonnerait pas si facilement.
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Message() / Mar 3 Jan - 10:03
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« Tu ne vois pas ? Oh, vraiment ? J’étais assise à côté de lui, tu crois que je ne sais pas reconnaître les courbes de ton écriture ? »

Elle continuait de la brosser, mais son geste devint un peu plus sec, lui tirant les cheveux sans vraiment le faire exprès alors que sa cadette lui demandait de la laisser tranquille, ce qui était hors de question. Juliet était bien trop en colère pour ça maintenant, mais son but n’étant pas d’arracher les beaux cheveux de sa soeur, ni de lui faire mal, elle reposa le peigne sur la coiffeuse d’un geste rageur et s’éloigna de quelques pas, restant debout, les bras croisés.

« Certainement pas, non, je veux des explications maintenant. Tu te retrouves trempée juste devant chez lui, tu lui fais des œillades pendant que tu joues et chantes, et maintenant un petit mot… Pour lui permettre de quitter le dîner… Ou de te retrouver ? Une intrigante, voilà de quoi tu as l’air. Tu es censée jouer dans mon camp, pas travailler en avance pour ta propre saison, Cordélia ! Si j’étais fiancée à un Duc, tu aurais tous les prétendants que tu veux ! »

La blonde fit quelques pas dans la pièce à l’ambiance si électrique soudain, toujours en jetant des regards noirs à la puinée. Cela avait commencé à la course de chevaux. Elle avait vu les regards du Marquis à son égard, si circonspects. Elle aurait dû lâcher l’horrible vicomte pour un meilleur parti, elle avait fait une erreur mais elle ne pensait pas que sa sœur en profiterait pour retourner l’homme contre elle, ou pour le séduire. Elle ne pensait même pas que Cordélia était capable de séduire qui que ce soit d’ailleurs.

« Tu as de la chance que Père m’envoie lui porter ses excuses demain, même s’il ne les mérite pas. » Juliet parviendrait à le séduire, et à lui donner rendez-vous à la prochaine saison - car il était trop tard pour celle-ci de toute façon - elle en était sûre, même si elle le trouvait grossier, coincé et barbant. Sans parler de l’Ecosse qu’elle n’avait pas du tout envie d’aller voir, alors y vivre… Peut-être qu’il était effectivement le parti rêvé pour Cordélia, mais l’appeler Duchesse un jour était au-delà de ce qu’elle pourrait supporter.


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Message() / Mar 3 Jan - 16:38
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La note écrite. Evidemment. Le Marquis n’avait pas dû suffisamment bien la dissimuler et Juliet était assise à ses côtés. Inutile de nier, elle ne ferait qu’aggraver son cas, comme en témoignait l’emprise un peu plus brutale que sa soeur exerçait maintenant sur sa chevelure. Cordelia grimaça et par chance l’aînée abandonna la tâche avant qu’elle ait eu le temps de protester. Ou de se voir arracher quelques mèches de cheveux.

Toujours assise, elle se tourna vers la blonde, soudain stupéfaite par de telles accusations. Comment Juliet pouvait-elle être aussi hors de la réalité ? Elle aurait presque pu éclater de rire si elle n’avait pas été si épuisée. A la place elle lui adressa son fameux sourire sarcastique. « Donc si je te suis j’ai fait exprès de m’arrêter juste devant chez lui, alors même que j’ignorais où il habitait. Ai-je également fait tomber la pluie ? Franchement Juliet, c’est ce que j’ai entendu de plus absurde ! »

Sa soeur commençait à singulièrement l’agacer. La traiter d’intrigante, et puis quoi encore ! Après tout ce qu’elle avait fait pour elle ! Après qu’elle ait accepté cette idée stupide de la suivre à la trace pour qu’elle évite de faire la moindre bêtise ! Etait-ce de sa faute si l’aînée des Blooming ne l’avait pas impressionné ? « Que veux-tu entendre ? Crois-tu vraiment que j’ai la prétention de seulement imaginer que je puisse plaire au Marquis de cette façon ? Si cela te rassure, non, vraiment pas. Tu as le champ libre, rassure-toi. Enfin, si on peut parler de champ libre, car il ne semble guère sensible à tes charmes. » Cette dernière remarque perfide, elle n’avait pu s’en empêcher. Et le regretta aussitôt. Elle eut soudain peur que sa soeur, fidèle à son esprit de contradiction, se mette alors sérieusement en tête de le séduire. Et il était plus que probable qu’elle finisse par y arriver. Cordelia aurait dû y être indifférente, après tout quel mal y avait-il à ce que la jolie blonde s’entiche de ce si beau parti ? Aucun. Et pourtant…

A sa dernière remarque, la brune fut soudain prise de la terrible envie de saisir sa brosse et de la jeter à la tête de sa soeur. Elle se força néanmoins à se contenir, à conserver un certain calme et à résister à la tentation de défendre Lord Graham un peu trop vivement (elle était bien fatiguée décidément). Elle s’était déjà bien trop emportée. « Il a certes eu tort, mais il faut reconnaitre que Père ne l’a pas ménagé. » Elle eut un pincement au coeur, réalisant qu’elle ne le reverrait plus avant leur voyage en Ecosse. Leurs conversations allait lui manquer. Elle se retourna vers le miroir et reprit sa brosse afin de poursuivre ce qu’elle avait commencé. « C’est bien qu’il t’envoie. »  
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Message() / Sam 14 Jan - 10:32
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« Oh crois-moi, Cordélia, certaines demoiselles sont prêtes à tout. Mais je vais prendre ta réponse pour un non, car il ne me semblait pas que cela soit ton genre.
Simple vérification.
»

Les bras croisés, l’aînée toisa sévèrement la cadette, assise un peu plus loin. Elle la regardait avec ses longs cheveux bruns encadrant son visage, son teint si pâle, plus encore que le sien et ses traits un peu durs, néanmoins réguliers, ses grands yeux bleus si expressifs qui lui envoyaient présentement autant d’éclairs que ses mots… Car ses paroles lui firent l’effet d’un électrochoc. Juliet était du genre à changer d’avis en une fraction de seconde, elle était imprévisible, elle s’emportait quand on ne s’y attendait pas et se calmait quand on l’imaginait devenir fougueuse. Il y a quelques mois, une telle conversation aurait très mal tourné, sans aucun doute… Néanmoins, un détail important avait changé : les deux sœurs n’avaient plus de mère. Autrefois Juliet pouvait bien critiquer sa cadette, et surtout la provoquer, jusque là Tora avait été là pour la consoler… Elle ne pouvait pas être aussi odieuse désormais, parce qu’elle ne voulait pas détruire sa sœur. Maintenant c’était elle, Juliet, l’aînée responsable de la famille - ou qui tentait de l’être - et si elle était d’un égoïsme exceptionnel, elle aimait sa famille et elle voulait que ses sœurs trouvent un bon mari et soient en sécurité. Et elle devait bien avouer être plus inquiète pour Cordélia que pour Ophélia. Bien qu’elle était surtout inquiète pour elle-même.
Elle avait changé ces derniers mois, pensait moins à sa propre personne. Elle aurait pu prendre la mouche et s'emporter, d'ailleurs... Mais n'en fit rien. Comme quoi elle devenait vraiment plus responsable et avait plus à cœur que sa sœur réalise son potentiel que de plaire à tous les hommes possibles. Surprenant.

Cordélia avait raison, le Marquis ne s’était pas montré sensible à ses charmes, pas encore du moins. Car si elle voulait le séduire, il serait séduit, elle n’avait aucun doute là-dessus. Mais maintenant il les avait offensés, et honnêtement, un lord écossais, avec son physique… Elle devait bien dire qu’elle n’était pas charmée non plus, si ce n’était pour son titre. Bien sûr c’était excessivement désagréable à attendre, surtout venant de sa sœur, mais ce qui était encore plus pénible c’était l’auto-dénigrement dont elle faisait systématiquement preuve. Bien que Juliet n’était pas assez du genre à se remettre en question pour comprendre qu’elle avait une énorme part de responsabilité là-dedans.

« Tu sais ce qui ne charme personne ? Ton attitude ! Si tu n’as pas cette prétention, alors tu es une idiote ! N’importe quel homme qui te verrait comme je te vois maintenant te trouverait séduisante, même si ce serait hautement inapproprié… Tu devrais sérieusement commencer à mettre en branle ton imagination parce que la nouvelle saison sera vite arrivée, et crois-moi, je vais prendre les choses en main. Je ne sais pas combien de fois mère t’a répété tes qualités, de beauté intérieure comme extérieure, mais essaye de t’en rappeler ou de les écrire quelque part ou peu importe. Je peux t’assurer que le Marquis les voit, lui. Cela doit être un genre de miracle. Et ce serait compliqué s'il était le seul… » Pas le cas le plus simple à marier…

Ah, cela serait frustrant de voir sa cadette devenir Duchesse si elle-même n’était qu’une Marquise, (même si ça sonnait plus joliment à ses oreilles) mais Juliet mettait la charrue avant les bœufs, car rien n’était joué pour aucune des deux. Et sans doute qu’elle ne devrait pas se mettre en travers de cette possibilité pour sa sœur qui serait peut-être la seule si elle continuait à être aussi peu sûre d’elle. Aucun homme n’aime les femmes qui se dénigrent constamment ou qui ne savent pas ce qu’elles veulent, c’était son secret de séduction : l’assurance. L’assurance que son visage rond, ses lèvres pulpeuses, son regard de biche les charment assez pour qu’ils n’essayent pas de voir plus loin, que la superficialité de son existence reste cachée. Cordélia avait d’autres atouts, il était dommage qu’elle ne le réalise pas.

Juliet devient bien admettre qu’elle et Cordélia ne se ressemblaient pas le moins du monde et n’avaient presque rien en commun… Et que cela l’aiderait à accepter que des hommes puissent la préférer à elle, même si cela s’annonçait difficile. Cette conversation avait le mérite de mettre en lumière qu'elle devait s'y mettre dès maintenant. Elle avait même déjà pensé dans ses heures sombres que Cordélia trouverait plus facilement, parce qu’elle n’avait pas commis la moindre erreur, n’était pas pervertie comme elle… Un joli bout de femme innocent avec de la conversation - tant qu'elle arrivait à se taire sur certains sujets - voilà qui plairait à n'importe qui, en théorie.

La blonde s’était assise sur le lit, le visage fermé et les sourcils froncés, visiblement en proie à de nombreuses contradictions. Après ce moment de réflexion, elle se tourna à nouveau vers sa cadette.

« Père agit n’importe comment. Mais le Marquis nous a offensées toutes les trois ! » Elle n’avait nulle envie, ni raison de défendre cet homme. Et puis elle croisa les bras à nouveau et se fit boudeuse à la dernière phrase de sa sœur. « Père devrait y aller lui-même ! Il ne trouve rien de mieux que d’envoyer son aînée célibataire et débutante s’excuser auprès d’un homme qui a explicitement exprimé son non-intérêt. Comment crois-tu que le Marquis va m’accueillir demain lorsque je me présenterai chez lui ? En plus, c’est lui qui nous doit des excuses ! Je ne vois pas ce qu’il y a de bien là-dedans et je n’irais pas… Il ne manquerait plus que je prenne une averse sur la tête, tiens. »

Juliet eut un léger rire cynique.

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Message() / Mar 24 Jan - 18:39
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Cordelia s’attendait à ni plus ni moins qu’une véritable explosion. Or, se disputer, c’était bien la dernière chose dont elle avait présentement envie, épuisée comme elle l’était. Au moins Juliet avait-elle renoncé à la qualifier d’intrigante, c’était déjà une bonne chose. Mais jamais au grand jamais elle n’aurait pu prédire les mots qui sortirent ensuite de la bouche de sa soeur. Elle se retourna totalement dans sa direction, les yeux écarquillés, sous le coup du choc. Son aînée était-elle malade ? Avait-elle prit un bon coup sur la tête ? Car il était impossible autrement qu’elle l’ait qualifiée à l’instant de « séduisante ». Bien que la forme soit plutôt celle de remontrances, le fond ressemblait à des… compliments ? Pour la première fois depuis longtemps, elle se trouva à court de mots, bouche bée, l’air probablement aussi idiot qu’une carpe. Avant de reprendre ses esprits, hésitante malgré tout, voire même suspicieuse. « Pourquoi me dire tout cela ? Ca ne te ressemble pas… » Elle se demanda un instant si Juliet n’avait pas une faveur à lui demander, ou autre chose de ce genre. Continuant à la regarder avec méfiance, elle continua néanmoins, sans cacher qu’elle était franchement agacée.

« J’ignore ce que tu t’est mis en tête, mais je ne me dénigre absolument pas, et je n’ai pas non plus besoin qu’on vienne me rassurer ou me réconforter. » Que ce soit vrai ou faux, elle en était en tout cas persuadée en son for intérieur. « Je ne suis pas en porcelaine, je m’efforce simplement d’être objective. Mère voyait ce que son coeur et son affection lui disaient. Mais je suis réaliste, je sais à quoi je peux aspirer ou non. Toi et moi n’aurons pas les mêmes prétentions, c’est certains. » Voilà qui allait certainement faire plaisir à la blonde. Peut-être était-ce une erreur de l’admettre, mais c’était pourtant la réalité. Si l’on mettait de côté leurs physiques bien différents, c’était surtout ce charme qui lui manquait, cette capacité à rayonner et à attirer. Elle se savait incapable de la reproduire, et n’y aspirait pas franchement. « Je n’ai pas ta capacité à faire oublier notre rang et je doute fort que le Marquis me perçoive un jour de la manière dont tu l'entends. Il vaut bien mieux avoir les pieds sur terre que se nourrir de désillusions, ce qui serait le meilleur moyen de rester vieille fille. »

Elle espérait sincèrement que sa soeur en aurait fini avec ce sujet. La voir presque gentille la mettait étrangement mal à l’aise et elle aurait presque préféré qu’elle continue à l’accuser de vouloir séduire Lord Graham. Au moins, elle savait quoi répondre à son animosité.

Semblant occupée à démêler ses cheveux, elle réfléchit à sa réponse en ce qui concernait ce dernier. Il lui déplaisait que Juliet en parle de cette façon, mais elle ne pouvait que le comprendre. A sa place, elle aurait été hors d’elle et elle ne voulait pas sembler le défendre de manière trop virulente. Aussi étrange que cela puisse paraitre, Cordelia laissa échapper un rire amusé à la dernière remarque de sa soeur. « Cela t’arrangerait bien, j’en suis sûre. » Elle baissa de nouveau les yeux sur la dernière tresse qu’elle était en train de défaire. « Du peu que j’ai pu en voir, il me semble être un homme décent et il doit sans doute regretter son attitude. Si tu veux j’essaierai de parler à Père pour qu’il s’y rende lui-même. Et qui sait, peut-être recevrons-nous un mot d’excuse dès demain. » Il était si étrange d’être ainsi assise dans la même pièce que son aînée tout en ayant une conversation presque… normale. Un oeil extérieur aurait peut-être même pu croire qu’elles s’entendaient bien.
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Message() / Mar 31 Jan - 10:08
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« Tu es ma sœur. Tu es une Blooming. J’ai fait connaître notre nom et j’espère bien que tu reprendras le flambeau. Et puis j’ai déjà entendu vos conversations avec mère… »

Mère n’était plus là, Juliet devait apprendre rapidement à être une meilleure grande sœur. Elle voyait déjà le début de saison prochaine, elle fiancée au bras du Marquis, chaperonnant sa cadette pour ses premiers pas… Évidemment qu’elle n’allait pas la laisser tout gâcher en faisant sa Cordélia, il en allait de sa propre fierté que d’avoir une sœur que l’on admire également, même si ce n’était pas autant, même si c’était autrement.

Et voilà qu’elle recommençait… Elle ne se dénigrait pas ! Ben voyons ! Il fallait croire qu’elle était la seule à ne pas s’entendre dans cette maison.

« Bien sûr, oui… » A d’autres ! La blonde leva les yeux au ciel et se releva pour lui faire face, tout en écoutant son débit de bêtises. Elle s’approcha, vint se tenir devant elle, et posa les mains sur ses épaules.

« Tu n’es pas objective, tu es pessimiste. Nous n’aurons pas les mêmes prétentions, certes, car nous sommes différentes, et nous ne voulons pas les mêmes choses non plus ! Il en va de même des hommes : il me coûte de l’admettre, mais ils ne veulent pas tous des femmes comme moi, ils ne sont pas tous prêts à assumer des femmes comme moi… »

Sublime, dépensière, pécheresse…
Il lui fallait un homme aux épaules solides, à la richesse démesurée et assez ouvert d’esprit… Le Marquis de Berkeley cochait toutes ces cases, là où, pour le Comte de Surrey, tout restait à prouver.
Et Cordélia continuait avec ses sottises.

« Il vaut mieux avoir les pieds sur terre… Peut-être qu’un Duc c’est visé trop haut certes, mais tu as tout de même une longueur d’avance sur toutes les dindes filles de avec une plus grosse dot ! Le Marquis t’apprécie, il t’a même invité en Écosse ! » En Écosse ! Qu’elle reformula silencieusement, pour insister. Réalise ta chance Cordélia... Elle écarta les bras, presque victorieuse, faisant les gros yeux à sa sœur. « Alors, oui, ne te ferme pas complètement à d’autres, mais laisse-lui entendre que tu l’aimes bien… Toujours très théâtrale, elle fit tourner son poignet et sa main de façon entendue. Que tu serais intéressée s’il lui prenait l’idée de demander ta main à père… C’est tout… »

C’était tout, mais probablement trop lui demander… Cordélia était exaspérante. « En tous les cas, à la saison prochaine, les choses vont changer. Tes coiffures, tes toilettes, nous allons tout revoir pour que tu fasses une entrée remarquée. »

Et Cordélia pouvait bien protester autant qu’elle voulait, elle n’aurait pas le dernier mot. Elle serait sublime, dans son genre, ou rien. Parce que Juliet ne tolèrerait pas entendre parler d’un vilain petit canard lui faisant suite. Whistledown elle-même serait surprise ! C’était décidé !

Ce sujet là clos, elle alla se rasseoir sur le lit pour parler du lendemain, de la volonté de Père, de la grossièreté du Marquis. Honnêtement cet homme ne méritait même pas qu’elle envisage de lui laisser sa sœur… Et comme d’habitude, elle disait qu’elle ne voulait pas, sa sœur allait dans son sens et donc, elle pensait le contraire à nouveau. Son esprit de contradiction n’était plus à prouver, elle était toujours là où on ne l’attendait pas.

« Deux jours de suite, quand même, ça serait trop gros. » Bien sûr qu'elle y songeait sérieusement. Elle notait l’idée cependant, pour un autre Marquis, si celui-ci tardait à se décider durant l’intersaison. Elle l’aurait avec un rhume. Elle avait cet éternuement si délicat qu’il charmait tous les hommes…

« Très bien. Oublie père, j’irais. » Quelque part, son orgueil avait été froissé et elle avait envie de réparer cela. Le Marquis l’aimerait bien, il n’avait pas le choix et puisque Cordélia affirmait qu’il était un homme décent prompt à s’excuser… Elle voulait les entendre de vive voix, ses excuses, et lui vendre son sourire unique au monde. Juste par orgueil.

Dis quelque chose, Juliet fera exactement l'inverse...

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