@Lucinda ConisburghElle ne quittait plus sa tête.
Arya. La confusion dans son esprit était grande mais depuis sa récente rencontre avec celle qu’il imaginait être le sosie parfait de son ancien amour, John ne pouvait lutter contre le tumulte qui agitait sa tête. Ses nuits étaient plus douces depuis la balade au marché aux fleurs. Les cauchemars qui le tourmentaient s’étaient apaisés pour laisser place à des souvenirs plus doux, à son visage, son sourire, ses longs cheveux bruns et à cette brève promenade un jour de soleil. Partout où il allait, il espérait alors la croiser de nouveau, sans succès.
La journée s’annonçait douce et John ne supportait plus la présence de sa famille venue en visite à Londres. Ils n’avaient qu’un mot à la bouche : Son mariage. Lui qui était veuf depuis une année seulement, lui qui avait renoncé à bons nombres de ses rêves pour assurer la santé financière des Burgess. S’il n’avait malheureusement pas obtenu le titre de noblesse qui lui revenait de droit après dix années de
sacrifices pour la Couronne, il détenait une fortune confortable, sans doute plus grande que celle de certains Comte présents dans le secteur. Mais sans le titre qui allait avec, cela n’avait guère d’importance et John s’en fichait, désormais occupé en secret à intégrer les rangs de l’Ordre. C’était un homme redoutable, entraîné et blessé dans son ego. Des ingrédients qui ne faisaient pas bon ménage ensemble…
Sans dire un mot, il se faufilait dans les couloirs de sa résidence londonienne afin d’échapper au repas de famille à venir. Son self contrôle avait des limites et il ne pouvait pas supporter une seule remarque de plus, ses nerfs étaient à vif et s’il avait été permis d’étrangler sa famille nul doute que certains y seraient passés. Il déambulait donc en ville, respirant l’air frais à pleins poumons pour retrouver la paix intérieure. Vêtu avec beaucoup d’élégance, certains le prenait pour un homme issu de la noblesse car tout chez lui laissait penser qu’il en faisait parti, ses vêtements, son éloquence, ses bonnes manières, l’étrange ora qu’il dégageait et qui faisait à la fois tout son charme et légèrement peur.. Les apparences étaient trompeuses de toute évidence.
Son attention fut attirée par la devanture chaleureuse du salon de thé. Un endroit réputé et toujours bien fréquenté qui le tentait grandement. C’était sans doute l’un des derniers endroits où les chers membres de sa famille viendraient l’y chercher, une perspective réjouissante aux yeux du (presque) quarantenaire. Il pénétrait donc dans l’enceinte du salon, admirant les lieux et adressant quelques sourires courtois aux visages connus. Beaucoup de jeunes femmes (et quelques rares hommes) venaient profiter d’un moment de détente, les yeux rivés sur la boutique de la modiste situé juste en face où tous les crimes étaient permis ; se voler la vedette, rentrer le ventre à outrance pour feindre une silhouette frêle, ressortir vêtu d’un vilain orange criard… Le spectacle était saisissant.
Ce fut enfin au tour de John de passer commande après quelques minutes d’attente. Il prit alors un thé noir, amer et authentique, le seul thé qu’il ne trouvait pas trop fade à son gout. Il se retournait afin de prendre place dans la petite boutique quand il heurtait de plein fouet une silhouette inconnue. Le liquide chaud vint s’étaler sur son veston et brûler ses mains alors qu’il n’avait encore pas eu le temps d’en savourer la moindre gorgée.
Décidément, personne ne fait attention à rien ! Pensait-il…à haute voix.
Il relevait le regard, etonné de voir qu’il s’agissait là d’une jeune femme et non de l’un des serveurs maladroits au plateau chancelant mais il ne put s’empêcher de regarder cette dernière avec condescendance. La demoiselle avait été épargnée et n’était à priori pas blessée mais elle représentait tout ce qu’il ne supportait pas. Des cheveux coiffés au millimètre près, une robe visiblement toute neuve, des manières sorties tout droit des livres de bonnes conduites, aucune expression sincère… Il portait sur elle un jugement gratuit et sans fondement, venu tout droit de sa mauvaise humeur du jour.
Mademoiselle. Dit-il en s’inclinant légèrement.
Vous n’avez rien ? Pardonnez ce geste maladroit. Je vous souhaite une agréable journée.En réalité, il pensait “
Vous auriez pu faire attention…”.
Aucune émotion ni aucun remords ne s’échappait de sa voix, il venait juste d'apercevoir tout un tas d’yeux rivés sur lui prêt à faire son procès s’il ne se montrait pas légèrement aimable…
Derrière lui se trouvait la seule table disponible, et une table particulièrement bien placée pour contempler la ville en effervescence. Une place digne des meilleurs commérages ! Le serveur vint alors lui porter un chiffon propre afin d’essuyer ses vêtements et déposait sur cette dite table une nouvelle tasse de la boisson chaude qui jonchait le sol. Sans trop s’attarder, John fit volte face pour prendre place tranquillement…enfin… c’était ce qu’il pensait… la réalité s’annonçait différente.