Mark Healey || And if I only could I'd make a deal with God

Que faites-vous à Londres ? Théoriquement, Mark y vit toute l'année depuis qu'il est diplômé et titulaire du titre de médecin. Il ne quitte la ville que lorsqu'il le faut réellement. Par exemple, lorsqu'il doit rendre visite à sa famille à la campagne. Ce qui est censé être pour lui l'équivalent de vacances, mais... Bref. Malgré l'avenir de baronnet qui se dessine pour lui, il est devenu un véritable citadin et il a même du mal à s'imaginer comment sera la vie à la campagne le cas échéant.
Votre place dans la société londonnienne actuelle vous convient-elle ?   Franchement, de quoi se plaindrait-il ? Il aime son métier, ce qui n'était pas gagné de prime à bord. Sa famille a bien du patrimoine et des revenus. Il ne manque de rien, sans avoir trop à gérer pour l'instant. Non, vraiment, Mark est un homme très satisfait de sa condition et de sa place dans la société.
Que pensez-vous de la Reine et du système politique anglais ? Sincèrement, il s'en fout. La politique, ce n'est réellement pas son truc et il ne s'y intéresse pour ainsi dire pas, ou le strict minimum pour pouvoir faire perdurer le titre familial. La monarchie ? Il n'a rien contre, mais il n'irait pas non plus mourir pour elle. Après, s'il était amené à soigner en quelque façon les monarques, il changerait peut-être d'avis, qui sait.  

Lorsque le Baronnet Healey s'était enfin décidé à se marier, on ne peut pas dire qu'il fût fou de son épouse. Néanmoins, il y avait une certaine forme de respect entre eux et c'était après tout cela qui comptait. Elle lui avait amené des terres supplémentaires. Il lui amenait la sécurité maritale. C'est ainsi que vont les choses, ni l'un, ni l'autre n'étant de grands romantiques, plutôt du genre pragmatique. À ce tableau, il ne manquait qu'un héritier et tout serait bien. Alors, lorsque Mark vient au monde, le Baronnet se félicita pour cette affaire rondement menée. Il n'était pas dans ses priorités d'avoir une progéniture nombreuse, tant qu'elle fût vivace. Et heureusement pour lui, Mark était du genre vivace et vigoureux avec ça.

Pourtant, c'est dans l'optique d'asseoir les probabilités de succession que ses parents tentèrent de faire un second enfant. Cela leur prit dix ans d'ailleurs. D'ailleurs, si vous le lui demandez, l'homme vous dira qu'il n'y croyait plus ; qu'il se croyait condamner à rester le seul enfant de la famille Healey. Alors que lui, il rêvait d'avoir un frère. Cependant, ce fût une fille qui vient au monde et, même s'il était quelque peu déçu, il finit néanmoins par tomber sous le charme de cette petite poupée. De toutes manières, il devait s'y faire. Ses parents avaient été clairs, il n'y aurait pas d'autre enfant. À leur décharge, l'arrivée de Judith dans sa vie réveilla le côté espiègle de Mark et les bêtises se mirent à pleuvoir. En même temps, jusque-là, il n'avait personne avec qui en faire.

Pourtant, quinze ans après sa naissance, ce fût la surprise. Il eût enfin un frère. Un tout petit frère pour le coup. Une chose plus braillarde qu'il n'en a jamais vu jusqu'alors. Qu'est-ce que sa mère pouvait s'en plaindre d'ailleurs... Néanmoins, lorsqu'il prenait Neal dans ses bras, à l'insu de tout le monde, il ne pleurait plus et surtout, il semblait si apaisé. Il se souvient encore, avec émotion, de cette nuit d'orage où le bébé hurlait à s'en déchirer les poumons. Que Judith refusait de dormir, parce qu'en plus leurs parents n'étaient pas là. Cette nuit où, il avait sortit Neal de la nurserie, Judith accrocher à sa jambe, et qu'ils avaient tous fini par s'endormir dans sa chambre, dans les bras les uns des autres. C'est ça, finalement, d'être vraiment plus grand que les cadets. On devient quasiment un père de substitution... Et ça ne le dérangeait pas. Sa sœur, son frère, il les aime d'un amour inconditionnel.

Mais être bien plus âgé que les autres, c'est aussi devoir partir plus vite de la maison. L'heure des études venues, Mark dû quitter les siens pour gagner Oxford, où son père l'avait inscrit dans le cursus pour devenir médecin. Idée qui, de prime abord, ne l'enchantait pas. Mais pas du tout ! Peut-être parce que tout ce qui le bottait à l'époque, c'était de s'occuper de sa fratrie, de finir de construire la cabane et de veiller sur eux.  Et puis, il a fini par y prendre goût, parce qu'il aime ça : prendre soin des autres. C'est d'ailleurs à cette époque, qu'il est tombé sur un pauvre chaton en piteux état, qu'il l'a soigné et qu'il traine avec lui depuis lors.

Les études finies, Mark s'installa à Londres, sous les ordres d'un mentor en fin de carrière. Une opportunité intéressante, car ainsi, il pouvait reprendre sa patientèle, une fois son temps achevé. Dès lors, il ne rentrait plus au domaine familial, que lorsque son patron le lui permettait. Cela ne l'empêchait pas de garder contact avec sa sœur et son frère, par le biais de la correspondance, entre ses passages là-bas. Ou d'inviter sa famille à venir le rejoindre, lors des saisons mondaines. Ce n'était pas la grande vie, mais c'était la sienne et il ne voulait pas l'échanger. Après tout, loin de sa famille, il était plus libre, plus dans ses excès, tout en cachant le tout, pour ne pas les déshonorer. En soi, il ne faisait rien de mal ; rien qu'un gentleman ne puisse pas faire.

Mais le travail ne fait pas tout. Lors d'un retour chez ses parents, survient l'accident qu'encore aujourd'hui, il n'arrive pas à se pardonner. Lors de cette sortie à cheval avec ses cadets, cette course stupide lancé par Judith, qui manqua de coûté la vie à Neal. Il en rêve encore la nuit et s'entend encore hurler à s'en ouvrir le thorax après son cadet. Il l'a soigné de son mieux, mais quand il voit encore son frère avec sa canne, il ne peut s'empêcher de penser qu'il a échoué quelque part.

Ce sentiment d'échec s'est accru avec le temps. Lorsque sa mère est tombée malade et qu'il ne pouvait rien pour elle. Il aurait voulu être près d'elle toute cette saison, mais elle lui refusa. À la place, il fit la promesse de prendre sa sœur et son frère chez lui et de les aider pour la saison. Un échec une fois de plus, car sa sœur décida de prendre le voile. Judith, elle avait trop changé pour qu'il la reconnaisse par moment. Peut-être que c'est pour le mieux, mais il ne peut s'empêcher de penser qu'elle gâche sa vie. Finalement, celui qui s'en sort le mieux, c'est le "petit".

Derrière un rideau de fumée, les yeux dans le vide, l'aîné pense encore et encore à l'ultime promesse à sa mère : trouver promptement une épouse. Et lorsque l'ambre du whisky descend dans sa gorge, la saveur est amère. Cette saison, il n'a rien fait de bon, il doit l'admettre. Il s'est effacé pour tenter de faire briller sa soeur. Échec. Il a essayé de trouver un remède à sa mère. Échec. Se trouver une épouse. Cela fait des années que c'est un échec. Il devait veiller sur Neal. Bon, il y est plus ou moins parvenu. Mais le temps passe et sa mère se meurt. Cette fois, il va falloir s'y mettre sérieusement.

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