A w. @Arya Harrington
12 Juillet 1818Ma très chère Arya,
Voilà longtemps que je ne t’ai pas écrit, même si l’envie ne m’a pas quitté. J’imagine que notre belle Angleterre se porte toujours à merveille et que la fin de la saison apaise un peu le cœur de Londres. Le pavé doit être aussi usé que mes doigts après des nuits de travail, quoique cela me semble encore trop faible comme comparaison. Il y a une telle effervescence durant ces mois que cela donnerait le tournis à n’importe qui, même les ivrognes n’ont pas de tels hauts le cœur !
L’humidité de ma maison me manque, sans oublier les éternelles complaintes des clientes insatisfaites ; le tissu ne semble pas d’assez bonne qualité, l’ourlet n’est pas bien fait, la couleur paraît trop terne, tout est possible avec ces capricieuses. Je les entends presque piailler rien qu’en écrivant ses lignes, c’est dire à quel point cela est incrusté dans mon esprit en dépit de la distance. Il faut dire que j’ai été à bonne école auprès de ta marâtre...
Il me tarde de retrouver l’ambiance feutrée de la boutique et cette odeur singulière qui se dégage au petit matin… Il suffit d’y songer un instant pour que ceci ne m’inspire que nostalgie. Nos moments, nos conversations, tous ces petits instants passés à tes côtés figure également sur cette liste déjà trop longue de ce qui n’est pas présent pendant ce voyage. Amandine me dit que notre séjour touche à sa fin et j’espère que c’est bien le cas ! Je suis lasse de Paris, d’autant que je me retourne à chaque pas que je fais. Je crains de retrouver quelques fantômes du passé à l’angle d’une rue, mais c’est stupide n’est-ce-pas ?
Malgré ce souci viscéral, j’ai eu le plaisir de voir des merveilles de la mode française. Les broderies étaient d’une finesse ! Sans oublier la notion du détail et ces perles qui ornaient les bustiers… C’était du génie ma chère. Du génie ! J’ai hâte de me remettre à l’ouvrage, bien que je devine tes remontrances concernant ma santé et la légèreté que j’ai à me nourrir quand le travail m’occupe. Je t’assure de faire attention, libre à toi de me croire cela dit.
Assez parler de moi et de mes peurs enfantines, parlons de toi, de ta vie, de tes émois !
Comment te portes-tu ? Ton était, a-t-il dissimulé quelques surprises ? Je me souviens de cet homme dont tu m’as parlé lors d’une entrevue et j’espère qu’il y a davantage de choses à dire sur cet inconnu avec les semaines qui ont filés. Qui est-il ? L’as-tu revu ? Est-ce un gentleman ? J’ai hâte de t’écouter t’épancher sur ce sujet, car je devine déjà une lueur dans tes yeux lorsque le moment viendra.
Le bonheur d’une amie est une des plus belles choses que j’ai eues à contempler et je ne souhaite qu’une vérité : que tu aies ta part comme toutes les autres ma chère Ary. Personne ne le mérite plus que toi.
Ta douceur évidente est un soleil sans pareil et je souhaite la retrouver bientôt. Il ne reste qu’une petite semaine avant le départ. Les retrouvailles arriveront bien assez vite, quoique cela paraisse toujours trop loin à mon goût.
Avec toute mon affection,
l'Aiguille