@Adam RoseLe relais était une nouvelle fois complet pour la semaine, la réputation du lieu était grandissante et notre situation financière ne faisait que s’améliorer au fil des jours. Comme chaque soir, mes deux frères s’activaient aux écuries avec les employés pour rentrer et nourrir les chevaux pendant que je m’occupais de mes hôtes à l’auberge.
L’endroit n’était pas très grand, mais l’ambiance y était conviviale et chaleureuse. Les visiteurs de passage, souvent des cochers, ou des messagers, y faisaient vite de nouvelles rencontres et les soirées étaient détendues autour d’un bon repas partagé ensemble, comme une grande famille.
Ici, pas de protocoles à respecter, de commérages insolents ou de regards malveillants. Seulement un repas et du bon vin.
Comme chaque soir, je fis le tour des chambres occupées, annonçant à nos convives que le dîner était prêt, s’ils souhaitaient se restaurer. Mes frères étaient déjà en place sur l’une des tables en bois épais, affamés.
Rapidement, toutes les places furent prises d’assaut et les conversations se lancèrent. Un rituel rondement mené que j’appréciais tant.
Évidemment, il n’y avait aucune obligation de se joindre à nous, mais rares étaient ceux qui loupaient un repas. Pourtant, ce soir-là, l’un de nos hôtes n’était pas présent.
Peut-être n’avait-il pas entendu lorsque j’avais frappé à sa porte ?
Par acquit de conscience, je décidais de me rendre une nouvelle fois à l’étage où étaient situées les chambres.
~ Monsieur. Je vous prie de bien vouloir m’excuser du dérangement. Souhaitez-vous manger quelque chose ? Je peux vous porter votre dîner dans votre chambre si vous ne voulez pas vous joindre à nous.Aucun bruit, aucune réponse.
~ Monsieur, tout va bien ? … Monsieur ? C’est Mlle Berkelay. Allez-vous bien ? N’avez-vous pas faim ? Nous mangeons une viande délicieuse en bas, puis-je vous en servir une portion ? Je suis certaine que vous allez adorer !Notre invité, un membre de la famille Rose, n’était pas du genre solitaire. C’était un homme poli qui n’aurait jamais osé m’offusquer. Il me répétait chaque jour depuis son arrivée, suite à un problème sur son attelage, combien il aimait mes plats. Mon coeur se mit à s’emballer, pris d’une terrible angoisse.
Jamais je ne me serais permis un tel acte dans d’autres circonstances, mais je décidais d’ouvrir la porte de moi-même. L’homme était étendu sur son lit, le teint pâle. Je m’approchais à petits pas et posais la paume de ma main sur son front. L’homme était brûlant et semblait à bout de forces, son souffle était saccadé et il respirait avec beaucoup de difficulté.
~ Vous avez de la fièvre Monsieur. Ne vous inquiétez pas, je reviens vite. Dis-je, sans savoir s’il m’entendait ou non.Je courais dans la cuisine, tachant de garder mon calme pour ne pas semer la panique, je m’approchais de mes 2 frères, Darras et Christopher et murmurais à leurs oreilles.
~ Allez préparer un attelage le plus vite possible et ramenez moi un médecin de toute urgence ! Ne faites pas peur à nos hôtes, je vais m’occuper de finir le service seul. Dépêchez-vous !L’air de rien, les deux hommes s’exécutèrent sans poser de question. Je tâchais de conserver mon sourire alors que tout mon être brûlait d’angoisse pour l’état de ce pauvre homme.
Le service fut plus bref que les soirs précédents et je ne conviais personne à jouer les prolongations. Tous les voyageurs partirent se reposer, repus.
Ne souhaitant pas m’attirer d’ennuis à traîner seule dans la chambre d’un homme, je montais la garde à l’entrée de la porte, faisant les cent pas dans le couloir jusqu’à entendre l’attelage faire son retour…J’étais fébrile, à bout de nerfs, terrorisée par la fièvre qui ne baissait pas malgré les linges humides posés sur le haut de sa tête, par les quintes de toux sans fin… C’était un cauchemar...