Welcome to the world
Dès sa naissance, Arya dut se battre. Elle n'était pas encore prête pour ce monde et était née trop tôt. Elle ne criait pas à la sortie du ventre de sa mère. Elle était si petite, si fragile. L'air ne venait pas à ses poumons en difficulté. La vie l'accueillit par sa brutalité d'un coup sec dans le dos afin de lui faire pousser son premier cri, avant qu'elle ne trouve enfin refuge au creux des bras aimants et réconfortants de sa mère éreintée, mais folle de bonheur d'avoir réussi à enfanter. Respirer demeurait néanmoins une épreuve pour la petite fille et durant plusieurs semaines, très souvent la nouvelle maman crut perdre son nourrisson.
Mais la petite tint bon et finit enfin par prendre du poids et se nourrir par elle-même ce qui ne fut pas une mince affaire. Elle fut chérie du moment où elle ouvrit les yeux à celui où ceux de sa maman se fermèrent. Elle était née de l'amour, d'une certaine façon car si la lavandière assumait ses sentiments à l'égard de son employeur, elle ignorait si il les partageait de façon aussi encline que sa couche... Mais qu'importe désormais, elle avait une partie de lui à jamais avec elle. Elle regrettait juste qu'il ne puisse connaître sa si jolie petite fille. Car il était évident qu'elle ne ferait jamais partie de sa vie. Elle était illégitime mais surtout, le Conte de Cambridge n'était pas du même monde. Et pour couronner le tout, il était marié...
Little Lady by heart
Arya grandit dans une petite maison à la toiture percée de quelques trous calfeutrés non loin de Longstowe Hall. Après avoir manqué la perdre à peine après l'avoir vu naître, Daphné sa mère, ne la laissa plus jamais seule. Même pour aller travailler, elle attachait le bébé à elle à l'aide de tissus de fortune et faisait ce qu'elle avait à faire, de sa tourné de récupération de linge, au lavoir, jusqu'à la livraison. Il n'était pas rare qu'elle se pare d'un regard de mélancolie une main tendre posée sur la tête de sa fille lorsqu'au loin alors que le ciel était clair, elle voyait les cheminées de la demeure du Comte se dessiner à travers la cime des arbres.
Elle couva sa petite, veillant au mieux à ce que les difficultés du quotidien n'entachent pas son innocence. Arya fut élevée dans une certaine insouciance malgré la rudesse de certains jours qui ne glissaient pas aussi insensiblement sur elle que l'aurait voulu Daphné. Elle avait beau être d'un tempérament relativement réservé, la fillette avait l'esprit vif, observait et comprenait bien plus de choses qu'une enfant de son âge ne l'aurait du.
Lorsqu'elle fut en âge de le faire, elle se mit volontiers à aider sa mère à la tache, lui prêtant main forte pour porter les paniers souvent trop lourds pour elle ou même laver draps qui faisait au moins deux fois son poids une fois gorgés d'eau.
Sa volonté sans borne de vouloir soulager le quotidien de sa maman qui travaillait dur pour qu'elle ne manque de rien faillit pourtant un jour lui coûter la vie. Un après-midi d'été, penchée au dessus du grattoir, elle s'activait à sa besogne en chantonnant de sa jolie voix d'enfant lorsque distraite, elle échappa le pavé de savon dans le lavoir. Oops... Elle s'était couvert la bouche de ses mains humides, totalement désolée. C'était une denrée précieuse et elle le savait. Il était presque tout neuf elle ne pouvait pas se permettre de le perdre ! Arya avait jeté un regard contrit vers sa mère qui s'acharnait sur une tâche dont elle n'avait pas voulu lui donner les détails alors face à son visage froncé par l'effort, la fillette avait préféré ne pas la déranger et se débrouiller par elle-même. Elle s'était penchée de tout son long afin d'essayer de récupérer le savon, étiré son bras et ses doigts de toutes ses forces... jusqu'à glisser sur le tissu détrempé et basculer dans l'eau dans un "plouf" sonore. Ses pieds emmêlées dans le drap, elle avait été incapable de battre des jambes afin de remonter et avait coulé à pique. Arya passa proche de la noyade mais fut repêchée juste à temps avec l'interdiction formelle à l'avenir de s'approcher du moindre point d'eau à moins qu'elle n'y ai drastiquement pieds !
When I grow up
A l'aube de l'adolescence, Arya se mit à relayer de plus en plus régulièrement sa mère dans son travail. L'hivers fut un peu plus rude que les autres cette année là et Daphné tomba malade. Ce n'était pas la première fois, pourtant cette fois-ci, son mal ne semblait pas vouloir passer et plus ça allait, plus elle faiblissait. Arya essaya de la remplacer mais elle était encore jeune et ses bras peinaient à porter les lourds paniers d'osier toute seule... Ses jambes n'étaient pas encore assez fortes pour couvrir toutes les distances de maison en maison afin de récupérer et délivrer le linge. Elle avait beau faire de son mieux, ce n'était pas assez et très vite, les revenus vinrent à manquer cruellement.
Refusant de voir sa fille se tuer à la tâche et sombrer dans une telle précarité quand pour elle Daphné voulait tout, elle décida de tenter la seule option qui lui restait. Arya devenait fort jolie, avait l'esprit vif et l'allure altière de son père... A ses côtés si il l'acceptait, elle pourrait espérer un avenir sa mère en était convaincue ! Elle devait essayer, bien que l'idée d'être séparée d'elle la déchirait. mais le présentement qu'elle avait en elle face à sa santé déclinante lui donnerait la force de le souffrir...
Un matin, la jeune fille ouvrit les yeux sur le visage triste mais souriant de sa mère qui l'invita à mettre son manteau et à la suivre. Arya obéit et soutint Daphné dans sa démarche fébrile jusqu'à Longstowe Hall, incertaine... Devant la demeure, son cœur s'était figé avant de se remettre à cogner dans sa poitrine à l'en faire éclater en mille morceaux. Elle avait adressé une regard à la fois surpris et angoissé à sa mère, n'osant comprendre ce qui était en train de se passer... Arya avait toujours su qui était son père. On ne le lui avait jamais caché bien qu'elle avait du s'efforcer de ne jamais en dire mot à quiconque. Est-ce qu'elle allait le rencontrer ? Pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi maintenant ? Elle s'était mise à questionner sa mère mais cette dernière s'était murée dans le silence jusqu'à la porte d'entrée principale où elle avait abattu son poing avant de demander audience auprès du Comte de Cambridge.
Arya avait la sensation que ses jambes allaient se dérober sous elle à tout instant. Elle avait peur de se retrouver face à lui. D'être repoussée... Mais contre toute attente, après quelques explications échangées entre lui et sa mère, il s'approcha d'elle afin de la regarder et dégagea de son visage sa capuche de laine élimée qui lui révélèrent deux grands yeux bleus bien trop similaires aux siens pour être ignorés. A l'évidence il ne pouvait pas la renier car de lui elle n'avait pas que le regard mais également quelques traits.
Il accepta de la garder avec lui mais lorsque l'adolescente compris qu'elle serait la seule à rester, que sa mère devrait retourner seule à la pauvreté dans l'état où elle se trouvait, elle paniqua et s'agrippa à la main de Daphné en la suppliant de ne pas la laisser. Ce fut le seul et unique "caprice" qu'elle fit de sa vie.
Tell me how to be in this world...
Il fut donc convenu en mémoire sans doute de l'affection que le Comte avait porté à sa lavandière, qu'elle resterait le temps de se rétablir mais résiderait dans les quartiers des domestiques. Ainsi tout le monde serait content. Tout le monde, sauf peut-être la Comtesse de Cambridge ! L'arrivée de Daphné sous son toit était déjà un affront en soi mais qu'en plus on lui impose une bâtarde ? Alors que sa propre fille devrait faire ses débuts dans la Société ? C'était absolument hors de question ! Arya était trop jolie pour le bien de Lucinda sa demi-sœur ! Si elle venait à être légitimée elle devrait faire ses débuts également et il était exclu qu'elle rafle un bon parti à sa progéniture ! Mais surtout, elle était la preuve irréfutable de l'infidélité du Comte et le rappel constant de l'humiliation de sa femme...
Arya prit soin de Daphné de longs jours et longues nuits durant. Elle se chargeait elle même de lui préparer à manger, de changer ses draps ou encore de l'aider à ses ablutions. Elle ne quitta que très peu son chevet, son cœur gonflé un peu plus chaque jour de l'espoir de la voir guérir à présent qu'elles vivaient dans un endroit au chaud et au sec avec nourriture en profusion.
Malheureusement, un matin, c'est sur la main froide et le corps sans vie de Daphné qu'Arya se réveilla. Elle tomba en elle-même, totalement dévastée. Elle ne sortit de sa léthargie que quelque jours plus tard, mais sans aucun souvenir des jours ayant suivi la perte de sa mère tant le traumatisme fut violent...
Better not seen and not heard
Il fallut du temps à l'adolescente pour se remettre de cette perte, elle qui n'avait jamais encore été séparée de sa mère. Le Comte fit de son mieux pour soulager la peine de sa fille mais en bon homme qu'il était, il préféra laisser la consolation du chagrin d'Arya à son épouse. Etant une femme elle-même, elle serait sans doute plus à même de gérer ce genre d'émois face auxquels il se trouvait bien plus déstabilisé et démunis que face à n'importe quelle autre chose ! Les larmes des demoiselles avaient le pouvoir de le mettre dans un état d'inconfort extrême.
Mais la Comtesse ne l'épargna pas. Elle la méprisait et ne cherchait pas à s'en cacher. Arya dû masquer sa tristesse et faire son deuil seule, faisait de son mieux pour se faire la plus discrète possible auprès de sa belle-mère mais la jeune fille sentait souvent ses yeux acérés sur elle et aucune année qui passa ne les attendrit.
Arya comprenait l'aversion de la Comtesse à son égard et essayait de ne pas l'en blâmer. Après tout elle était l'enfant du Comte et d'une autre femme. Bien sûr que la situation était inconfortable pour son épouse. La jeune fille essayait avec toute la meilleure volonté du monde de lui faire oublier le désagrément de sa présence et même d'avoir des attentions pour elle afin de l'amadouer et l'amener peut-être à l'aimer ne serait-ce qu'un peu ? Pourtant aucun de ses efforts ne semblait jamais trouver grâce.
La Comtesse de Cambridge décida finalement de reléguer Arya à l'office. Son père, qui de son côté s'était pris sincèrement d'affection pour sa fille séduit par sa vivacité d'esprit et son joli minois, se plia pourtant aux arguments de son épouse. C'était elle qui lui avait donné sa fortune après tout, quand lui lui avait donné son titre. Echange de bons procédés en somme... N'étant pas légitime, Arya devait rester cachée aux yeux du Monde afin de ne pas risquer compromettre l'avenir de Lucinda ou gâcher ses débuts dans la Société !
Les choses se feraient donc ainsi le temps qu'il régularise la situation. Un retournement de situation que la jeune fille ignore et qui fait bondir sa marâtre. La légitimer ? Il faudrait lui passer sur le corps !
It burns in my chest
Dans quelques temps aurait lieu le début de la saison. Arya suivit les siens jusque dans le Norfolk où la famille possédait une résidence d'été. Un moyen de profiter de quelques moments aux grand air avant les mondanités londoniennes.
L'arrivée à la campagne sur ce domaine bien plus reculé que les autres lui fit l'effet d'une renaissance. C'était si vivifiant ! Comme être capable de respirer enfin après une trop longue apnée. Relativement libre de son temps là bas, étant donné que toutes les attentions étaient tournées vers sa cadette, elle en profita pour passer ses journées à se promener à travers la nature et à explorer ses secrets. Elle prenait plaisir à marcher et à découvrir les paysages magnifique de cette partie du pays qu'elle ne connaissait pas et s'aventura de plus en plus loin, chaque jour. Il y avait une espèce de magie sur ces terres qui se paraient de couleurs qu'elle n'avait jamais vu selon les heures de la journée. C'était un ravissement constant qui la poussait à disparaître parfois des journées entières !
Jusqu'à ce que ses pas ne finissent par la mener aux abords d'une grand bâtisse autour de laquelle s'ébrouaient et broutaient des chevaux tous plus somptueux les uns que les autres qui la laissèrent coite d’émerveillement et l'attirèrent tel un aimant. L'instant d'après Arya franchissait les barrières de la propriété et était auprès d'eux à les observer, avant de finir par tenter de les approcher.
C'est ainsi qu'elle le rencontra... Cet homme dont les yeux bleus la saisirent sur place. A son grand étonnement, il ne la chassa pas. Ni cette fois là, ni toutes les autres. Car elle revint le voir. D'abord prétextant le plaisir de voir les chevaux, puis finalement ne se justifiant plus. Elle venait pour eux oui, mais aussi pour lui. Surtout pour lui... C'était étrange, cette manière qu'avait l'atmosphère de se faire lourde et légère à la fois lorsqu'elle était près de lui. C'était comme flotter et couler en même temps. Des paresthésies lui parcourraient tout le corps et l'espace d'une seconde, elle ne savait plus trop où s'arrêtaient ses contours.
Arya n'avait pas la moindre idée de qui il était. Le chef d'écurie sans doute. Un écuyer entraînant les chevaux peut-être. Elle savait juste qu'elle appréciait beaucoup trop leurs instants passés ensemble. Il levait ce poids qui pesait sur son cœur qu'on contraignait à battre en silence depuis tant d'années et rendait les choses plus belles parce qu'elles existaient à travers ses yeux. Il aurait été facile de tomber amoureuse de lui. Aussi naturel que de tomber tout court. S'interdire de s'éprendre de lui était le contraire d'une chute ; c'était escalader une falaise abrupte à la seule force de ses mains éraflées...
Malheureusement toutes bonnes choses ont une fin et il fut temps de partir. C'est donc le cœur serré qu'Arya quitta le Norfolk pour Londres où la saison serait bientôt lancée. Mais tout ce qu'elle avait en tête elle, était de revenir ici le plus vite possible. Revenir à lui.
Si elle avait su que c'était exactement ce vers quoi l'amenait la calèche à la cabine ballante dans laquelle elle se trouvait ! La capitale, les Mondanités et Emil d'Aetheling Duc de Norfolk...